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Le cas Martial
Seul sourire du Manchester United de Van Gaal l’an passé, Anthony Martial traverse depuis plusieurs semaines une situation plus que compliquée dans sa carrière, entre une situation personnelle tendue et des critiques sur son investissement au boulot. Reste que le train passe vite.
Le premier jour, son nom est revenu en boucle. La saison n’avait pas encore commencé, Manchester United était alors en pleine parade économico-sportive à Shanghai, mais José Mourinho n’avait déjà pas beaucoup d’hésitation autour d’un effectif qu’il a toujours rêvé de prendre dans ses bras. Face à la presse, le Portugais veut montrer qu’il connaît déjà parfaitement son groupe et aligne ceux qu’il considère alors comme les piliers de sa première saison. Dans cette liste revient en permanence un nom : Anthony Martial. Le gamin n’a que vingt ans, mais a changé de dimension en l’espace de quelques mois à la force d’un effectif assez pauvre autour de lui et au cœur duquel il a souvent débarqué comme le sauveur malgré son expérience minime. Sa première saison en Angleterre a été bouclée à dix-sept buts toutes compétitions confondues, de quoi arracher la lourde étiquette de joueur millionnaire accrochée avec insistance à ses chevilles. Au fond, Mourinho sait qu’il peut faire passer un nouveau cap encore plus important à son jeune attaquant international et veut croire que son Euro 2016 raté avec l’équipe de France n’est qu’une tache à effacer. Sur ce point, il n’a probablement pas tort. Reste qu’un gamin devenu héros à même pas vingt ans a forcément plus à assumer lorsqu’il a décidé de placer la barre aussi haut lors de son premier essai. Un jeune adulte ne reste finalement qu’un jeune adulte, avec ce que la vie doit lui apprendre. Mais un critère revient plus que les autres depuis plusieurs semaines pour évoquer le cas Martial. Un critère qui pèse lourd et qui lui a valu récemment d’être recadré par Didier Deschamps lors du dernier rassemblement de l’équipe de France : l’état d’esprit. Surtout quand les gestes de pilote automatique balancés depuis plus d’un an ne fonctionnent plus. Alors parfois, oui, le football va beaucoup trop vite.
Le cœur et l’esprit
Le temps. Voilà ce que demande depuis plusieurs mois Didier Deschamps à propos de ses jeunes joueurs. Voilà aussi ce qu’a du mal à laisser le public français, trop habitué à être déçu avec ses jeunes talents. Tout le monde a rapidement compris qu’Anthony Martial serait un cas à part. Manchester United a beau ne plus être le Manchester United qui arrache tout sur son passage, s’y imposer comme il l’a fait l’an passé après un premier but contre Liverpool en septembre ne peut être anodin. Mais que s’est-il passé ? Pourquoi Martial a progressivement perdu sa place de titulaire en championnat (quatre titularisations seulement cette saison) et comment a-t-il pu perdre tout le jus qui était le sien la saison passée ? Il y a d’abord l’homme. Celui qui a gueulé sur la perte de son numéro de maillot au profit de Zlatan Ibrahimović cet été, celui qui semble moins concerné sur et en dehors du terrain, mais aussi et principalement celui qui doit gérer depuis plusieurs mois un cœur qui a largué la mère de sa fille et qui ne sait plus où se placer. Il y a quelques semaines, José Mourinho s’est publiquement inquiété de cette situation et a défendu sa gestion du cas Martial par rapport à l’état actuel des choses. Car si l’attaquant français a ouvert son compteur en sélection contre l’Italie début septembre (3-1), s’il a marqué son premier but en championnat contre Stoke (1-1) la semaine dernière et qu’il a inscrit un penalty contre Fenerbahçe (4-1) jeudi, son attitude interroge. Au point de laisser Marcus Rashford danser à sa place.
La Mourinho compatibilité
Le choix de Rashford est personnel mais aussi tactique. Là est l’autre question : Anthony Martial est-il seulement « Mourinho compatible » ? On a désormais appris à le connaître. L’ancien Monégasque n’est pas forcément l’ailier qui participe le plus aux tâches défensives, surtout en ce moment même si sa performance contre Fenerbahçe cette semaine a rassuré dans l’investissement. Dans de nombreuses situations, José Mourinho préfère aligner Mata, Lingard et donc surtout Rashford. Pourquoi ? Car si de nombreuses défenses ont peur de se retrouver face à une telle armada, aligner Rashford, Martial et Ibrahimović en même temps revient à flinguer l’équilibre tactique d’une équipe. On en revient alors à l’esprit d’équipe souvent pointé par Didier Deschamps au moment d’aborder le sujet Anthony Martial. Les dogmes de Mourinho obligent à l’exigence. Contre Liverpool, le forfait de l’attaquant français lui a permis d’éviter le casse-tête qu’il devrait avoir dimanche contre Chelsea. L’heure est aujourd’hui aux questions pour Anthony Martial, dans un club où son aura reste encore inchangée et ses maillots se vendent encore. Mais jusqu’à quand, comment et pour quelle finalité ? Car plus que gagner le respect, il faut maintenant passer à la postérité.
Par Maxime Brigand