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À Nantes, les copains de Kita d’abord ?

Par Tristan Pubert

Le mois dernier, Ouest-France révélait que le jeune Lancelot Carbon, fils d’un agent proche de Waldemar Kita, allait signer un contrat professionnel au FC Nantes. Ce qui conduit à s’interroger sur les méthodes du dirigeant, jusqu’au centre de formation des Canaris.

À Nantes, les copains de Kita d’abord ?

Sur les bords de l’Erdre, les années se suivent et se ressemblent. En dehors d’une parenthèse enchantée en 2022 avec le succès en Coupe de France, le FC Nantes navigue entre le médiocre et le très mauvais. Une nouvelle fois cette saison, l’octuple champion de France a arraché son maintien dans le money time, lors de l’avant-dernière journée en profitant du revers de Metz sur la pelouse de Strasbourg (1-2). Une valse d’entraîneurs (trois en une saison), une pitoyable série de dix défaites consécutives à la Beaujoire (la plus longue dans l’histoire de l’élite du football français) et, cerise sur l’indigeste gâteau nantais, le cas de Lancelot Carbon, le symbole des maux du FCN de Waldemar Kita.

87 minutes de jeu, supercherie et Túlio de Melo

Le 14 mai, deux jours après le dernier match de la saison à la Beaujoire perdu face aux Lillois (1-2), le quotidien Ouest France révèle qu’un certain Lancelot Carbon est tout proche de signer son premier contrat professionnel avec le FC Nantes. Rien de bien étonnant pour un jeune joueur de 19 ans, sauf que la nouvelle intrigue. Le Canari ne fait pas l’unanimité en interne, et cette récompense est considérée comme étrange, et pour cause : il a disputé 87 minutes en quatre ans au sein des équipes de jeunes de la Maison jaune. Autre chose : il est le fils de Pascal Carbon, un agent proche du président Kita à qui on doit notamment les arrivées d’Ismaël Bangoura et plus récemment d’Adson à Nantes. La « carrière » du jeune adulte au FCN serait-elle le fruit d’un traitement de faveur et du copinage ? Dès 2020, l’arrivée de Lancelot Carbon en provenance du FC Lausanne-Sport, en Suisse, avait suscité quelques interrogations en interne.

Il est en difficulté avec des joueurs qui ont un an, même parfois deux ans de moins que lui. Il n’est pas au niveau, mais personne ne dit vraiment rien.

Un proche du FCN

Quand certains surdoués sont surclassés, lui se retrouve parfois à s’entraîner avec les équipes de la catégorie d’âge du dessous. Selon nos informations, la venue de « ce membre de la famille Kita », comme le dit lui-même le président nantais, aurait été conditionnée par la prolongation d’Andrei Girotto à l’hiver 2019, Carbon partageant le même agent que le Brésilien, un certain Túlio de Melo. « Dès son arrivée, on sent déjà la supercherie. Il est en retard à tous les niveaux, et les éducateurs comprennent très vite que ce joueur n’est pas là par hasard, confie un proche du club. Il est en difficulté avec des joueurs qui ont un an, même parfois deux ans de moins que lui. Il n’est pas au niveau, mais personne ne dit vraiment rien, on le laisse s’entraîner, car on sait qu’on ne peut pas dire grand-chose. »

Quatre ans plus tard, et après avoir gratté quelques minutes grâce à des entrées contre des équipes plus faibles, la possibilité de le voir signer un contrat professionnel chez les Canaris a surpris. Surtout, la pilule n’a pas été facile à avaler pour certains de ses partenaires de l’académie. « Beaucoup l’ont très mal pris, comme un manque de respect, raconte ce même témoin. Des joueurs qui enchaînent les matchs, mouillent le maillot, commencent à tutoyer le groupe professionnel. Mais certains ont retourné la situation et se sont dit que le cas Carbon pourrait leur servir dans les négociations d’un possible contrat professionnel. » Des frustrations légitimes comprises par Anthony Walongwa, né à Nantes et formé au FCN au début de l’ère Kita. « Lorsque tu vois qu’un contrat professionnel va être donné à un joueur qui ne joue jamais, on peut le prendre comme un manque de respect », estime-t-il. Le cas Lancelot Carbon ne peut pas être présenté comme une anomalie dans le foot, où les passe-droits et le copinage sont des habitudes, mais il illustre bien le malaise permanent provoqué par les méthodes Kita, jusque dans la formation. Sollicités, le FC Nantes et le président Waldemar Kita n’ont pas donné de réponse.

La méthode Kita… et de l’époque ?

La formation nantaise a pourtant eu le droit à un formidable coup de projecteur cette saison, avec le parcours des U19 en Youth League, qui a enthousiasmé des supporters trop souvent déçus par l’équipe fanion et la direction prise par leur club. Lancelot Carbon n’est pas la seule bizarrerie de ces dernières années chez les jeunes pousses. Par exemple, Maxime Mejjati-Alami, recruté en 2022 pour rejoindre les U19, n’est autre que le fils de Karim Mejjati, un autre agent ami du clan Kita, comme on nous le présente. Pour quel résultat ? 142 minutes de jeu, avant d’être envoyé en prêt du côté du Standard de Liège, en Belgique. « C’est un peu la même chose qu’avec Carbon, il n’avait pas le niveau, confirme un ancien de la Jonelière. Mais personne ne dit rien, car on sait pourquoi il est là. »

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Il règne donc un paradoxe à Nantes, entre une formation toujours plus performante et remarquablement accompagnée, et ces étrangetés signées Kita. « Nantes a de la chance d’avoir énormément de qualité dans son centre de formation, c’est indéniable. Si on compare au voisin rennais, c’est du même niveau, considère un autre proche du club. Mais à Rennes, la différence est qu’il y a un projet cohérent et moins d’ingérences. On tape facilement sur le président, mais disons qu’il a bien choisi les gens avec lesquels il souhaite travailler, et notamment dès le centre de formation. Les éducateurs font un boulot remarquable, on ne peut rien dire sur eux à ce niveau-là. Mais ils se retrouvent souvent avec des joueurs imposés, des effectifs beaucoup trop gros. C’est difficile de travailler dans ce genre de condition. » Ce qui n’est pas un problème seulement à Nantes, à une époque où il faut sortir des jeunes de plus en plus jeunes et, si possible, prêts à baigner dans le monde pro le plus tôt possible.

Je me rappelle que certains joueurs intégraient directement notre équipe, sans forcément faire de détection, et qu’ils n’étaient pas forcément au niveau. On ne savait pas trop pourquoi ils étaient là.

Anthony Walongwa

Ce contexte n’est pas facile à gérer pour les éducateurs et formateurs, souvent réputés excellents en France, mais aussi contraints de s’adapter aux évolutions du sport roi et de son business. Même si la pratique ne date pas d’hier, comme l’assure Walongwa, aujourd’hui défenseur à l’USSA Vertou, en National 3 : « Je me rappelle que certains joueurs intégraient directement notre équipe, sans forcément faire de détection, et qu’ils n’étaient pas forcément au niveau. On ne savait pas trop pourquoi ils étaient là », qui nuance : « cela a aussi permis de faire venir des joueurs talentueux comme Kolo Muani, Bammou ou encore Djilobodji. »Le FCN n’est pas un cas isolé, Lancelot Carbon non plus, ainsi va la vie d’un club de foot professionnel. « Si on est ami avec certaines personnes ou qu’on a des affinités, c’est plus facile de rentrer à Nantes, conclut un proche des Canaris. Soit c’est un manque de compétence, soit c’est de l’ingérence, mais il y a quelque chose qui ne fonctionne pas correctement. » Une pierre de plus dans le jardin de la famille Kita, qui fêtera bientôt deux décennies passées à la tête du FC Nantes.

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