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Le carnet tactique de la sixième journée de Ligue 1
Cette saison, So Foot revient après chaque journée de Ligue 1 sur trois points tactiques. Cette semaine, retour sur la victoire de Nîmes à Montpellier, sur la performance monstrueuse de Jonathan Clauss contre Saint-Étienne et sur les soucis offensifs de l'OL.
➩ Comment Nîmes a remporté le derby à Montpellier
Une image et une seule : celle d’un coach de quarante-deux ans, avec un sac sur le dos, une doudoune sans manche et un visage fermé à double tour. Dimanche, quelques heures après le premier succès de Nîmes à Montpellier depuis 1977, Jérôme Arpinon s’est pointé devant le stade de la Mosson pour déballer l’essence de son sport : le technicien gardois est là pour gagner des matchs, coûte que coûte, et pour réussir des « petits exploits » face à de « grandes équipes ». Extrait : « Ça fait deux ans qu’on part à Montpellier et qu’on se fait mettre le cul rouge. À chaque fois, on a la honte et je ne peux même pas aller boire un café en ville. Pendant dix jours, je suis obligé de me cacher parce que j’ai honte par rapport aux gens que j’aime à Nîmes. » Cette fois, c’est terminé : Nîmes s’est imposé à Montpellier (0-1) et l’a fait en exécutant au millimètre le plan d’un coach venu confirmer au passage que son clan était tout sauf un collectif de braqueurs. Au contraire, les Gardois savent où ils vont et comment ils y vont. Leur objectif tactique depuis le début de saison peut sembler extrême sur le papier (recherche de supériorités numériques dans le camp adverse, souvent avec six attaquants – les trois offensifs, plus un milieu relayeur et les deux latéraux – déployés sur la largeur, un jeu ultra direct, un statut d’équipe qui réussit le moins de dribbles en Ligue 1 et qui a le plus faible taux de passes réussies du championnat avec 79% de moyenne), il porte aussi ses fruits, puisque le NO a aujourd’hui l’image d’une équipe piquante, capable de gêner n’importe quel adversaire et qui a marqué autant que l’AS Monaco. Mieux : cette armée sait s’adapter aux circonstances des rencontres. Elle l’avait déjà prouvé à Lyon (0-0) et elle l’a de nouveau démontré ce week-end, au meilleur des moments : lors d’un derby.
Mais bon sang, quel a été exactement le plan d’Arpinon ? Un hymne au courage, d’abord, comme l’entraîneur est venu le déballer après la bataille : « Nous n’avons jamais été bas sur le terrain. Le but était surtout de ne pas subir car sinon, contre eux, tu es chocolat. » Ainsi, voilà comment les Crocodiles se sont mis à nu à la Mosson.
Dès les premières secondes, le NO cherche à enfermer Montpellier sur les côtés via des prises à deux. On va retrouver ce réflexe tout au long de la rencontre.
Toujours côté gauche, mais autre mi-temps : Souquet est de nouveau attrapé par deux Nîmois. Il va réussir à sortir ce ballon, qui sera perdu ensuite sur la relance.
Quelques minutes plus tard, sur une relance à la main de Omlin, Meling jaillit, accompagné par Denkey, et sort sur Le Tallec. Le ballon va ensuite être décalé sur Pedro Mendes…
… mais Meling poursuit sa course, forçant Mendes à balancer.
Résultat, Fomba coupe la trajectoire et le NO est alors à 6 contre 4 éléments montpelliérains.
Autre élément du plan du NO : la densité côté ballon. Ici, après une touche montpelliéraine, un bloc nîmois compact – 8 joueurs – s’est formé sur le côté droit. Seuls Landre et Meling couvrent derrière. La position de Briançon est notamment très haute.
Quand le MHSC réussit à se dégager, Landre n’hésite pas à surgir pour repousser les offensives adverses loin de son camp.
Être haut pour repousser le MHSC aussi loin que possible de sa surface : cet objectif a rapidement été réalisé et Montpellier n’a quasiment eu aucune occasion franche au cours de la rencontre (deux petits tirs cadrés). L’autre mission, complémentaire de la première, était de neutraliser l’entrejeu, notamment Téji Savanier, qui a touché une soixantaine de ballons, mais dont l’impact a été assez neutre. Arpinon : « Nous avons très bien préparé tactiquement ce match afin qu’ils évitent de trouver Téji ou les autres attaquants. » Pour museler l’ancien DJ gardois, Jérôme Arpinon a alors sorti ses meilleures menottes : Andrés Cubas, encore une fois monstrueux dimanche (90% de passes réussies, sept ballons récupérés, quatre interceptions, six tacles) et impeccable devant Savanier, là où la paire Fomba-Deaux a parfaitement géré le duo Le Tallec-Ferri. La preuve : Damien Le Tallec est le joueur de champ montpelliérain qui a touché le moins de ballons (30) et Ferri n’en a touché que six de plus qu’Omlin (46).
En phase défensive, le NO a avancé de façon individuelle au milieu : Fomba s’est occupé de Le Tallec, Cubas a cadenassé Savanier, là où Deaux a surveillé Ferri.
Enfin, le plan avait une partie offensive, naturellement, pour tenter de rafler le pactole. Et sur ce point, Nîmes a avancé comme à sa nouvelle habitude : une ligne de trois pour relancer (Fomba est alors venu se glisser à la droite de Briançon), deux latéraux placés très haut, Cubas pour éventuellement faire le lien entre les lignes et du jeu très direct, le Nîmes Olympique étant la dernière équipe de Ligue 1 dans la catégorie « mètres parcourus avec le ballon » .
Fomba vient former un 3v2 pour relancer. Burner n’est déjà même plus à l’image.
Arpinon aime alors étaler 5 ou 6 éléments sur toute la largeur du terrain. Objectif : créer de la supériorité numérique et rendre fou l’adversaire. Ce plan comporte une part de risque, mais pas face à un adversaire du profil de Montpellier.
Nîmes, qui est la deuxième équipe de Ligue 1 qui réussit le plus de centres, a eu ses occasions : Ripart a d’abord frappé à côté après une belle déviation de Denkey (5e), puis le couteau-suisse gardois est venu glisser une subtile ouverture de Ferhat au fond des filets à six minutes de la fin (84e). Une récompense parfaite pour un Renaud Ripart qui s’est encore dépouillé défensivement (sept interceptions, quatre ballons récupérés, dont deux dans le camp adverse) et a été partout offensivement. Au bout, deuxième victoire de la saison pour le NO et Arpinon peut retourner boire son café en ville.
➩ Lens : la porte Clauss
En revenant s’asseoir à la table de la Ligue 1 cet été, le RC Lens avait les mains moites face à un calendrier qui s’annonçait coton : déplacements à Nice, Lorient et Nîmes ; réceptions du PSG, de Bordeaux et de Saint-Étienne. Bilan ? Après six journées, le Racing est troisième du championnat, n’a été battu qu’une fois et affiche la quatrième meilleure attaque du pays. Samedi, face aux Verts, Lens a surtout gratté un troisième succès en trois rencontres à domicile. Les ingrédients sont maintenant connus : un Kakuta aux manettes, qui décroche souvent pour être face au jeu, une grosse variété dans les circuits en phase de possession, une attaque de la profondeur, des centraux qui n’hésitent pas à s’impliquer dans les combinaisons… Mais aussi des pistons dorés. Samedi, l’un d’entre eux a notamment fait tout exploser : Jonathan Clauss, qui a fait la fête dans son couloir droit et a rendu malade le côté gauche des Verts dans tous les registres.
Le premier, central dans l’organisation atalantesque du Racing où les pistons sont les pions essentiels, est évidemment l’apport offensif de Clauss, qui est, en proportion, l’un des centreurs les plus efficaces de Ligue 1 derrière Ruben Aguilar et Alessandro Florenzi. Face à Saint-Étienne, on a de nouveau vu celui qui a longtemps vu son rêve de devenir pro se perdre dans le brouillard et les soirées entre potes se projeter à de multiples reprises et apporter un danger constant (82 ballons touchés, quatre occasions créées, un tir, six ballons récupérés, six interceptions, trois passes-clés, sept centres).
Clauss est une solution préférentielle pour le Racing et est constamment cherché. Ici, alors que Kakuta s’est mis face au jeu, il est trouvé dans son couloir droit et va apporter un centre dangereux.
Là, il est cherché au deuxième poteau par Doucouré pour un nouveau centre.
Alors que Kakuta s’est déporté côté droit et temporise, Clauss déclenche une course intérieure.
Il va ensuite être servi et va trouver Sotoca en retrait.
Autre période, même apport : Clauss va trouver Ganago au second poteau, dont la tête sera sortie par Moulin.
Brillant offensivement, Jonathan Clauss a également sorti une copie très propre sur le plan défensif avec cinq tacles, un pressing XXL et un paquet de duels défensifs remportés grâce à une qualité d’anticipation notable. À 28 ans, l’ancien joueur de l’Arminia Bielefeld rayonne en ce début de saison et est l’une des tronches de ce Racing qui a la banane. Et si elle était là, la solution pour l’Euro 2021 ?
➩ Mais pourquoi l’OL patine offensivement ?
Nouveau dimanche soir à se faire sauter les fusibles pour les supporters de l’OL. Face à l’OM, les Lyonnais ont de nouveau frappé comme des sourds dans un sac de frappe : 24 tirs, une trentaine de centres… Puis, rien, si ce n’est un but inscrit sur penalty par Houssem Aouar. Que dire ? « Il va falloir arrêter de dire qu’on joue bien et qu’on domine, mais il va falloir dire qu’on joue bien, qu’on domine et qu’on gagne des matchs, répond Rudi Garcia. On a dominé Marseille à 11 contre 11 et on a dominé Marseille à 11 contre 10, même si c’est logique. On a eu les situations pour les mettre au fond et on ne l’a pas fait. Parfois par précipitation, parfois en prenant trop notre temps dans la finition… » Cette fois, guidé par les astres du mercato, Garcia avait de nouveau tenté des choses, mais rien n’y a fait : l’OL est resté cette machine à centres dans le vide et ce gros qui s’encastre chaque week-end dans des blocs bas. L’OM était venu à Lyon sans grande ambition, si ce n’est celle d’être solide et de renifler la belle affaire, ce que Payet a fait après seize minutes de jeu avant de se faire expulser 180 secondes plus tard. Et l’OM est reparti avec un point, presque miracle, dans les poches, comme si de rien n’était.
Voilà donc l’OL de nouveau planté devant un tableau noir et une question : comment bouger une équipe qui n’offre aucun espace, notamment dans l’axe ? Plusieurs réponses existent, et Garcia ne peut pas reprocher à son équipe de ne rien tenter. Après six journées, Lyon est l’équipe qui a le plus tiré du championnat (115 fois contre 92 fois pour le PSG et 85 fois pour le Stade rennais) et possède l’une des attaques les plus actives (13,53xG, ce qui place l’OL entre le PSG et Lens). Problème : l’OL n’a pour le moment marqué que sept fois et affiche le dix-neuvième taux de conversion d’occasions du pays (14%, soit juste devant Strasbourg et ses 13%). Ce qui nous amène aux décisions de Garcia, qui demande essentiellement à ses joueurs d’écarter et d’empiler les centres dans les trente derniers mètres adverses (154 centres depuis le début de saison, 21% réussis…). Face à l’OM, c’est encore ce que l’on a vu, avec la même réussite que d’habitude : Léo Dubois n’a réussi que deux centres sur dix tentés (deux fois pour des têtes de Kadewere), et Melvin Bard en a réussi un sur quatre, mais a également été choper le penalty dans les pieds d’Álvaro Gonzalez. Après six journées, le bilan statistique est assez lourd : Dubois a tenté trente-quatre centres (38% de réussis, aucune passe décisive), Bard en a tenté quatorze (14% de réussis, aucune passe décisive) et Maxwel Cornet en a tenté trente-sept (11% de réussis, aucune passe décisive). Surtout, l’OL est devenu plus que prévisible dans son approche, le ballon circulant horizontalement avant qu’un latéral ait le temps d’armer.
Tout n’est pourtant pas négatif, puisque Bard risque de progressivement prendre en confiance et de davantage se mouiller, lui qui n’hésite pas à s’insérer dans le cœur du jeu pour proposer des alternatives au carnage aérien.
Bard démarre côté gauche et cherche Thiago Mendes plein axe, avant d’enclencher une course entre Sakai et Álvaro Gonzalez.
Trouvé ensuite par Toko-Ekambi, il va obtenir le penalty de l’égalisation.
Karl Toko-Ekambi a également été l’auteur d’un appel intéressant à l’heure de jeu, qui a conduit à une grosse occasion pour Caqueret.
Toko-Ekambi déclenche entre Amavi et Ćaleta-Car.
Il va ensuite trouver Caqueret seul en retrait, donc la frappe va être contrée par Álvaro Gonzalez.
Malheureusement pour l’OL, ces mouvements dans les interlignes sont trop rares – surtout lorsque Caqueret sort – et ses attaquants ont également un mal fou à se situer autrement que sur une ligne similaire. Rudi Garcia a une trêve pour corriger ça. Dès la reprise, il retrouvera un joyeux bloc bas à Strasbourg.
➩ On a aussi vu…
Stéphane Jobard au bord du gouffre après la gifle reçue par Dijon à Bordeaux (3-0) : « C’était un ensemble vide. j’ai vu une équipe incolore, inodore. Notre première période a été insipide et indigne du niveau Ligue 1. J’ai été habité par un sentiment de honte. »
Par Maxime Brigand