- Ligue 1
- J16
- Lille-PSG (0-0)
Le carnet tactique de Lille-PSG
Une semaine après avoir s’être fait rentrer dedans par l’OL et quelques jours après une victoire poussive face à Lorient, le PSG, privé de son détonateur Neymar, a dominé le LOSC dimanche soir dans le choc entre les deux meilleures défenses de Ligue 1. Pas suffisant pour s'imposer (0-0), mais suffisant pour noter une grande prestation collective.
Treize passes. 43 secondes. Et onze hommes qui suffoquent. L’horloge de Pierre-Mauroy affiche 21h44, et le LOSC ne respire quasiment plus. Une séquence sert alors de pièce à conviction. Après une bonne couverture d’Alessandro Florenzi devant Jonathan Bamba, le PSG enclenche une énième phase de possession. Thilo Kehrer trouve Keylor Navas en retrait, qui décale ensuite Presnel Kimpembe sur sa gauche. Alors qu’Idrissa Gueye décroche, Yazıcı ne sait plus où donner de la tête. Dans son dos, Marquinhos, qui s’amuse à se déguiser en sentinelle, est alors touché. Puis, le Brésilien va chercher Ángel Di María dans l’interligne droit, derrière la deuxième ligne de pression lilloise. L’Argentin temporise, recule, se met sur son pied gauche, puis tourne le jeu vers Kurzawa. Le latéral gauche parisien voit ensuite Gueye sur sa droite. De là, le PSG n’a plus qu’à faire sortir les tiroirs nordistes un par un : Gueye fait sortir Ikoné, Marquinhos fait la même chose avec Yazıcı, puis Di María fait grimper Soumaré alors que Bamba saute sur Verratti. L’Italien trébuche, mais réussit, sur une jambe, à retrouver Di María dans le dos de Soumaré. Retour sur l’aile droite, avec Florenzi, qui feinte une passe, assez bien pour embarquer Benjamin André, avant de trouver Di María en retrait, qui enrhume le milieu lillois, avant d’envoyer une praline sur Sven Botman. Pas de but, mais une sensation, parfaitement résumée par Christophe Galtier après la rencontre : « En première période, Paris nous a complètement étouffés. Ils ont eu le monopole du jeu, beaucoup de situations dangereuses… On a souffert. Comme en plus, le PSG pressait très bien, ça a été compliqué. » Un peu plus d’une heure après cette séquence, le coach nordiste peut souffler : si son LOSC tire la langue, il a réussi à sortir vivant de ce sommet (0-0). Presque un miracle.
Marquinhos, le point de bascule
Presque un miracle puisque le PSG a sorti son match le plus abouti tactiquement depuis un bon bout de temps. Face à la presse, Thomas Tuchel a appuyé dans ce sens : « Pour moi, ce n’est pas un match solide, mais un très très bon match de mon équipe. Je suis très content de la structure, alors qu’il nous manquait beaucoup de joueurs. Jusqu’au tacle de Presnel Kimpembe à la 75e minute, on a bien contrôlé les contre-attaques de Lille. C’est la première fois où on a perdu notre structure et j’en suis responsable, puisque j’ai fait un changement sur le corner juste avant. Sinon, on a maîtrisé, on a contrôlé, on a mis de l’intensité et on n’a jamais perdu notre structure. Il nous manque juste un but. » Juste ça, rien de plus, et c’est tout le paradoxe de ce Lille-PSG que les Parisiens ont dominé avec autorité, une semaine après s’être fait couper le sifflet par l’OL au Parc des Princes. Ce qui nous amène à l’analyse du plan du soir, déplié par un Tuchel privé au coup d’envoi de son duo Neymar-Mbappé. Avec ballon, on a alors vu le PSG s’avancer dans un 3-2-4-1 assez net, où Kurzawa et Florenzi ont occupé les ailes, où Di María et Rafinha se sont baladés dans les interlignes et où Kean a pris la pointe.
Le plan du PSG avec ballon avec un 3-2-4-1 ou 3-2-5, qui laisse apparaître une ligne offensive à cinq têtes, qui a été en supériorité numérique sur la ligne défensive lilloise.
En phase défensive, le PSG s’est replié en 5-3-2.
En face, Galtier n’a pas joué la surprise et a sorti son 4-4-2 classique, avec un chapeau Yazıcı-Yılmaz néanmoins presque inédit, puisque les deux hommes n’avaient commencé qu’une rencontre ensemble cette saison (à Brest, où le LOSC a connu sa seule défaite de la saison). Pourquoi ce choix ? « Pour avoir un joueur entre les lignes plutôt que deux attaquants à plat, a justifié le coach lillois avant la rencontre au micro de Téléfoot. L’idée est de ne pas être que dans du jeu de transitions, d’attaques rapides, mais d’avoir aussi un peu plus de maîtrise avec Yusuf, qui est un playmaker. » Mais un playmaker qui n’a pas eu l’influence espérée, puisque Yazıcı n’a touché qu’une petite vingtaine de ballons (22) dimanche soir, le plus faible total parmi les titulaires, et seulement trois dans le dernier tiers adverse (dont un corner). L’objectif initial des Lillois était simple : copier une partie du plan gagnant de l’OL en cadrant les trois centraux parisiens et couper la communication avec la paire Gueye-Verratti.
Voilà le plan initial des Lillois : le 4-4-2 se déforme en 4-3-3. Ikoné vient alors cadrer Kimpembe, Yazıcı fait face à Marquinhos, Yılmaz contrôle Kehrer pendant qu’un trio André-Soumaré-Bamba ferment la « cage » autour de la paire Verratti-Gueye.
En bouclant l’axe, le LOSC a alors forcé le PSG à écarter vers ses latéraux. Dans un premier temps, on a alors vu les limites de la défense à trois de Tuchel, minée par des centraux excentrés (Kimpembe et Kehrer) trop proches de Marquinhos. Résultat : impossible d’élargir le bloc lillois et donc de le déstructurer pour ensuite créer des espaces dans le cœur du jeu.
Séquence témoin du problème de distance entre les centraux. Marquinhos a le ballon. André contrôle Verratti, et Gueye est serré par Soumaré…
… Trouvé, Kimpembe n’est pas assez écarté, et le bloc lillois n’a absolument pas été élargi. Ainsi, impossible de trouver Di María qui a décroché dans l’interligne gauche. Seule solution : jouer avec Kurzawa, qui va facilement être cadré par Çelik…
… Résultat, Kimpembe essaie de contourner Ikoné et va forcer une passe pour Kurzawa : le ballon finit sa course en touche.
Pour régler cette situation, on a alors vu, aux alentours de la 20e minute, Marquinhos prendre les choses en main et montrer tout ce qui le différencie de Danilo. Le Brésilien s’est adapté aux différentes situations et a changé le visage de la rencontre. Tuchel : « Il a été extraordinaire. Vous pouvez faire une vidéo de lui et la montrer à tout le monde. Il change tout, ces 90 minutes en sont la preuve. Son match, ce soir, c’est Ballon d’or. »
Voilà le moment où tout bascule et où Marquinhos prend les choses en main.
En se transformant en sentinelle, le Brésilien va apporter un surnombre au milieu et offrir une solution directe pour casser la première ligne de pression lilloise.
Sur plusieurs séquences, on a alors vu le PSG passer en 4-3-3.
Conséquence directe : le PSG a pu faire des décalages et cogner sur les côtés. Ici, trouvé par Marquinhos, Kurzawa a de l’espace et peut trouver Di María, qui a plongé dans le dos de Çelik. Rafinha va également plonger et glisser une tête à côté du but de Maignan.
La présence de Marquinhos un cran plus haut va également aider le PSG à maintenir le bloc haut et donc à asphyxier encore davantage le LOSC.
Dimanche soir, le capitaine du PSG a été partout : il a touché 108 ballons, a réussi 93% de ses passes, récupéré 10 ballons, en a intercepté 9 autres, a joué constamment vers l’avant, a alterné jeu court (avec succès)/jeu long (avec un peu moins de succès), a protégé sa surface, géré la profondeur, gratté des ballons et a été à la base de la belle copie parisienne.
La pose de la muselière
Ce qui nous amène à la phase 2 du plan de Thomas Tuchel qui était la suivante : contrôler et tuer dans l’œuf les contre-attaques lilloises. C’est ce que le PSG a avant tout parfaitement fait, comme l’a résumé Galtier : « On n’a jamais réussi à bien sortir sur les transitions. » Pour sortir le ballon dimanche soir, le LOSC n’avait pas cinquante solutions. Puisque Rafinha était très discipliné sur son côté droit et se repliait aux côtés de Verratti et Gueye sans ballon, le côté fort lillois – celui de Bamba – était bouché, il fallait donc soit combiner rapidement avec Çelik, soit jouer long, via Maignan, dans le dos de Kurzawa, ce que Christophe Galtier a souvent demandé à ses joueurs, en vain, puisque Kimpembe a parfaitement couvert la profondeur, si ce n’est à la demi-heure de jeu, lorsque André a réussi à lancer Ikoné (qui a ensuite raté son centre). Problème : le PSG a été intraitable à la perte du ballon.
Alors que Kean et Di María pressent les centraux lillois, que la paire André-Soumaré est contrôlée et que Reinildo est bloqué par Rafinha, seul Çelik est une porte de sortie. Ici, Botman repart avec Maignan…
… qui va décider de jouer avec le latéral turc. Mais le PSG grimpe rapidement et Çelik est bloqué. Ici, Kurzawa va contrer l’ouverture.
Autre arme du bon contre-pressing parisien : le PSG a posé des trappes, et Bamba y a notamment été enfermé. Ici, l’ailier lillois est pris à quatre et va perdre logiquement le ballon.
Chaque tentative de contre lilloise a été coupée. Ici, on voit Marquinhos jaillir très haut…
Là, Yazıcı être menotté…
Ici, Verratti tacler pour couper la communication entre Botman et Ikoné…
Là, Gueye briser à la source toute tentative de transition rapide.
Ou encore ici, Florenzi sauter sur une passe hasardeuse de Botman.
La paire Verratti-Gueye a été exceptionnelle dans le harcèlement (11 ballons récupérés, 14 tacles, 8 interceptions) et n’a jamais laissé le LOSC espérer quelque chose dans cette rencontre. De plus, quand les Lillois ont eu quelques cartouches, ils les ont brisées…
Trouvé dans l’axe, Ikoné peut décaler Çelik, mais va choisir d’allumer plein axe. Sa frappe va être contrée…
Bien lancé par Ikoné entre Verratti et Kimpembe, Bamba peut filer au but…
…. Mais au bout, Yılmaz ne va pas réussir à reprendre.
Autre belle séquence, le LOSC réussit à combiner au milieu…
Yılmaz est trouvé côté gauche et peut toucher Yazıcı plein axe…
… Mais Bamba n’y croit pas assez et ne déclenche pas son appel dans le bon tempo.
Autre séquence : alors que Çelik trouve Ikoné, un une-deux est possible, mais l’international français va temporiser et casser le rythme de l’action.
Enfin, alors que Yılmaz déclenche (enfin) un appel dans la profondeur, Yazıcı va le servir dans son dos et à contretemps…
Ces occasions seront les seules de la partie pour les Lillois, à l’exception d’une frappe hors cadre de Yılmaz en fin de match et d’un autre contre, qui a vu Kimpembe sortir le tacle de l’année.
Alors que le PSG vient de jouer un corner, David gagne un duel aérien et trouve Yılmaz dans son dos…
Le PSG est en danger : Yılmaz déclenche une ouverture au bon moment…
… Kimpembe est seul contre quatre…
Le LOSC joue mal son coup et le Français va sortir un tacle héroïque, alors qu’il vient de se blesser.
On aura surtout finalement vu le LOSC combiner qu’une vraie bonne fois entre les lignes à l’approche de la surface parisienne.
Bonne combinaison entre Bamba et David, qui ne va rien donner dernière. C’est le seul échange du type que l’on a vu au cours de la soirée alors qu’il s’agit d’une force du LOSC.
Des mèches, pas de détonateur
Au fur et à mesure de la rencontre, et grâce aux adaptations situationnelles de Marquinhos, le PSG, intelligent dans son pressing, a progressivement pris le contrôle de la rencontre et a pu maîtriser le LOSC grâce à de la « possession défensive » . À comprendre : si avoir la possession (le PSG a eu 70% du temps le ballon à Lille) peut être un plus pour gagner une rencontre, elle a avant tout aidé dimanche soir les Parisiens à contrôler les éventuels contres adverses. En effet, la structure d’une équipe en possession détermine souvent son efficacité à la perte. Bien défendre, c’est avant tout être bien positionné en phase offensive. Ce qui a alors manqué au PSG est un Neymar, un joueur capable de faire la différence dans le dernier tiers adverse, puisque ailleurs sur le terrain, les Parisiens ont brillé, Verratti, Gueye, Di María et Rafinha s’associant à plusieurs reprises efficacement pour créer des décalages et se libérer mutuellement des espaces. À eux quatre, ils ont touché 378 ballons (!), mais n’ont dans le même temps sorti que deux passes-clés (deux de Di María).
En décrochant davantage, Rafinha a d’abord aidé le PSG à être en supériorité numérique (3v2) au milieu.
Au fil de la rencontre, Di María et Rafinha ont également de plus en plus investi les interlignes. Ici, cela va occuper Soumaré et André et donc libérer Marquinhos.
Ici, alors que Kurzawa cherche Di María, pressé par André, Verratti suit parfaitement un ballon fuyant…
… Il peut ensuite lancer Kurzawa.
Verratti profite encore ici d’un bon déplacement de Di María et un triangle s’installe dans le cœur du jeu : la zone où tout se décide.
Ici, la fameuse séquence décrite en intro (celle des tiroirs).
Là, la plus belle occasion de la rencontre pour le PSG : après une roulette de Kurzawa et un une-deux entre le latéral et Verratti, Gueye est trouvé plein axe…
… Alors qu’il s’est glissé entre Bamba et Soumaré, Di María peut être trouvé.
Le décalage est fait. Kean peut être lancé, mais Botman va bien revenir.
Autre séquence de jeu entre les lignes.
Passé les vingt premières minutes, le PSG a enchaîné les séquences de ce type et a essouflé les Lillois, qui ont fini la rencontre lessivés. Comme Tuchel l’a souligné, ses joueurs ont enfin joué « simple et très vite » et ont réussi à « laissé courir Lille », ce qui n’est pas une mince affaire. Seule tache : le PSG n’a cadré qu’une frappe au cours de la rencontre, n’a été « dangereux » que sur des centres rarement précis et a pêché dans l’avant-dernier et le dernier geste. Le LOSC, solide défensivement, s’en est contenté, a laissé sa paire Soumaré-André boucher ce qu’elle a pu boucher (André a chassé quelques bons ballons, Soumaré a eu quelques séquences de sortie de balle intéressantes, mais a parfois été un peu naïf dans son placement, 20 interceptions et 10 ballons récupérés au total pour les deux joueurs), et a admis son infériorité. José Fonte : « Quand tu ne peux pas gagner, ne perds pas. On a fait un match… Ce n’était pas nous. Peut-être la fatigue aussi… » Peut-être, même s’il faut surtout retenir que les Parisiens ont sorti une grande rencontre collective – notamment en matière d’intensité – sans Neymar et avec un Mbappé qui n’a joué qu’un petit quart d’heure. Ce matin, le LOSC est leader de Ligue 1, mais le PSG tient peut-être quelque chose de plus fort. Un message : oui, cette équipe sait encore combattre et même très bien. Il ne lui manquait que ses sabres.
Par Maxime Brigand