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Le carnet tactique de la dixième journée de Ligue 1
Cette saison, So Foot revient après chaque journée de Ligue 1 sur plusieurs points tactiques. Cette semaine, carnet intégralement consacré à un choc qui n’en a finalement pas été un : celui entre le PSG et Rennes. Décryptage d’un débat raté que la France du foot pourrait traîner comme un boulet.
James Léa-Siliki se jette pour voler un ballon, qu’il réussit à transmettre à Steven Nzonzi. Après sept minutes de jeu au Parc des Princes, le symbole est fort : le Stade rennais quadrille le PSG autour de sa surface et force le leader à se recroqueviller à neuf. Un peu plus de vingt-quatre heures plus tôt, à l’heure de préparer ses valises pour rendre visite au leader, Julien Stéphan voulait voir son équipe débouler avec « bravoure, courage, détermination et personnalité », et ses hommes l’ont entendu. Du moins, c’est ce que l’entame de ce choc qui ne va rapidement plus en être un laisse penser. Les premières minutes bretonnes sont plutôt positives, portées par un pressing plutôt bien coordonné : Léa-Siliki sort accompagner Guirassy pour presser la charnière centrale parisienne, Doku et Gboho se relaient pour soutenir Nzonzi et Bourigeaud dans le cadrage du trio Gueye-Paredes-Herrera, et cette approche permet aux Rennais de gratter plusieurs ballons hauts. À la troisième minute, Benjamin Bourigeaud vient casser un lancement de Paredes. Quelques secondes plus tard, Yann Gboho coupe la parole à Herrera, laisse Doku percuter côté droit et voit le Belge trouver Guirassy sous le nez de Marquinhos. Une cartouche en or, mais au lieu de s’effacer, le phare breton cherche à s’emmener le ballon et le perd. Sur la relance suivante, le PSG sort à l’aide d’un triangle posé côté gauche par ses trois milieux, mais Da Silva surgit devant Herrera. On se dit que quelque chose se passe, que les Rennais tiennent leur plan, qu’ils regardent ce PSG amoindri dans les yeux et qu’ils ont écouté un Léa-Siliki qui disait vendredi ceci : « On va à Paris avec nos convictions et un plan de jeu. Il ne faut pas craindre le PSG, sinon on va se faire écraser. Il faudra faire le match parfait. » Gboho tente alors de jouer en profondeur vers Guirassy, Diallo coupe parfaitement la passe, puis, peu après 21h10, le Stade rennais voit son plan exploser. Ou plutôt le fait exploser. Seul.
La lecture de l’espace et les cadeaux
Alors que le plan défensif du PSG est assez simple (Moise Kean se charge de fermer Nzonzi, Herrera contrôle les décrochages de Bourigeaud, Di María cadre Da Silva et coupe les potentielles transmissions vers Léa-Siliki à l’intérieur), les Bretons ont souvent la possibilité de sortir côté droit avec Hamari Traoré, Gboho occupant l’attention de Kurzawa. En refusant de le faire à la onzième minute, Alfred Gomis pousse Léa-Siliki dans le pétrin : ballon perdu, puis transmis à Kean qui profite alors, cure-dents dans le bec, de la non-pression d’Aguerd pour ouvrir le score.
Alors qu’Hamari Traoré est seul côté droit, Gomis préfère jouer dans l’axe vers Léa-Siliki, qui va perdre le ballon sous la pression de l’Argentin.
Derrière, alors qu’Aguerd défend en reculant, Moise Kean peut trouver le petit filet gauche du gardien rennais.
Le premier but est la conséquence logique de nombreux mauvais choix faits par les Rennais au cours de la première période et qui les ont souvent poussés à reculer d’eux-mêmes. Après la rencontre, Julien Stéphan a soulevé un point important : la lecture du « rapport de force et de l’espace ». Plusieurs séquences montrent que ses joueurs auraient pu (et dû) faire mieux, notamment Steven Nzonzi, qui a souvent cassé le rythme de son équipe.
Alors que la ligne de passe vers Bourigeaud est mal coupée par Herrera, Nzonzi temporise et préfère jouer avec Aguerd en retrait.
Quatre minutes plus tard, même chose : Hamari Traoré est seul côté droit alors que Gboho a fait un bon appel pour libérer l’espace, mais Nzonzi va jouer avec Da Silva, toujours en retrait.
Nouvelle séquence et nouvel appel de Gboho pour libérer de l’espace à Traoré, mais Nzonzi va encore temporiser et décaler Truffert à gauche.
Cette fois, pas de Nzonzi, mais Aguerd qui, plutôt que de trouver Traoré, qui lui demande le ballon, va ressortir vers Da Silva. Rennes recule, et le premier but va arriver de ce choix-là, aussi.
Ici, plutôt que de relancer court avec Da Silva sur sa droite, Gomis va balancer le ballon plein axe, directement dans les pieds de Diallo.
Hamari Traoré est le joueur qui a touché le plus de ballons (97) de la rencontre, mais à l’exception d’un centre réussi pour Doku (34e) et d’un bon décalage de Guirassy (38e), le Malien n’a pas été souvent trouvé en bonne position.
Le pressing rennais troué, un Marquinhos royal
Devant au score et proche de doubler la mise sur une magnifique volée envoyée par Di María sur le poteau gauche de Gomis, le PSG, entré en douceur dans sa rencontre, n’a pas eu à forcer pour faire la différence malgré le bricolage forcé de Tuchel. Au cours de la rencontre, les Parisiens ont présenté trois visages. Le premier : un 4-3-3 avec Marquinhos en défense centrale, Paredes en sentinelle et Florenzi ailier droit. D’abord gêné à la relance, le PSG a tenté de cogner en profondeur – Diallo a notamment tenté une ouverture mal dosée pour Kean (6e) – avant de profiter d’un pressing rennais progressivement mal organisé après l’ouverture du score, ce qu’a regretté Damien Da Silva : « On avait l’intention de les presser, pas de les laisser jouer. Malheureusement, ils s’en sont bien sortis et ils nous ont fait beaucoup courir. L’erreur de relance du premier but nous fait mal, elle nous coupe dans notre élan. »
Offensivement, le PSG s’est d’abord souvent déployé ainsi : à cinq sur la largeur, alors que Gboho et Doku ont défendu très bas, formant souvent un 6-3-1 en phase défensive.
Bien coordonné lors des dix premières minutes, le pressing rennais s’est délité. En envoyant un relayeur – ici Bourigeaud – sur un central parisien, un espace s’ouvre automatiquement au milieu. Ici, Herrera en profite après un bon relais de Paredes.
Libre de se projeter, le milieu espagnol peut ensuite lancer Di María, profitant au passage d’un mauvais alignement de Truffert : au bout, l’Argentin pique son ballon et ça fait 2-0 pour le PSG.
Marquinhos a ici tout le loisir de trouver Paredes dans le rond central. Sa passe élimine à elle seule trois joueurs rennais.
Autre séquence : pressé par trois joueurs rennais, Herrera réussit à résister à la pression et à trouver Rafinha.
Là, trouvé par Kehrer à l’intérieur, Florenzi est en position idéale pour déclencher…
… il va alors lancer Kean en profondeur. Heureusement, Da Silva effectue un bon retour.
Avec deux cadeaux entre les mains, le PSG a pu gérer, mais a aussi très bien défendu : au cours de la première période, Rennes n’a été dangereux que sur deux coups de crâne de Nzonzi (23e et 28e) et sur une toute petite frappe de Gboho avant la pause, seul tir cadré de la mi-temps rennaise. Replacé à son poste, Marquinhos a été impérial (7 ballons récupérés, 8 interceptions, 9 dégagements) et a été parfaitement accompagné par un Diallo retrouvé (10 ballons récupérés, 8 interceptions, 6 dégagements).
Le mauvais message
La deuxième période porte d’ailleurs l’empreinte du défenseur brésilien. Alors que Tuchel a dû jongler entre les blessures (Gueye, Kehrer, Florenzi, Kean) et passer en 3-4-1-2 (avec Rafinha en soutien de Di María et Kean), puis en 5-3-2 lorsque Danilo est entré en jeu, le capitaine parisien a été partout, rappelant qu’un défenseur central qui défend en avançant, ça change la vie.
Cherché par Doku, Bourigeaud va être bloqué par Marquinhos.
Le Brésilien a également été une solution pour se sortir du pressing, comme ici avec Bakker.
Enfin, c’est lui qui va se projeter et bousculer Truffert sur le troisième but inscrit par Di María.
Douché par le scénario, le Stade rennais, trop prévisible offensivement, n’est jamais revenu dans le match malgré une fin de première période plus intéressante dans le contenu et les entrées multiples (Grenier, Terrier, Hunou, Del Castillo). Les Bretons ont quand même eu des espaces.
Trouvé par Doku, qui a profité des quelques failles laissées par Kurzawa, un gaucher placé côté droit, Truffert va centrer en retrait, mais Paredes va effectuer un super retour devant Guirassy.
Plus libre en seconde période, Bourigeaud déclenche vers Doku, mais nouveau super retour de Marquinhos sur cette séquence.
Touché plein axe par Terrier, Grenier aspire trois joueurs parisiens sur lui et peut remettre en retrait vers Bourigeaud : la frappe du milieu rennais va être dévissée.
Difficile de digérer ce qui nous est tombé sur la tête, samedi soir, au Parc des Princes. Il faut donc accepter que le PSG, sans la moitié de son équipe type, avec Florenzi ou Dagba ailier droit, Kurzawa aligné à droite dans une défense à trois ou encore un duo d’attaquant Di María-Rafinha, roule sur un autre club européen sans qu’il n’y ait réellement de match. Le week-end de Ligue 1 n’a rien de positif pour la suite de la saison, car dans le même temps, l’OM a prouvé qu’un tir suffisait à s’imposer au terme d’un match sans vie à Strasbourg. Interrogé après la rencontre, André Villas-Boas a envoyé bouler les amateurs de spectacle : « Si vous voulez du contenu, il faut chercher au Barça ou à la Juve. » Ainsi va le championnat de France, ainsi va ce petit monde où un Paris sur une demi-jambe peut danser sans problème et éparpiller la concurrence. Stéphan : « Ils ont eu plus de réalisme, plus d’efficacité, plus de roublardise, plus d’intensité. On a encore beaucoup de progrès à faire pour embêter ces équipes-là. » Mais alors, qui ? Le LOSC devait être le sourire de notre dimanche, il a été cogné à Brest (3-2). Cependant, on peut croire à la thèse de l’accident, et les Nordistes, battus pour la première fois de la saison, restent la principale menace d’un demi-PSG, qui peine à dégager une réelle cohérence collective et qui s’en sort souvent grâce à ses individualités. Du moins, c’est ce qu’on se plaît à supposer pour le suspense. On n’est plus à une désillusion près.
Par Maxime Brigand