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Le carnet tactique de la onzième journée de Ligue 1
Cette saison, So Foot revient après chaque journée de Ligue 1 sur trois points tactiques. Cette semaine, retour sur un Monaco-PSG double face, sur la masterclass livrée par Andy Delort face à Strasbourg et sur le duo Yazıcı-David.
➩ Monaco-PSG : quand Kovač passe un scénario à la javel
Il y avait tous les ingrédients pour que la cocotte explose et c’est exactement ce que souhaitait aussi Niko Kovač qui, depuis le début de la semaine, cherchait à planter un message et un seul dans la tête de ses joueurs : le PSG est une équipe « d’humains » et non un groupe de petits aliens. Ainsi, tout était possible à condition de « respecter le plan de jeu » et de jouer « sans crainte », soit tout ce que la bande à Kovač n’a d’abord pas fait vendredi soir, le premier acte de ce Monaco-PSG tournant au film d’erreurs pour l’ASM. Sans Wissam Ben Yedder, positif à la Covid-19, le Croate avait décidé de coiffer son 4-4-1-1 brillant contre Bordeaux et à Nice avec Willem Geubbels et de titulariser pour la première fois depuis fin septembre Fodé Ballo-Touré à gauche de sa défense. Résultat : à l’heure de l’entracte, Kovač a vu ses joueurs rentrer avec les yeux explosés, des nœuds au ventre, deux buts de retard et une seule petite frappe cadrée – aucune dans le jeu puisque Volland a chauffé les gants de Keylor Navas sur coup franc. Mais comment l’expliquer ? Kovač : « À la mi-temps, j’ai dit aux joueurs qu’on était mauvais, que ce n’était pas l’ASM que je voulais voir. On avait peur, mais ce n’était pas nécessaire, car si on jouait vite, en une touche… » Si on joue vite, en une touche, on peut bouger un bloc qui offre autant d’espaces que celui du PSG, mais encore faut-il éviter de s’automutiler, car si l’AS Monaco n’a pas connu de grosses turbulences sans ballon, elle a provoqué un paquet d’explosions avec ballon.
Alors que l’ASM vit un début de match plutôt tranquille, Vito Mannone tache la sortie de balle monégasque en ajustant mal sa relance en direction de Matsima. Heureusement, derrière, l’Italien va se rattraper devant Moise Kean.
Quelques minutes plus tard, nouvelle cassure dans la sortie de balle : trouvé côté droit, Matsima cherche Volland, mais va rendre le ballon au PSG.
Puis, première vraie explosion : alors que Monaco est en phase de possession, Fofana perd le ballon plein axe et va exposer instantanément sa défense. Diallo intercepte, Kean décale Di María, et l’Argentin va trouver Mbappé en profondeur. Disasi va être battu au duel : 0-1.
Cinq minutes plus tard, même séquence : Tchouaméni manque sa passe côté droit et Sarabia lance Mbappé en profondeur sur un pas. Badiashile va alors sauver l’ASM.
Puis, deuxième explosion : trouvé côté gauche et bien pressé par Dagba, Diop cherche Tchouaméni plein axe, mais voit sa passe être interceptée par Rafinha. Au bout, le Brésilien va se faire faucher en pleine surface par Fofana : 0-2.
Avant la pause, on va aussi voir Badiashile tendre le 0-3 à Kean, mais après utilisation de la VAR, le but sera refusé pour un hors-jeu de Mbappé…
… Diop va aussi perdre un nouveau ballon complètement fou plein axe. Sans conséquence, cette fois.
À la mi-temps, le PSG a alors pu se frotter les mains car la majorité de ses coups ont été envoyés à la suite d’errements techniques monégasques (mais aussi d’un bon pressing parisien sur certaines séquences). Autres taches sur le plan de Kovač : les mauvais choix de Ballo-Touré, qui a perdu 8 ballons en 45 minutes, n’a réussi que 72% de ses passes, a raté deux ouvertures précieuses pour Diop (7e, 16e) et a été imprécis sur tous ses centres ; puis, l’incapacité de l’ASM à passer à l’intérieur du bloc parisien par manque d’un relais précieux. Les Monégasques ont dû attendre le quart d’heure de jeu pour (enfin) voir Youssouf Fofana réussir à sortir une passe casse-ligne :
Mais Kovač est aussi rentré aux vestiaires avec un espoir, car l’ASM a, dans la tempête, réussi à proposer quelques belles séquences et qu’elle a vu en son sein un Fofana impliqué sur les deux buts parisiens, mais capable d’user sur la longueur le PSG (il a tenté 44 passes dans le camp parisien et a réussi 6 dribbles au cours de la rencontre). Le Croate a alors pris sa boîte à outils et a ajusté son bolide : exit Ballo-Touré et Geubbels, place à Ciao Henrique et Cesc Fàbregas. Ainsi ce Monaco-PSG a complètement tourné et est passé d’un film d’erreurs à un film fantastique dont le héros a été un type de 33 ans, qui a poussé Volland un cran plus haut et a été la clé recherchée entre les lignes. Nom du héros : Fàbregas, bien sûr, venu se placer en soutien de l’Allemand et qui a rendu une copie scintillante : 51 ballons touchés, un but, une passe décisive, trois tirs, trois passes-clés, 90% de passes réussies… Tout ça alors que le PSG s’est progressivement distendu et qu’on a retrouvé sur plusieurs séquences en deuxième période le terrible 6+4 défensif des hommes de Tuchel. Il n’y avait alors plus qu’à se servir.
L’entrée de Fàbregas a permis à l’ASM de casser le pressing parisien et d’imposer un 3v2 au milieu.
Surexcité, l’Espagnol a alors été un relais aux quatre coins du terrain. Ici, à la relance pour Badiashile et Henrique.
Ici, un cran plus haut, pour trouver Volland et permettre à l’ASM de progresser entre les lignes afin de trouver Matsima dans le couloir.
Ici pour être trouvé en profondeur par Gelson Martins et jouer un une-deux : le Portugais va être retrouvé entre Diallo et Kimpembe, mais va être trop juste pour reprendre.
Ici pour apporter du nombre dans la surface et décaler côté opposé un Ciao Henrique lancé.
Ici pour lancer Henrique en profondeur et le laisser gober son couloir…
Ici pour être trouvé par Tchouaméni et placer idéalement Volland pour le 2-2.
Et ici pour presque finir… Fàbregas inscrira finalement le troisième but de l’ASM sur penalty.
Grâce à un doublé de Volland, un but de Fàbregas inscrit sur penalty à la suite d’une terrible erreur de Diallo et d’un gros pressing de l’attaquant allemand, le PSG a été retourné (3-2) et Tuchel a peiné à se planquer : « En deuxième période, on n’a pas joué assez sérieusement, on n’a pas pris le ballon avec la même qualité et on n’a pas défendu assez sérieusement non plus. Nous sommes complètement responsables. Peut-être que c’était trop facile et que les joueurs ont eu l’impression que cela faisait déjà 3-0 ou 4-0… Mais on a perdu le contrôle. » Peut-être aussi que l’ASM a pris ce contrôle, grâce à Fofana, grâce à Fàbregas, grâce à un Henrique tranchant, à un Volland plus en vue un cran plus haut… Kovač, qui a su passer le scénario du match à la javel, tient une belle soirée entre les doigts, et ce, même s’il affirmait dans Nice-Matin vendredi qu’il faudrait « un an et demi » à l’AS Monaco pour toucher son top niveau. En attendant, le projet avance, petit à petit, film après film.
➩ Andy, de l’or
Il existe 1000 bonnes raisons d’appuyer sur sa télécommande le dimanche après-midi. Et Andy Delort, comme Téji Savanier, les deux Romain de Brest (Faivre et Perraud), Loïc Badé ou Angelo Fulgini, en est une. Dimanche, face à Strasbourg, celui qui est revenu de son voyage au Zimbabwe avec le surnom « Bouzelouf » a offert un festival total et a présenté toute sa palette à la défense du Racing. Simple : s’il faut aujourd’hui expliquer à un attaquant U13 comment il doit se comporter au cœur d’un 4-3-3, un entraîneur de la catégorie peut lui montrer une compilation du match livré ce week-end par l’attaquant du MHSC. Un match qui, en chiffres, donne ça : 52 ballons touchés, 6 tirs, 3 cadrés, 2 buts, une passe décisive, 6 passes-clés, aucun hors-jeu, 2 centres réussis (sur 4 tentés), 3 dégagements… Attention, masterclass.
Andy Delort a d’abord excellé dans son rôle de relais entre les lignes. Ici, trouvé par Pedro Mendes, il attire Caci dans son dos et peut lancer son principal adjoint : Junior Sambia.
Douze minutes plus tard, trouvé cette fois par Congré, Delort peut de nouveau décaler Sambia.
Le même Sambia qui, à la demi-heure de jeu, va trouver l’Algérien dans le dos de Caci. Au bout, Delort va dégainer un bon centre pour Mavididi.
Mais aussi le même Sambia qui a trouvé la tête de Delort en début de match pour le 2-0.
Brillant entre les lignes, Delort a aussi souvent aidé le bloc montpelliérain à gagner des mètres comme ici avec une bonne remise pour Savanier…
… ou ici, toujours pour Savanier.
Andy Delort a aussi excellé dans la dernière passe face au Racing. Ici, il décale Mollet.
Là, trouvé en profondeur par Savanier, il remet superbement en talonnade pour Ristic, dont la frappe sera stoppée.
Et bien sûr, de nouveau trouvé par Sambia, il va offrir ici une passe décisive de la tête à Gaëtan Laborde.
Enfin, à ne pas oublier : sa science des appels. Ici, alors que Laborde emmène Mitrović et que Ristic arme de l’extérieur du gauche, Delort plonge entre les défenseurs strasbourgeois et va s’offrir un doublé.
2+1, ça fait quatre buts et deux passes décisives cette saison pour un Delort qui a porté dimanche un Montpellier qui a été secoué défensivement, mais a aussi offert un festival offensif. Un MHSC qui n’a pourtant pas fait dans la surprise puisque Delort a doublé la mise sur un centre au deuxième poteau, l’une des spécialités héraultaises, et puisque Der Zakarian avait décidé de ressortir son 4-3-3, qui lui permet d’aligner Mollet et Savanier ensemble et donc de faire grimper son entrejeu en qualité technique. « Ce système nous donne aussi plus de solutions, a expliqué ce week-end Laborde. Cela donne un nouvel élan à l’équipe, qui est moins prévisible que dans le 3-5-2. » Elle semble aussi un poil plus fragile dans le dos de ses latéraux et c’est ce qui a notamment offert des espaces énormes au Racing en première période, sans parler des erreurs de Pedro Mendes. Mais elle ose, vit et lâche du spectacle. La preuve : dimanche, Montpellier et Strasbourg ont offert la première mi-temps la plus prolifique du siècle en Ligue 1. Et Delort y est pour beaucoup.
➩ Yazıcı-David, un duo carré et cash
Masterclass, toujours : celle livrée par le LOSC dimanche soir face à un Lorient qui a explosé de partout (4-0) à Pierre-Mauroy. « On n’a pas existé, a soufflé froidement après la rencontre le coach des Merlus, Christophe Pélissier. Lille nous a énormément mis sous pression et on a commis trop d’erreurs techniques pour ressortir les ballons. On n’a jamais réussi à toucher nos milieux. Cela a été très dur de se sortir de leur pressing. Et comme Lille est très fort dans les transitions et a Yazıcı qui lui fait du bien entre les lignes… » En général, ça fait mal. Très mal. Ça fait 31 tirs à 7, un festival offensif et une démonstration de force malgré l’absence d’un carré majeur (Çelik, Fonte, Sanches, Yılmaz). Cette soirée en dit long sur la profondeur de l’effectif lillois et sur la capacité de ce groupe à se rire des circonstances, mais aussi à maintenir son animation puisqu’on a retrouvé face à Lorient le 3-2-5 en phase offensive avec une petite variable : la présence de Jérémy Pied à la relance aux côtés de Botman et Soumaoro, ce qui a permis au LOSC de « maintenir l’équilibre et de contrarier très rapidement les transitions offensives de Lorient » (Galtier, sur Téléfoot).
Voilà l’allure du LOSC avec ballon face à Lorient : un trio Botman-Soumaoro-Pied derrière, un duo Xeka-André à l’intérieur, Bradarić et Araujo sur les côtés alors que Yazıcı et Bamba permettent l’élaboration de circuits intérieurs.
Exemple de circuit intérieur avec Jonathan David qui décroche et va trouver Bamba.
On peut retenir plusieurs choses de cette démonstration nordiste, mais deux éléments semblent essentiels. Le premier : la forme étincelante de Yusuf Yazıcı, annoncé dès le premier jour comme une future « arme fatale » par le président Gérard Lopez et qui ne cesse d’en mettre partout depuis quelques semaines. Le second : la relation parfaite que l’artiste turc a eu avec Jonathan David, enfin buteur dimanche soir. Les deux hommes ont été les fusils principaux de Galtier face à Lorient et ont rendu des feuilles de stats délirantes. Yazıcı : 2 buts, 1 passe décisive, 5 occasions créées, 7 tirs, 6 passes-clés, 2 centres, 7 dribbles, 1 tacle, 2 ballons récupérés. David : 1 but, 1 passe décisive, 7 tirs, 1 passe-clé, 8 dribbles. Que dire ?
Après un ballon perdu par Lorient dans le camp lillois, le LOSC allume verticalement. Yazıcı va alors trouver David qui réussit à écarter Gravillon…
… avant de retrouver Yazıcı, qui décalera ensuite Bamba pour la première frappe du match.
Dix minutes plus tard, trouvé par André, Yazıcı peut lancer David entre les deux centraux lorientais : Nardi va ensuite parfaitement intervenir.
Bonne entente, nouvelle preuve, même si Yazıcı et David sont ici sur la même ligne. L’un des deux doit prendre la profondeur.
Ici, Jonathan David va être un appui pour Yazıcı, dont la frappe sera facilement captée.
Preuve de l’excellence du jeu entre les lignes lillois : Yazıcı trouve ici David qui remet vers Bamba…
… même chose ici.
Ce qui devait arriver arriva : lancé par Bamba, Jonathan David part entre les centraux lorientais et…
… trouve Yazıcı pour le 2-0.
Yusuf Yazıcı a été brillant, élégant et décisif. Jonathan David a sorti de son côté son match le plus complet avec le LOSC et a offert sa deuxième passe décisive de la saison au meneur de jeu turc après celle donnée sur le troisième but à San Siro. Tous les feux sont de nouveau allumés du côté lillois et tout le monde n’a qu’une date en tête : celle du 20 décembre, jour de Lille-PSG. Avant ça, le LOSC a des retrouvailles avec le Milan à gérer.
On a aussi vu…
Dall’Oglio avec des yeux brillants après la démonstration du Stade brestois face à Saint-Étienne (4-1) : « En première période, on a joué comme on voulait jouer, les joueurs ont été disciplinés. Il y a un certain équilibre qui est en train de s’installer. Il y avait déjà de très bonnes choses sur les matchs d’avant. Il nous manquait le déclic, cette petite étincelle… On a insisté parce qu’il nous semblait qu’on n’était pas loin de quelque chose. Les deux derniers matchs nous donnent raison. »
Par Maxime Brigand