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Le carton blanc, un véritable atout pour l’arbitrage français ?
Le football cherche toujours la meilleure façon de ménager la nécessité de la sanction et l’impératif du jeu. L’instauration du carton blanc, suggérée par l'IFAB et que pourrait tester la LFP dès la saison prochaine en Ligue 1, apporterait un nouvel outil aux arbitres pour gérer les matchs. Avec aussi son lot d'interrogations.
La notion d’expulsion temporaire existe déjà dans de nombreux sports collectifs, que ce soit afin de sanctionner une faute ou de calmer les ardeurs d’un joueur. L’exemple du rugby est le plus parlant, même si la procédure se trouve également expérimentée chez les footballeurs amateurs depuis six ans, selon les districts, ou dans le handifoot. En FSGT, le recours au carton blanc s’est généralisé depuis longtemps au travers de sa coupe nationale « Auguste Delaune », avec avant tout pour ambition d’évacuer la tension : « Face à des joueurs qui sont en train de perdre le contrôle d’eux-mêmes, les arbitres ont à leur disposition un “carton blanc”, synonyme de sortie temporaire de 5 minutes sans remplacement (…) devant permettre de retrouver un peu de sérénité sur le banc de touche. Le carton blanc n’est pas un moyen répressif, mais seulement préventif. »
Prévention plutôt qu’exclusion : une idée vraiment applicable ?
Le souhait de l’IFAB, qui a la lourde charge des fameuses « lois du jeu » au sein de la FIFA, de tenter l’aventure, répond toutefois aussi à une autre perspective. Il s’agit certes d’aider les hommes ou femmes en noir à sortir du lourd dilemme de l’exclusion, sans donner l’impression de se montrer trop faibles. Mais au-delà, comme l’explique Mark Bullingham, directeur exécutif de l’IFAB, il importe de préserver l’attractivité du ballon rond, obsession permanente du service commercial de la FIFA : « La frustration des supporters est immense lorsqu’ils voient une contre-attaque prometteuse avortée par une faute tactique. Et la question de savoir si un carton jaune est suffisant pour la sanctionner nous a amenés à nous demander si le carton blanc ne devrait pas également être une option. » Éric Borghini, président de la Commission fédérale des arbitres à la FFF, a explicité de manière encore plus franche les termes du débat dans L’Équipe, du moins à l’échelle de l’Hexagone : « Plutôt que de donner une exclusion définitive, surtout en début de match, ce qui déséquilibre toute une équipe, l’exclusion temporaire pour certains types de fautes a du sens pour le spectacle et pour le football. »
Sans surprise, la France s’est donc montrée immédiatement partante pour participer à un test au haut niveau. « Si l’IFAB veut confier à certains pays volontaires une expérimentation dans leurs compétitions professionnelles, la France serait partante pour la saison prochaine, poursuit Borghini. Évidemment, si la LFP et le comité exécutif de la FFF sont d’accord. Car ce n’est pas quelque chose qui se décide à la commission des arbitres. » De son côté, l’UEFA fermait rapidement la porte à cette évolution à quelques mois de l’Euro, ce qui aurait été pourtant une occasion rêvée d’observer grandeur nature la pertinence de la démarche. Les relations ne s’affichent effectivement pas au beau fixe entre le Vieux Continent et la FIFA, y compris sur les questions de règles (à suivre les débats autour du temps effectif de jeu).
Les défenseurs de la spécificité du foot argueront qu’il doit conserver son identité sans avoir besoin de toujours copier ce qui se fait ailleurs. L’exemple malheureux de la VAR, au nom de « sa réussite » en ovalie, aurait plutôt tendance à leur donner raison, surtout que la marche arrière semble impossible ensuite. Cependant, pour une fois, cette innovation pourra peut-être faciliter un peu la vie des arbitres, notamment face aux contestations ou propos trop véhéments à leur égard. Être exclu du terrain, même provisoirement, s’avère un signe symbolique fort, sans même parler de mettre en difficulté ses coéquipiers. Malgré tout, les doutes demeurent nombreux : est-il possible de placer une quelconque confiance dans la vertu pédagogique préventive de la menace ? (Ou, autrement dit, dix minutes en infériorité numérique en foot pèsent-elles autant que trois minutes en handball ?) Un joueur qui s’en prendra trop violemment à l’arbitre pour un carton blanc recevra-t-il un jaune ? Et il reste à déterminer où ira s’asseoir le joueur. Sur son banc ou dans une « prison » comme en hockey ? Seule certitude : Marco Verratti ne sera pas là pour l’expérimenter.
Par Nicolas Kssis-Martov