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Le championnat le plus bizarre du monde
Ce week-end, l'Argentine lance son nouveau championnat : une improbable compétition avec 30 équipes et 30 journées. Tellement bizarre qu'il ne durera qu'un an. Sa réforme est déjà prévue pour l'année prochaine.
Trop habitués, les Argentins, joueurs et supporters principalement, font comme si de rien n’était. La compétition est de retour, et c’est bien là l’essentiel. Pourtant, le championnat qui débute ce week-end est une bizarrerie qui mérite qu’on se penche un peu plus dessus. Dernière invention de Julio Grondona avant sa mort, cette nouvelle version de tournoi est unique au monde. Elle met fin en Argentine à un quart de siècle de « tournois courts » , disputés sur six mois. En 2015, il n’y aura donc qu’un seul champion national, pour la première fois depuis l’Independiente de Bochini en 1989. Dix équipes sont montées de deuxième division, aucune n’est descendue. Résultat, il y aura 30 clubs en Primera cette année, pour un championnat de 30 journées. Chaque participant affrontera une fois tous ses adversaires, sauf son « Clásico » , avec qui il y aura deux duels, un à domicile et un à l’extérieur. La dernière journée aura lieu début novembre, mais des premiers play-offs opposeront les 3e, 4e, 5e et 6e pour un ticket en Copa Libertadores, puis des seconds mettront aux prises les deux éliminés de la course à la Libertadores et les équipes placées entre la 7e et la 18e place, pour la qualif’ en Sudamericana. Deux équipes seront reléguées en D2, toujours via ce drôle de système de moyennes. La conclusion de Menotti : « C’est une connerie et une honte pour le foot argentin » .
Inéquitable et bordélique
Difficile en effet de s’y retrouver. Les incohérences ne manquent pas. Sportives, tout d’abord : ce championnat est inéquitable. Certaines équipes feront 5000 kilomètres dans l’année, d’autres 1500. Jouer Boca ou River à domicile ou à l’extérieur change tout. Devoir affronter deux fois Racing (Independiente) ou deux fois Tigre (Vélez) n’est pas la même histoire. Ce double duel contre son « Clásico » , pensé pour le spectacle, pose problème : plusieurs écuries de Primera n’ont pas de Clásico. Aldosivi, par exemple, de la ville de Mar del Plata, s’est vu attribuer comme rival Crucero del Norte, de Garupa, située 1500 kilomètres plus au nord. Un autre objectif de ce championnat était d’intégrer les provinces argentines, de décentraliser l’élite du football argentin. Mais des 30 équipes engagées, 18 sont de la capitale ou de la province de Buenos Aires. Grondona voulait aussi diminuer le nombre de matchs disputés dans la saison pour faire de la place à la coupe, complètement dénigrée par les gros malgré le fait qu’elle qualifie pour la Libertadores (Huracán, alors en D2, l’a remporté l’année dernière). Mais entre les coupes continentales, les play offs en fin de saison et la pression constante qu’impose le système de moyennes pour le maintien, pas sûr que cela suffise. Il y a d’autres étrangetés : un club en troisième division il y a 6 mois (Temperley) se retrouve soudainement en Primera ; début novembre, 12 équipes seront en vacances anticipées ; il est possible qu’une équipe reléguée se retrouvent en play offs (il y a deux ans, Tigre jouait à la fois le titre et le maintien à la dernière journée).
Dans un an, une nouvelle réforme
L’intérêt premier de cette réforme était d’ordre économique. Le football argentin, en partie financé par le secteur public depuis la création de Futbol para Todos (l’achat des droits télés par l’État pour la diffusion en clair de tous les matchs du championnat), est gravement endetté. Comme souvent, Menotti vise juste : « Le truc, c’est qu’on n’y comprend rien. Il y a des clubs qui ont 500 millions de pesos de dette et qui achètent 20 joueurs. Qui administre notre football ? Je trouve ça injuste de ne pas ouvrir un débat participatif, puisque c’est le contribuable qui est sollicité pour le financement. » Passer à un tournoi long devait permettre de mieux vendre les joueurs vers l’extérieur (coordination des calendriers, statistiques annuelles plus attirantes). Problème, la fin du championnat argentin tombe sur le mercato hivernal européen, moins prolifique que l’estival. Du coup, dès l’année prochaine, tout changera de nouveau. Avant même d’avoir commencé, la nouvelle formule prépare sa sortie : en 2016, un nouveau tournoi de transition aura lieu entre février et juin, avec trois descentes et une montée, pour qu’en août débute un championnat « à l’européenne » . Ensuite, chaque année, il y aura quatre relégués pour deux promus, afin d’arriver à l’objectif final : un championnat à 22 équipes pour la saison 2019/2020. D’ici là, les plans auront sans doute changé un paquet de fois.
Par Léo Ruiz