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Le carnet tactique de la septième journée de Ligue 1
Cette saison, So Foot revient après chaque journée de Ligue 1 sur trois points tactiques. Cette semaine, carnet un peu spécial, avec un retour sur les premiers coups de fusil de trois recrues : Rafinha, Michaël Cuisance et Lucas Paqueta.
➩ Rafinha, le nouvel outil
Il y a d’abord eu ce doute, accompagné d’une question : combien de temps le corps de Rafinha, qui a déjà craqué de partout lors des cinq dernières années, va-t-il tenir ? Le carnet de santé du nouveau milieu du PSG fait flipper, entre deux ruptures des ligaments croisés, différents problèmes musculaires et un ménisque qui grince parfois, mais une certitude accompagne son arrivée : Thomas Tuchel ne possédait pas une telle arme dans son effectif et c’est avant tout ça qu’il faut regarder aujourd’hui. Vendredi, à Nîmes, alors qu’ils déboulaient aux Costières avec un paquet d’absents (Kurzawa, Di María, Verratti, Marquinhos, Icardi, D. Pereira, Bernat, Neymar, Kehrer, Draxler), les Parisiens n’ont pas tremblé et ont dessiné leur cinquième succès de la saison (0-4) à grands coups de pinceaux : quatre buts inscrits (leur deuxième meilleur total de la saison), une trentaine de tirs dégoupillés, dont huit pour le seul Mbappé et quatre d’un Alessandro Florenzi intenable (quatre occasions créées, un but, un poteau), aucun encaissé. Brutal pour un Nîmes Olympique qui avait pourtant planté ses crocs très haut lors des premières minutes et qui voulait mordre le PSG sur ses sorties de balle. C’est pourtant notamment là que l’on a retrouvé Rafinha, couché par Landre, mais qui a vécu une belle première dans le Gard, confirmant l’idée qu’il pourrait devenir un bel atout pour Tuchel cette saison.
Comme depuis le début de saison, le NO a d’abord cherché à casser la relance adverse via un pressing très haut et un marquage individualisé.
Une fois Loïck Landre expulsé, le PSG s’est adapté face au 4-4-1 nîmois et le schéma de relance a souvent pris cette forme : Ander Herrera à droite de Diallo et Rafinha à gauche de Kimpembe, alors que les latéraux viennent prendre les espaces ouverts par les déplacements intérieurs de Mbappé et Sarabia.
En phase défensive, Rafinha a principalement eu une cible : l’influent Lamine Fomba, qui a été réduit à quelque 26 ballons touchés vendredi soir.
Offensivement, il a été une solution de tous les instants derrière Cubas. À comprendre : une solution devant le ballon.
Nouvel exemple sur cette séquence, où Rafinha n’hésite pas à plonger dans l’espace créé par le déplacement de Mbappé.
Dans un monde idéal, comme il l’expliquait il y a plusieurs mois, Thomas Tuchel aimerait avoir deux relayeurs au sens propre du terme lorsqu’il dispose son PSG en 4-3-3 comme vendredi soir. À comprendre, « un joueur plus bas et deux plus hauts ». « Mais qui peut l’être ? » s’interrogeait à l’époque l’Allemand, avant de préciser : « Ce n’est pas facile pour Marco de rester plus haut, et Paredes et Marquinhos aiment être derrière le ballon… » Ander Herrera et Idrissa Gueye ne sont pas non plus les princes des plongeons dans les interlignes adverses. Voilà justement ce que doit apporter Rafinha : une présence dans les trente derniers mètres, capable d’être une solution entre les deux dernières lignes adverses, de dribbler et d’être un relais influent. C’est ce qu’on a commencé à voir à Nîmes, le Brésilien ayant touché 24 ballons dans le dernier tiers adverse et passé deux dribbles.
Alors que Kylian Mbappé déborde, Rafinha vient plonger devant la surface. Le PSG se retrouve ainsi en supériorité numérique face à la défense nîmoise.
Alors qu’Herrera récupère le ballon, Rafinha file tout de suite percuter dans le camp adverse.
Le Brésilien est surtout un joueur précieux pour combiner, qui joue toujours, comme son frère, en deux ou trois touches de balle maximum, enclenche souvent entre les lignes dos au but, avec qui Florenzi s’est très bien entendu vendredi, et qui fait avancer le jeu vite et bien. À Nîmes, il l’a confirmé, lâchant notamment une superbe passe décisive pour Mbappé.
Après une relance rapide de Navas, Rafinha est trouvé plein axe et trouve Mbappé dans une zone mortelle.
Enfin, Rafinha a été plutôt actif défensivement avec deux ballons récupérés, cinq tacles, une interception, un rôle de déclencheur de pressing et une belle capacité à résister sous pression.
Sur un ballon aérien, Rafinha joue de son corps et fait reculer Fomba grâce notamment à un arrière-train en titane.
Tout ça a fait sourire Tuchel : « Il a montré qu’il avait de l’énergie, qu’il prenait des risques avec le ballon. Il prend ses responsabilités, il cherche des solutions offensives. Ce sont des bons débuts. » Atout à vite revoir.
➩ OM : et avec Cuisance, ça donne quoi ?
Il paraît que Michaël Cuisance boit la pression sans qu’elle ne lui retourne l’estomac. « Plus j’en ai, plus je vais être bon. J’aime ça », annonçait en mars 2019 à France Football celui qui a toujours eu la conviction d’être guidé par un destin. Un destin qui, à 21 ans, vient donc de bifurquer par Marseille, où l’OM, incapable de s’imposer depuis son braquage du Parc, l’a accueilli il y a une dizaine de jours. Mais pourquoi lui, au juste ? « C’est un joueur qu’on cible depuis plusieurs années, a répondu André Villas-Boas lors de la présentation du joueur à la presse début octobre. Sa première touche est toujours vers l’avant et il veut souvent tirer, ce qui démontre son caractère offensif. Il est toujours orienté vers le but. C’est pour ça qu’il peut être très bon en relayeur droit, pour rentrer sur son pied gauche. Il a une capacité de dribble court et une très bonne vision du jeu. C’est aussi un joueur généreux pour les personnes autour de lui, il est capable de faire des passes décisives. Il a tout du 8 complet. » Puis, le week-end est passé et on a compris ce que Villas-Boas avait finalement cuisiné pendant la trêve internationale après avoir laissé filtrer l’idée d’une potentielle défense à trois. Face à Bordeaux (3-1), samedi, l’OM s’est avancé avec un 4-4-2 losange, où Cuisance s’est installé en 10, et le Portugais a prouvé qu’il était possible d’apprivoiser un nouveau système en quelques séances, n’en déplaise à Didier Deschamps. Tout n’a pas été parfait, loin de là, mais Marseille, qui a marqué trois fois sur six tentatives, et qui n’a quasiment rien filé aux Bordelais, a corrigé certains de ses soucis du début de saison. Cuisance y est évidemment pour quelque chose.
Face à un Bordeaux qui a alterné entre 4-4-2 et 4-3-3, l’OM s’est déployé en 4-4-2 losange, ce qui l’a aidé à enfin trouver des relais dans les interlignes. Ici, Rongier vient notamment aider Sakai pour favoriser une progression rapide du ballon.
Premier effet : l’OM a quasiment tout le temps été, du fait de son organisation tactique, en supériorité numérique au milieu. Ici, Otavio doit contrôler Rongier et Cuisance.
Le premier but marseillais, une énième spéciale Thauvin, est un exemple parfait du bienfait de ce nouveau 4-4-2 dans lequel les latéraux ont une belle liberté offensive et au sein duquel Cuisance est impliqué.
Après une bonne récupération d’Amavi côté gauche, l’OM change progressivement de côté via un échange de passes courtes. Puis, Cuisance trouve le décalage vers Sakai.
Rongier, de son côté, déclenche un appel dans le dos de Benito et emmène Otavio avec lui. Bordeaux recule.
Bordeaux recule tellement que l’on se retrouve avec une situation connue. Avec Thauvin au sniper, en général, c’est suicidaire.
Au-delà de son positionnement, Cuisance, impeccable techniquement (94% de passes réussies, 100% dans les longs ballons) et dans sa relation avec Thauvin, a surtout aidé l’OM à gagner en fluidité dans la circulation du ballon, mais surtout en variété.
Alors que Benedetto décroche vers Amavi, Cuisance part dans le dos de Paul Baysse.
Là, Cuisance profite du déplacement de Thauvin pour être une solution dans la profondeur.
Ici, Cuisance vient se coller à Benito pour servir de relais à Thauvin et combiner avec Rongier.
Derrière, Rongier rejoue avec Cuisance, qui peut trouver Kamara plein axe.
L’ancien joueur du Bayern est aussi utile dans le jeu long. Ici, il permet à Amavi de plonger, côté gauche.
Même chose ici.
Là, il lance Hiroki Sakai au parfait endroit.
Brillant dans les petits espaces, Michaël Cuisance a aussi été très utile défensivement en concentrant son activité sur Otavio et en interceptant trois ballons.
Schéma défensif marseillais sur la relance bordelaise.
Après seulement sept minutes de jeu, Cuisance est déjà le leader vocal de l’OM dans le pressing.
Une interrogation : reverra-t-on Cuisance à ce poste lorsque Payet reviendra de suspension ? « 10, ce n’est pas ce qu’il préfère, mais il a été bon », a soufflé Villas-Boas après la rencontre, tout en rangeant les bons éléments – un Amavi en forme et presque double buteur, un Sakai en vue, une défense centrale solide – de cette rencontre dans son sac. Affaire à suivre.
➩ Quand l’OL déballe son Paqueta
Cette fois, on devait en prendre plein les mirettes et Rudi Garcia ne cessait de le crier : la saison de l’OL n’a pas débuté en même temps que celle des autres, et ce déplacement à Strasbourg était la première journée aux yeux du coach lyonnais. Et qui dit nouvelle saison, dit nouveau schéma puisqu’en Alsace, Lyon est arrivé avec un 4-3-3 plus classique, tenu en son cœur par Thiago Mendes, agité par Paqueta et Aouar et qui devait permettre à cette troupe d’avoir le ballon et de marquer des buts. Du moins, c’était l’objectif, et il a été tenu : l’OL a marqué trois buts en quarante-deux minutes et a eu le ballon pendant une mi-temps, avant de voir le Racing, passé en 4-4-2 avec l’entrée d’Habib Diallo, lui rentrer dans le lard et forcer Lopes à des exploits. L’OL restant l’OL, ce match a rassemblé un peu de tout et de n’importe quoi. Il y a d’abord eu un gros Memphis, triple passeur décisif, mais le Néerlandais n’a pas pu masquer tout au long de la rencontre une organisation défensive poreuse (dix-neuf tirs concédés, huit cadrés, deux buts encaissés). Entre-temps, Lyon, vainqueur finalement (2-3), aurait quand même pu quadrupler la mise sans des interventions miracles de Lala et Mitrović, mais une constante est là : l’OL ne sait ni être tueur, ni victime, et ne peut s’empêcher de toujours être un peu des deux.
Tout ça nous amène à la première en Ligue 1 de Paqueta, arrivé de Milan contre un chèque de vingt millions d’euros, et qui a, lui, distribué quelques promesses pour ses débuts. Juninho le voulait ardemment, car il a toujours aimé son profil « polyvalent » et soulignait le fait que le bonhomme pourrait aider l’OL à gagner en variété. « On n’a pas de joueur comme lui », détaillait il y a quelques semaines le directeur sportif lyonnais, et c’est ce qui a frappé aux yeux dimanche, si bien que l’on peut se mettre à saliver à l’idée d’un milieu Bruno Guimarães-Caqueret-Paqueta avec Aouar un cran au-dessus. Contre Strasbourg, Lucas Paqueta a déplié sa panoplie en plusieurs temps. S’il a d’abord perdu un ballon dangereux devant Aholou, il a ensuite été une solution pour couvrir les montées de Léo Dubois et pour sortir les ballons aux côtés de Marcelo.
En phase de relance, Paqueta vient se glisser à la droite de Marcelo. Il permet alors d’attirer un joueur strasbourgeois et, en cas de remise, d’ouvrir un espace dans son dos.
Trouvé ici par Marcelo, il remet en une touche vers Thiago Mendes. Le bloc strasbourgeois est ouvert en plein cœur.
C’est ensuite dans la construction que l’on a vu le Brésilien, affûté physiquement, plutôt précis techniquement, utile pour combiner, et notamment auteur de plusieurs ouvertures délicieuses.
En pleine confiance, Paqueta est parfait pour combiner rapidement et offrir – enfin – de la vitesse à la circulation de balle de l’OL. Ici, sa remise en une touche et vers le sol permet à Thiago Mendes de vite tourner le jeu vers Dubois.
Après s’être débarrassé de Aholou sur un râteau, Paqueta peut trouver Aouar plein axe.
Vingt minutes plus tard, on retrouve les deux hommes plus haut : avec de l’espace devant lui, Paqueta peut dégainer et trouver Aouar en pleine diagonale. Sur ce coup, l’international français sera repris.
Nouvelle ouverture, cette fois pour Toko-Ekambi.
En pleine chute, Paqueta réussit néanmoins à lancer de nouveau Aouar côté droit.
Trouvé plein axe, Paqueta décale Dubois avant de partir dans le dos de Carole.
Retrouvé ensuite par Dubois, il peut trouver Depay dans l’intervalle.
Libéré offensivement, Paqueta est enfin un élément qui peut secouer les interlignes adverses et prendre la profondeur afin d’éviter les centres à gogo, et a également été très précieux défensivement malgré un peu de déchet. Il a récupéré quatre ballons, en a intercepté huit et n’a jamais hésité à filer un coup de main aux centraux (deux dégagements). Reçu avec les encouragements.
On a aussi entendu…
Christian Gourcuff calmer tout le monde après la victoire du FC Nantes contre Brest (3-1) : « Je ne suis pas aveugle, j’aspire à beaucoup mieux, quand on perd des ballons faciles en milieu de terrain… Quand on n’a pas la maîtrise, ce n’est pas un match qu’on vit bien. »
Par Maxime Brigand