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Le carnet tactique de la troisième journée de Ligue 1

Par Maxime Brigand
11 minutes
Le carnet tactique de la troisième journée de Ligue 1

Cette saison, So Foot revient après chaque journée de Ligue 1 sur trois points tactiques. Au menu du troisième acte de la saison, retour sur la masterclass de Téji Savanier face à Nice, sur le choc étouffé dans l’œuf entre le PSG et l’OM et sur le 3-4-1-2 prometteur du RC Lens.

➩ Une bombe platine, Téji !

« Il y a des mecs qui se lèvent tous les matins pour aller ramasser du bois. Moi, c’est pour jouer au foot, c’est un réel bonheur. Donc voilà, le truc, c’est que je m’amuse. Je n’entre jamais sur le terrain stressé ou en me disant que je vais mal faire. » Ainsi va la vie d’un Téji Savanier qui, samedi, a transformé une simple séquence arrêtée niçoise en mise à nu. On joue la 53e minute de jeu, et les Aiglons brûlent déjà sous les coups d’un MHSC déchaîné. Sur un coup franc rapidement joué par Rony Lopes, Lees-Melou a alors une micro-possibilité de réduire le score quand un molosse lui saute dans les chevilles avant de célébrer son intervention comme on plante une hache dans le moral de son adversaire. Poings serrés et gueule ouverte, Savanier hurle, histoire de signaler aux curieux de la Mosson que si le chien aboie, la caravane passe : Montpellier reste une équipe capable de bousculer un bon paquet de concurrents, notamment dans sa tanière. Après la rencontre, remportée sans discussion (3-1), Andy Delort, dont la première feuille de match de la saison a été remplie par deux passes décisives, est allé dans ce sens : « On a été dangereux d’entrée, on a su marquer et on a profité de cela pour aller les chercher haut. On a vraiment été solides, devant ou derrière. Si on continue comme ça, je pense qu’on va emmerder quelques équipes. » Michel Der Zakarian, lui, a été plus concis : « À Rennes, on avait ouvert de grands boulevards. Là, on a tout fermé. » Et un type a tout ouvert, aussi.

Positionné en 10 à la place d’un Florent Mollet suspendu juste derrière la paire Laborde-Delort, Téji Savanier a tout simplement été merveilleux. « Dans l’orientation du jeu, la capacité à éliminer, à créer des décalages, Téji a été notre métronome, a posé Der Zakarian. Il a été juste dans tout ce qu’il a fait, il a provoqué beaucoup de fautes et a distillé de bons ballons sur les coups de pied arrêtés, que l’on avait travaillés. » Ce n’est plus une surprise : dans l’exercice, Savanier est un maître, et ce match contre Nice l’a de nouveau prouvé. Un secret ? « Je travaille ça depuis que je suis tout petit, expliquait l’intéressé à L’Équipe au printemps 2019. J’ai une façon de frapper un peu particulière qui fait que le ballon monte et retombe très vite derrière la défense. C’est difficile à expliquer, mais j’essaye de taper fort, entre le coup de pied et l’intérieur, en fouettant le ballon pour qu’il ne tourne pas. Et mes coéquipiers savent où il va arriver. » Samedi, pour faucher les Niçois, Montpellier avait pointé une zone précise sur corner : l’entrée de la surface, où Savanier a souvent trouvé un coéquipier libre, que ce soit Ferri (8e), Ristic (12e) ou de nouveau l’arrière gauche serbe à l’heure de jeu, ce qui a débouché sur le troisième but pailladin, inscrit par Congré. Sur coup franc, Téji Savanier a également brillé, poussant Benítez à la parade (50e), avant d’avertir une seconde fois le portier d’une frappe lointaine (63e).

Au cœur d’un Montpellier qui ne mise pas sur la possession (le MHSC n’a eu le ballon que 37% du temps samedi), qui pratique un jeu ultra-direct et dont les deux flèches offensives ne cessent de bouffer la profondeur, Savanier est le nœud, l’homme par qui passe tous les circuits et qui est chargé de faire avancer le jeu. On l’a ainsi vu briser les reins de Schneiderlin à plusieurs reprises et être un frelon intenable derrière le milieu à trois têtes niçois.

En phase de relance, Savanier n’a pas toujours été à la base de la construction. Il a aussi su se faire oublier pour être une solution dans le dos de Schneiderlin.

Trouvé par Laborde, il a par moments été se placer à la tête du trio, afin d’attirer deux Niçois sur son dos et de libérer un espace d’expression pour Delort.

Lorsqu’il a été chargé d’orienter le jeu, Savanier a souvent fait pencher l’expression héraultaise côté droit, en direction de Souquet, deuxième joueur du MHSC le plus touché et qui a empilé les centres (8, dont 63% de réussis).

Nice a été gêné par les appels incessants de Laborde et Delort, toujours situés entre un central et un latéral adverse. Résultat, des espaces se sont ouverts dans les couloirs : Souquet a été dangereux à chaque montée.

Autre séquence, même résultat : Kamara est obligé de cadrer Laborde et laisse Souquet tout seul dans son dos.

Cinq minutes plus tard, rebelote.

Ultra-mobile, Savanier a aussi été une solution précieuse sur les touches. Trouvé par Souquet, il réussit ici, en extension, à lancer Laborde dans le dos de Kamara.

Brillant en phase offensive (quatre tirs, 26 passes réussies dans le camp niçois, deux ballons perdus seulement, 88% de dribbles réussis), Téji Savanier a également été précieux en phase défensive, venant gratter quelques ballons, notamment un décisif dans les pieds de Dolberg en première période, même si on l’a vu aussi souffrir de son manque de vivacité sur certaines phases (lorsqu’un adversaire est dans le sens du jeu, il peine parfois à le rattraper sur les premiers mètres et peut être vite effacé). Bien protégé, même s’il a souvent excellé un cran plus bas, le voir en 10 est un cadeau pour les yeux face à ce type d’adversaire, qui laisse des espaces par nature. Ce match est à enfermer précieusement dans une boîte.


➩ Lens : la patte Haise, c’est quoi ?

Au cours de l’été, Franck Haise avait préféré se planquer. Plutôt laisser les choses venir et prouver avant de l’ouvrir. Ainsi, il fallait l’écouter assumer que « les gens ne le connaissent pas » et avancer qu’il ne pourrait « pas plaire à tout le monde ». Trois matchs et 270 minutes plus tard, une certitude : son Lens plaît et son Lens ose. À Lorient, dimanche, le promu est allé chercher une deuxième victoire (2-3) en quelques jours à peine, dont une convaincante face au PSG (1-0) lors de laquelle, en seconde période, les Sang et Or étaient sortis crocs en avant sur la défense parisienne, ce qui a d’ailleurs conduit au seul but de la rencontre. Décomplexé et porté par un 3-4-1-2, dont plusieurs réflexes sont visibles au fil des sorties (marquage individuel dans l’axe en phase défensive, des latéraux qui exercent un pressing trap sur leurs homologues), où les tâches du double pivot au milieu sont bien partagées (un pion pour cogner entre les lignes, un pour aider à la relance), où Kakuta a la place pour s’exprimer et briller et où plusieurs profils se croisent devant, le Racing est à la fois une équipe solide – 2e équipe de Ligue 1 qui concède le moins de tirs – et protagoniste (équipe qui intercepte le plus de ballons du championnat). Avant de sauter dans la piscine Ligue 1, Haise ne concédait « aucune opération séduction ». Masqué, son RC Lens décroche quand même quelques sourires et attire l’œil.

Ce qu’on a vu à Lorient ce week-end, malgré les nombreux changements dans le onze, c’est d’abord une équipe qui sait où elle va et qui varie ses sorties de balle, grâce notamment à la qualité de sa triplette arrière (Gradit-Badé-Medina). Plutôt justes techniquement (88% de passes réussies pour Gradit et Medina, 82% pour Badé), les trois hommes sont alors capables de jouer long – on voit souvent l’un d’entre eux sortir balle au pied avant d’enclencher une transversale vers le piston opposé -, mais aussi de trouver l’un des deux attaquants entre les lignes lorsqu’ils décrochent.

Faiblement gêné par le pressing lorientais, Gradit sort balle au pied et s’en va trouver Corentin Jean. En une passe, le défenseur lensois a éliminé deux lignes lorientaises.

Badé sort à son tour et va trouver Sotoca sous le nez de Mendes.

Autre sortie de balle et autre registre, Gradit s’en va cette fois trouver Ismaël Boura côté gauche, alors que Corentin Jean occupe l’attention de Mendes.

C’est au tour de Badé de jouer long, toujours en direction de Boura. Sur d’autres séquences similaires, Medina a trouvé Clauss côté droit.

Le 3-5-2 permet d’étirer le bloc adverse, et Lens utilise bien cette force grâce à des pistons formés pour le poste – et non des joueurs placés dans ce rôle par défaut. Face aux Merlus, Jonathan Clauss, également précieux au pressing (notamment 3 interceptions), s’est montré à plusieurs reprises et a été un casse-tête constant pour un Le Goff en galère.

Bien trouvé par Cahuzac, Sotoca, assez brillant dimanche, cherche tout de suite à écarter vers Clauss.

Une fois la sortie de balle assurée, le Racing réussit à enchaîner rapidement grâce à un Kakuta toujours aussi fin techniquement – il a aussi fait grimper son investissement défensif (2e lensois qui a le plus taclé dimanche et 5 ballons récupérés) – et à une belle complémentarité devant. Contre Lorient, c’est Florian Sotoca qui a pris la lumière avec deux passes décisives (une déviation de la tête pour le retourné de Medina, une ouverture en profondeur parfaite pour Ganago) et un rôle décisif sur l’égalisation.

Trouvé devant la surface lorientaise, Sotoca se décale parfaitement avant de lancer Corentin Jean. Derrière, Laporte fera faute et filera le penalty de l’égalisation à Kakuta.

À plusieurs reprises, il n’a pas hésité à décrocher pour faire avancer son bloc et permettre à Kakuta de se retrouver dans les trente derniers mètres.

Décalé côté gauche, Sotoca lance en une touche Ganago. Au bout, le troisième but lensois.

Joueur et vexé d’être reparti de Nice sans le moindre point en ouverture alors qu’il avait ultra dominé (16 tirs à 4, des Aiglons à 0,2xG), le Racing a parfaitement rebondi et vient de s’offrir une semaine de luxe. « Assez logique compte tenu des performances », a soufflé Haise dimanche, sans que personne ne trouve quelque chose à redire et alors que les recrues estivales se sont rapidement intégrées. Surtout, l’une d’entre elles, peut-être la plus inattendue (Seko Fofana), n’a toujours pas fourré son nez dans ce onze. Ça pourrait être pour la réception de Bordeaux, samedi. Bollaert est prêt, et la suite de ce projet de jeu sera à suivre.


➩ PSG-OM : que retenir de la divine comédie ?

Après le sympathique frisson du début de saison, la Ligue 1 a vu une tempête tropicale passer sur le Parc, dimanche soir. Ce PSG-OM a été dingue, et la qualité de jeu des deux équipes n’y est pour rien. Résumer tactiquement ce Classique est d’ailleurs assez simple : Villas-Boas est venu à Paris avec un bloc bas et la volonté de fermer l’axe, là où le Portugais avait demandé à ses piverts de tambouriner avec un pressing haut la saison dernière. Laminé en une mi-temps en octobre 2019 (4-0), l’OM a cette fois résisté et a forcé le PSG à passer par les ailes, où Alessandro Florenzi a réussi une première plus que correcte grâce notamment à une variété bienvenue et à une qualité de centre certaine (9 tentés, 67% de réussite). Puis, rapidement, cette histoire a vrillé, et on a compris où tout ça allait nous emmener : dans un combat à l’ancienne, où chaque centimètre offert était une occasion parfaite de lâcher un marron à un adversaire direct et où de nombreux joueurs ont laissé des dents sur la pelouse (36 fautes, 5 rouges, 14 jaunes).

Au milieu de tout ça, que retenir ? Que Villas-Boas a réussi son coup ? Pas totalement, car au-delà des trois points arrachés grâce à un subtil coup franc de Payet repris par Thauvin dans une version remake de Zidane pour Henry face au Brésil en 2006, AVB n’a pas caché que son choix de titulariser Maxime Lopez à la place de Benedetto n’avait « pas trop fonctionné ». Ce qui a fonctionné, en revanche, c’est l’organisation défensive marseillaise, ce 4-1-4-1 très serré, où Lopez (puis Thauvin lorsqu’il a été décalé côté droit) ont bien tenu le côté gauche, alors que Payet, qui a peiné à contenir Florenzi avec Amavi, a surtout aidé l’OM à vivre sous pression, bien aidé par un Valentin Rongier qui a bouclé la nuit avec 80% de passes réussies, ce qui est costaud vu le contexte. Côté PSG, une sale impression, malgré le bon comportement à la perte du ballon en début de match : Tuchel a débarqué sans véritable plan et on a retrouvé la version parisienne du Final 8, soit une équipe tenue par ses individualités (Neymar en tête, mais aussi Di María) et qui, lorsqu’elle est lâchée par ses astres, est incapable de s’en sortir. Paris a eu des occasions, Mandanda a été assez énorme, mais Thomas Tuchel ne ressort pas grandi de ce match. Neymar encore moins. Le Brésilien avait construit un château avec de la poussière contre l’Atalanta, mais s’est perdu cette fois, lui qui a perdu un paquet de ballons, qui a parfois joué trop bas (ce qui est contre-productif face à un pressing comme celui de l’OM), qui a flanché émotionnellement et qui a ramé dans ses dribbles (59% de réussite, ce qui est mieux que les 38% de Di María). Tuchel a pourtant assuré dimanche soir que son équipe avait fait « un grand match », avant de lâcher : « Le foot est le seul sport de ballon où, après une telle performance, on peut perdre quand même. » Peut-être aussi que ce PSG ne méritait pas mieux.


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