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Le carré d’as des bacheliers

Par Adrien Hémard, avec Nicolas Grellier, Hugo Lallier et Aurélien Sadrin
6 minutes
Le carré d’as des bacheliers

Non, les footballeurs ne sont pas tous cons. Et oui, les centres de formation mettent la scolarité en avant. La preuve : ceux de Ligue 1 ont enregistré quatre bacheliers généraux avec mention très bien cette année. Yannis Kari et Stone Mambo ont brillé en ES, tandis que Julien Oudet et Jad Mouaddib se sont baladés en S. Une réussite significative qui souligne les progrès internes de la formation française. Retour sur une promo 2017 prometteuse, et promis, les notes de sport n'ont rien à voir là-dedans.

« Caïds immatures » pour Roselyne Bachelot, « gosses mal éduqués » et « gars des cités sans références » pour François Hollande : les jeunes footeux n’ont pas toujours eu la cote ces dernières années. Si tous ne recevront pas de prix Nobel, il est quand même temps de rétablir la vérité : les joueurs de foot peuvent être intelligents. Eh ouais. Cette saison par exemple, quatre jeunes garçons ont mis une claque aux idées reçues : Yannis Kari (Marseille), Jad Mouaddib (Caen), Julien Oudet (Dijon) et Stone Mambo (Troyes) ont tous obtenu leur bac général, mention très bien.

Emploi du temps aménagé et sacrifices

Les quatre jeunes pousses ont décroché leur diplôme aussi facilement que le PSG entasse ses Coupes de la Ligue depuis 2014. Une performance d’autant plus remarquable qu’ils passent la moitié de leur journée de cours à jouer au foot, même si leurs emplois du temps sont aménagés du fait de leur statut de sportif de haut niveau. « J’ai choisi la filière ES, on était cinq en cours… Forcément, ça aide. On n’avait qu’une quinzaine d’heures de cours par semaine, moins que les élèves dans un lycée « normal », mais du coup, on était plus concentrés et évidemment, c’était plus facile pour échanger avec les profs » , explique Stone Mambo, défenseur à l’ESTAC.

Si à Marseille, Yannis Kari était carrément seul avec une prof rien que pour lui, à Dijon, Julien fréquentait un lycée privé du centre-ville avec une classe mixte : « On était deux du DFCO en S, mais il y avait d’autres sportifs de course à pied, triathlon, des handballeurs, hockeyeurs etc., et la moitié de gens « normaux ». On a raté des cours à cause des entraînements, mais quand on veut, on peut. Donc ça s’est super bien passé. » À Caen, Jad avoue avoir eu du mal à conjuguer foot et cours : « C’est-à-dire que j’avais entraînement deux matins dans la semaine et tous les soirs, ce qui fait que tous mes cours étaient condensés au milieu de la semaine. Mais malgré tout, ça m’arrivait de louper certains cours. Je les rattrapais le samedi après-midi. » Bref, une année de sacrifices pour les jeunes joueurs, faite de semaines surchargées entrecoupées de longs déplacements en championnats U19 nationaux le week-end. Et ce, jusqu’au coup d’envoi du baccalauréat.

Un examen abordé comme un match de foot

« La préparation à un match ressemble à celle d’un examen, mais ce qui est vraiment différent, c’est qu’un évènement sportif se joue sur le mental. L’examen, c’est surtout de l’apprentissage. Mais le sportif m’a beaucoup aidé pour appréhender les épreuves. Je ne stresse pas du tout pendant les examens et je sais gérer mon temps. Et tout cela, c’est grâce au foot, je pense. » Voilà comment Jad, habitué à devoir gérer les temps forts et les temps faibles, a abordé les épreuves. Habitués aux « grands » rendez-vous, les joueurs se pointent sereins le jour du bac et déroulent leur plan de jeu. Enfin pas tous. Touché par le syndrome des loges (un classique de la blessure musculaire), Julien a bien failli passer son bac depuis un lit d’hôpital : « Quinze jours avant le bac, j’ai choisi de me faire opérer le 31 mai pour reprendre le foot la saison prochaine. Je devais sortir de l’hôpital le lendemain, mais je suis resté couché une semaine à l’hôpital, donc je suis rentré une semaine avant le bac. J’ai commencé mes révisions, mais trois jours après, j’ai fait une hémorragie interne dans le mollet, retour à l’hôpital. Finalement, je suis sorti de là trois jours avant la première épreuve. »

Julien Oudet l’a fait en fauteuil roulant

Le Dijonnais se pointe tout de même aux ECE de physique et SVT en fauteuil roulant, et finit par passer son bac avec des bas de contention, la jambe attachée en l’air en pleine salle d’examen sous quarante degrés. Épique. Pas rancunier envers son corps, il fait même référence à ses galères sur une copie : « J’ai fait une petite référence au foot en SVT sur mon problème de mollet, j’ai fait un petit schéma, c’était cool. »

J’ai zappé l’Afrique en histoire, mais j’ai eu 20 quand même.

De son côté, Jad a choisi la dissertation de philo pour en glisser une sur le ballon : « C’était un sujet sur la culture. J’ai répondu qu’il y avait des cultures imprégnantes desquelles on ne pouvait se libérer comme la culture footballistique. Quand on est passionné de foot, on ne peut pas se libérer de cette culture. » C’est beau, putain. Mais le plus beau, c’est de cartonner tout en ayant fait des impasses. « J’ai zappé l’Afrique en histoire, mais j’ai eu 20 quand même. Ça ne devait pas tomber parce que ça faisait déjà deux ans que ça tombait… et c’est tombé ! Mais l’étude de doc était vachement bien guidée, donc j’ai géré » , fanfaronne ce veinard de Julien.

Contrat stagiaire, petit pont et études supérieures

Finalement, Julien a eu son bac S avec 16,21 de moyenne, Jad a passé les 17, tandis qu’à Marseille, Yannis Kari est grimpé à 16,69 de moyenne, loin derrière les 17,5 de Stone Mambo à Troyes. Trop facile, alors ces quatre-là ont décidé de poursuivre leurs études. Pendant que Jad et Stone hésitent encore concernant leur licence AES (Administration économique et sociale), Julien a déjà les idées en place, et même quelques regrets : « L’année charnière, d’un point de vue foot, c’est l’an prochain. Donc je ne peux pas faire une prépa ou médecine, je n’aurai pas le temps. Du coup, j’ai choisi un IUT GACO(Gestion administrative et commerciale des organisations), comme je ne sais pas ce que je veux faire, mais que je parle bien et que j’ai des facilités. Ça pourrait me préparer à une école de commerce si je n’y arrive pas dans le foot, mais je n’espère pas. De toute façon, l’année prochaine, c’est le foot à fond, après on verra. »

Entre le foot et les études, le choix est donc souvent le même. Mais pour tous, la saison prochaine sera capitale : à 19 ans, ça passe ou ça casse. Et Jad ne dit pas le contraire : « Je reprends en CFA en début de saison, je viens de signer un contrat stagiaire pro. Avec du travail, je pense que je peux franchir le palier et j’espère bientôt intégrer le groupe pro. C’est mon objectif immédiat. » Jad et les trois autre génies quittent tous les U19 pour rejoindre les équipes réserves, et espèrent intégrer le groupe pro à terme. Même si les études séduisent ces intellos du foot, le ballon rond reprend toujours le dessus. Une dualité résumée par un ultimatum cornélien : qu’est-ce qui est le plus réjouissant entre mettre un petit pont ou résoudre une équation ? « Mettre un petit pont en calculant la trajectoire et l’angle du ballon » , rétorque Julien. Pas mieux.

*Rennes, Lille et Angers n’ont pas communiqué sur le sujet

Dans cet article :
National : La chute des gros, la rébellion des mals-classés
Dans cet article :

Par Adrien Hémard, avec Nicolas Grellier, Hugo Lallier et Aurélien Sadrin

Propos recueillis par AH, AS, HL et NG

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