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Le carnet tactique de PSG-Bayern

Par Maxime Brigand
9 minutes
Le carnet tactique de PSG-Bayern

Secoué à Munich il y a une semaine, le PSG s'est incliné mardi soir (0-1) au Parc, mais a, grâce à plusieurs ajustements collectifs et à une performance plus en maîtrise, réussi à se qualifier face à un Bayern qui a lui aussi changé d'approche avec les coups reçus à l'aller. Décryptage.

On pourrait appeler ça un moment Neymar. Alors qu’il vient d’être touché pour la énième fois de la nuit dans le dos de la paire Alaba-Kimmich, le Brésilien est attrapé par le col. Pied posé sur le ballon, signe qu’un nouveau mauvais coup se prépare, il décide de laisser Presnel Kimpembe jouer le coup franc qu’il vient de récupérer. Un leurre. Le défenseur français feinte une ouverture en direction d’Ángel Di María et laisse finalement son coéquipier revenir dans ses pattes, avant de le voir déclencher un jeu à trois avec Draxler et Diallo côté gauche. Puis, un moment Neymar démarre : comme s’il était exempté de certaines règles physiques à la manière de Michael Jordan ou de Wayne Gretzky, le numéro 10 parisien s’allume, efface Müller et Kimmich d’un double contact somptueux et pénètre dans le dernier tiers du Bayern afin de toucher Kylian Mbappé, qui peut alors tourner le jeu vers Di María. Trouvé dans la surface, l’Argentin élimine sur un pas Alphonso Davies, transformé au fil de la soirée en poupée de chiffon, et fait glisser le ballon entre les jambes de Neuer. Là, Neymar apparaît de nouveau et est à un crampon de pouvoir enfin battre une défense munichoise torturée depuis plus de cinquante minutes. Increvable organisateur, artiste déséquilibrant et cible pour casser le pressing adverse avant de mettre le bordel dans les espaces, le Brésilien refuse de s’arrêter, ne cessant de jongler entre les rôles et livrant alors à l’Europe du foot l’un des matchs les plus aboutis de sa vie parisienne. Dans une bulle où les joueurs sont souvent réduits à des lignes de chiffres, c’est une ode à la liberté, à l’insolence et à l’imagination. Mardi soir, Neymar a été l’un des lampions du Parc des Princes où, une semaine après s’être arraché contre les éléments pour sortir triomphant de Munich (2-3), le PSG a validé sa qualification pour le troisième dernier carré de son histoire avec la Ligue des champions malgré une défaite (0-1) concédée au terme de la deuxième rencontre d’une double confrontation de fou furieux. Nuance : s’ils ont perdu, les Parisiens n’ont cette fois pas laissé le Bayern imposer son scénario.

Danse avec Neymar

Les Munichois ont pourtant eu, comme à l’aller, le ballon (55%) et les occasions pour calmer un PSG qui a répété son plan de la première manche, refusant de venir jouer avec le Bayern sur le terrain de la possession pour mieux le cogner une fois le ballon récupéré. Reste qu’au Parc, les Parisiens ont retrouvé un homme qui a agréablement fait varier le rapport de force entre les acteurs. Cet homme, c’est évidemment le formidable lanceur Leandro Paredes, suspendu à l’Allianz Arena, mais dont la présence mardi soir a en partie aidé les Parisiens à discuter sous pression, élément qui a rapidement été le point de bascule principal de la rencontre, alors que Mauricio Pochettino avait de nouveau décidé de coucher sur la feuille un trio Di María-Neymar-Draxler très technique pour pouvoir alimenter qualitativement Kylian Mbappé dans les espaces ouverts par la structure du Bayern. À Munich, on avait souvent vu les Parisiens dégager long. Cette fois, le PSG a pu sortir calmement, au sol et entre les lignes face à un champion d’Europe en titre en infériorité numérique dans le cœur du jeu, et c’est ainsi qu’il a pu se créer une belle pile de grosses occasions, mais aussi qu’il a pu offrir quelques séquences collectives délicieuses (la 23e minute de la rencontre est une merveille en ce sens).

Dès la première minute, on a pu voir que la porte de sortie pour le PSG allait être Neymar, qui est toujours venu se situer dans le dos de la paire Kimmich-Alaba.

Face à la relance parisienne, le Bayern s’est souvent retrouvé à 5 contre 6 grâce aux zones choisies par Draxler, Di María et Neymar, qui ont empêché Pavard et Davies de trop s’aventurer, au risque de complètement ouvrir les vannes comme à l’aller.

Lorsqu’ils l’ont fait, ils ont alors été punis comme ici, où Di María va réussir à trouver Neymar dans le dos de Kimmich…

… et être dans une position mortelle pour le Bayern avec un Mbappé en position d’attaquer Hernandez et Boateng dans la profondeur grâce à sa vitesse. Sur cette situation, le Français va heureusement pour les Munichois être signalé hors jeu (il l’a été 6 fois au cours de la soirée).

Preuve par les chiffres : en première période, aucun joueur du PSG n’a touché plus de ballons que Neymar (40, élément le plus touché devant… Paredes, évidemment) et le Brésilien a été partout, que ce soit à la déstabilisation, à la création ou à la finition.

Pour toucher Neymar, le PSG a eu plusieurs approches. Celle-ci, le dribble intérieur de Diallo sur Sané avant la passe dans le dos de Kimmich, a souvent fonctionné.

On a aussi vu Navas oser plusieurs belles relances, comme ici, pile entre Kimmich et Alaba.

Ou le Brésilien être un aimant pour Kimmich avant de libérer Paredes dans le cœur du jeu…

De cette position, l’Argentin peut alors trouver Draxler entre les lignes, qui fait sortir Pavard, alors que Neymar déclenche son appel…

Paredes peut ensuite déclencher long, mais ici, Boateng va être vigilant. Sur le second ballon, Mbappé va quand même intercepter, éliminer Pavard, et Neymar va buter sur Neuer.

Dans les sorties de balle, Draxler a aussi été une arme pour passer les plats…

Là où Di María a davantage été au déclenchement ou à la finition.

Ce mouvement montre aussi que le Bayern a changé sa gestion de Mbappé avec une prise à deux. Problème : ce choix libère logiquement un autre élément côté opposé (ici Neymar, qui va buter sur Neuer).

Lors du premier acte, le PSG a multiplié les belles séquences entre les lignes et a tiré six fois au but, mais Neymar s’est heurté à un grand Neuer (9e, 27e, 34e), aux montants (37e, 39e) et à l’arbitrage (sur un mouvement, Mbappé a été injustement signalé hors jeu, alors qu’il était couvert par Pavard). On savait que l’approche offensive du Bayern pouvait être punie une fois son pressing déjoué, ce que la manche aller avait déjà confirmé, mais il faut noter qu’en première période, les Parisiens ont été encore plus tranchants sur ces séquences, que Navas a été plus précis dans ses relances et que le Bayern n’a que rarement réussi à gêner le PSG dans son camp (4 tacles réussis par les Munichois dans la moitié de terrain parisienne, 12 à l’aller).

Mise en Bavière

Les Munichois ont quand même réussi à le faire à deux reprises, ce qui a rappelé que le moindre marquage préventif imprécis pourrait être fatal aux hommes de Pochettino. Trouvé par Choupo-Moting après une bonne interception de Boateng, Leroy Sané a d’abord eu une occasion en or de servir Müller ou de décaler Coman, mais a préféré tenter sa chance…

Dans la foulée, Colin Dagba, très intéressant le reste du temps, a fait apparaître la deuxième goutte de sueur du soir sur les fronts parisiens en servant Gueye dans une zone suicidaire, ce qui a débouché sur une frappe de Kimmich, là aussi hors cadre…

Prise de risque suicidaire de Dagba vers Gueye, cerné par trois Munichois…

Ballon récupéré et Kimmich peut ensuite frapper.

Mais globalement, le Bayern n’a pas réussi à reproduire ce qu’il avait réussi à faire à l’aller, et l’absence de Robert Lewandowski a de nouveau été préjudiciable pour les mouvements munichois. Pour une première raison : puni à l’aller par sa structure, le champion d’Europe en titre a légèrement modifié son approche au retour (notamment lors de la première heure) et a été plus prudent – moins d’agresseurs envoyés sur la ligne défensive adverse – comme on l’a vu sur les séquences de sortie de balle parisiennes. En ce sens, Mauricio Pochettino peut être fier : son PSG a forcé le Bayern à changer de visage, notamment dans la gestion de Kylian Mbappé (cf. plus haut). Deuxième raison : le PSG a été meilleur dans sa gestion des couloirs grâce à un bloc qui a mieux fermé les accès au cœur du jeu, ce qui s’explique par un comportement défensif plus concerné des joueurs excentrés, un Ángel Di María de gala en tête (5 ballons récupérés), mais également une meilleure couverture des appels dans les demi-espaces, une spécialité bavaroise. Troisième raison : si le Bayern a continué à enchaîner les transversales vers Sané (Hernandez lui en a filé 6) et que les centraux munichois, qui ont d’ailleurs été excellents, ont eu de la liberté pour progresser balle au pied malgré le travail défensif de Neymar et Mbappé (qui a par exemple fait un retour plein de cœur devant Sané à la 68e), les Parisiens ont de nouveau été intraitables dans leur surface, à commencer par Danilo (8 dégagements, 7 pour Kimpembe).

La grande majorité des éléments parisiens ont travaillé défensivement, à l’image de cette séquence où Draxler couvre Pavard et où Neymar fait l’effort pour claquer la porte à Müller. Kimmich doit alors ressortir.

Le Bayern n’a finalement réussi à être dangereux que lorsque David Alaba a réussi à se projeter et a pu créer un surnombre côté gauche en compagnie de Müller, Davies et Coman sur des séquences qui ont forcé Gueye et Paredes à dézoner. C’est notamment au bout de l’une d’elles, où Draxler marche et laisse le Bayern avancer tranquillement, que le but est arrivé.

Les Munichois ont le reste du temps été très maladroits dans les trente derniers mètres parisiens et, lorsqu’ils ont eu les opportunités, n’ont jamais su profiter de leur petite avance, comme lorsque Gueye est revenu sur Choupo-Moting en début de match. Hansi Flick pourra malgré tout se repasser en boucle cette dernière situation de centre pour Leroy Sané, une nouvelle fois à l’envers mardi soir dans le timing et les zones choisies.

Trois possibilités pour finir ce mouvement : Leroy Sané va en choisir une quatrième et centrer directement dans les bras de Navas.

Dangereux en contre grâce à son carré offensif et à Paredes, dans la lignée de son match du week-end, mordant à l’image d’Idrissa Gueye, une nouvelle fois poulpesque (10 ballons récupérés, dont 3 dans le camp du Bayern, 2 interceptions et, cerise sur le gâteau, 3 dribbles réussis), capable de réduire l’écart au jeu de la possession et pas loin d’égaliser en fin de match face aux espaces de plus en plus béants laissés par les Munichois, mais bouchés à chaque fois par l’intelligence d’un Lucas Hernandez royal, le PSG, tenu par un Neymar solaire (78 ballons finalement, 6 dribbles réussis, 6 tirs, 3 passes clés…), a moins souffert qu’à l’aller et a su faire le boulot collectivement pour arracher son billet pour le dernier carré, accrochant au passage ce qui était considéré comme la meilleure équipe d’Europe à un tableau de chasse où figurent déjà Leipzig, Manchester United et le Barça. La performance est évidemment immense, surtout lorsqu’on connaît les circonstances (absence de Verratti sur les deux matchs, forfait de Marquinhos au retour, Dagba en pleine découverte du grand monde) et lorsqu’on voit l’évolution entre les deux rencontres. Fusillé de partout à Munich, Keylor Navas n’a cette fois eu que quatre arrêts à réaliser, et cela raconte quelque chose d’une nuit parisienne où un football charmeur et inventif est revenu. L’aventure continue, les moments Neymar aussi.

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