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Le carnet tactique de la deuxième journée de Ligue 1
Cette saison, So Foot revient après chaque journée de Ligue 1 sur trois points tactiques. Après cette seconde fournée, focus sur l’animation post-C1 de l’OL, la performance d’Otavio à Angers et les failles de la gourmandise lorientaise.
➩ Lyon : et avec le ballon, ça donne quoi ?
Avant d’emmener ses gars en virée à Lyon, Stéphane Jobard avait les pétoches et ne le cachait pas : « Là, c’est l’Everest qui se présente face à nous. » Partant, quel était le plan du technicien dijonnais, battu dans son salon lors de la première journée par Angers (0-1), afin d’éviter de rentrer en ville avec des joueurs grillés par la foudre ? Confession d’avant-match : « Il faudra être capable de profiter de leurs temps faibles pour se créer des occasions et de résister durant leurs temps forts. L’idée est de faire douter l’adversaire. Lyon va passer d’une compétition à une autre, donc il y a une part d’inconnu sur l’OL. Ce qu’on sait, c’est qu’il y aura de la qualité. » Bilan des courses : au Groupama Stadium, le DFCO s’est fait détrousser (4-1) et n’aura eu qu’une petite quinzaine de minutes de « bonheur » , soit le temps écoulé entre l’ouverture du score d’Aurélien Scheidler et le premier penalty de la soirée transformé par Memphis Depay. Derrière, l’OL a déroulé, inscrit quatre pions au total et même filé des regrets à son chef de bord, Rudi Garcia : « Nous avons fait le travail, même si nous aurions pu être bien plus précis dans la dernière passe et dans la finition. Le score aurait dû être plus large. » L’important est pourtant là : les Lyonnais n’ont jamais douté lors de cette reprise et ont réussi leur transition tactique entre la C1, compétition où ils ont volontairement laissé le ballon à leurs adversaires pour les cogner en transition et en profondeur, et la Ligue 1, monde où l’OL a eu d’énormes difficultés la saison dernière pour faire le jeu.
Ainsi, certains fantômes ont été chassés. Tous ? Bien sûr que non, ce qui s’explique d’abord par le fait que Dijon s’est laissé attraper trop facilement par un Lyon qui est loin d’avoir tout réussi. Au niveau de l’animation, pas de surprise : Garcia a relâché sur la feuille de match son cerbère défensif (Denayer, Marcelo, Marçal), un milieu à cinq et deux attaquants. Petit changement par rapport à la C1, l’OL a cette fois évolué au milieu avec une pointe haute – Depay – et non avec une pointe basse – qui était alors Bruno Guimarães. Ce petit ajustement est avant tout dû à l’absence d’Houssem Aouar, testé positif au coronavirus en fin de semaine, et non à un véritable choix tactique, même si Rudi Garcia avait posé ses désirs sur la table avant de voir ses hommes remettre leur cartable sur le dos : « On va devoir avoir une attitude tactique différente de celle de la C1, trouver des espaces… On a travaillé là-dessus. Mais le mot d’ordre, ça va être d’être capable de montrer un visage similaire. »
Sans ballon, l’OL a évolué en 3-4-1-2, structure de laquelle Dubois et Cornet n’ont pas hésité pas à sortir pour casser les lancements adverses en cadrant les latéraux dijonnais.
Avec ballon, l’OL s’est ensuite quasi systématiquement retrouvé dans cette configuration. Les Dijonnais ont alors laissé les centraux lyonnais sortir avec le ballon, ont formé un bloc intérieur compact en 4-4-1-1 pour ensuite protéger au maximum leur surface, mais n’ont en aucun cas fermé l’accès aux latéraux (Cornet et Dubois).
Dans l’attitude générale, Garcia a été entendu : l’OL a gardé son état d’esprit montré entre Turin et Lisbonne et n’a presque rien concédé (une seule occasion, qui a amené au but de Scheidler). Au niveau de l’animation, au-delà des quatre buts inscrits, on peut quand même noter qu’entre quelques belles performances individuelles (Caqueret, Guimarães, Depay, Marcelo), Lyon aurait pu mieux faire sur plusieurs séquences. Premier point : la qualité des centres lyonnais. Vendredi soir l’OL en a tenté 48, dont 36 dans le jeu et 20 du seul Maxwel Cornet, qui a finalement fait la différence – c’est lui qui va chercher le penalty de l’égalisation dans les pieds de Ngouyamsa – lorsqu’il s’est abstenu de centrer. Souvent trouvé dans son couloir gauche, ouvert à tous les vents par le bon travail de fixation des attaquants de l’OL (Dembélé et Toko Ekambi), l’international ivoirien n’a réussi que 15% de ses centres, a rendu une grosse dizaine de ballons aux Dijonnais (13, plus gros total côté OL) et a commis un crime contre le football sur un centre de Cherki en fin de match. De l’autre côté, Dubois a été plus en réussite, mais n’a pas non plus brillé alors qu’il avait de l’espace pour s’exprimer.
Second point : le réalisme d’un OL qui a eu 17 grosses occasions, mais qui a vu ses gâchettes, notamment Dembélé, croquer dans tous les sens. Face à Dijon, ça passe, mais demain, les hommes de Garcia devront être plus tueurs. Point positif quand même dans cette animation : lorsque les latéraux lyonnais ont joué un cran plus bas, Caqueret (encore une fois impeccable) et Guimarães n’ont pas hésité à se projeter offensivement dans les interlignes. Le Brésilien a d’ailleurs eu deux belles opportunités en première période.
Première tentative : Dubois lance Guimarães entre Chafik et Lautoa, mais le ballon sera trop long.
Sur la seconde, de nouveau trouvé dans le dos de la défense dijonnaise, Guimarães va buter sur Alfred Gomis.
De cette rentrée, il faut enfin garder la bonne attitude des centraux lyonnais, qui ont défendu vers l’avant, ont récupéré 34 ballons à eux trois (dont 8 dans le camp adverse), en ont intercepté 17 et ont systématiquement lancé les latéraux dans l’espace. Mention de cette première sortie : bien, mais pas assez méchant.
➩ Otavio, roc en pattes
Si Morgan Schneiderlin a brillé sur la pelouse de Strasbourg, où l’OGC Nice a de nouveau balancé son réalisme aux yeux du pays (quatre tirs cadrés en deux journées, quatre buts, six points), un autre gratteur de ballons a fait péter les lampions ce week-end : Otavio, dont l’allure est pourtant plus proche de celle d’un danseur de zumba que de celle d’un harceleur. L’époque n’est pas à l’échange de gouttelettes, mais le Brésilien a sué de partout sur le gazon de Raymond-Kopa, bien aidé par une garde solide autour de son mètre soixante-treize. À Angers, Bordeaux a pourtant d’abord été « paralysé » (Gasset), mais les Girondins ont ensuite sorti leur tête pour plier la rencontre (0-2) en trois minutes. Derrière, on a assisté à une opération de fermeture des frontières : le SCO a eu le ballon (57% du temps), a tiré plus que son adversaire (12 fois contre 7), mais n’a jamais réussi à vraiment inquiéter l’arrière-garde girondine (2 tirs cadrés contre 100% de tirs cadrés côté Bordeaux). Gasset : « On essaye de bien ressortir le ballon de derrière. Par séquences, on le fait très bien. Mais comme Nantes la semaine dernière, Angers nous a dominés. Il va falloir qu’on joue dix mètres plus haut dans nos temps faibles. Peut-être qu’on recule inconsciemment parce qu’on se sent costaud. Aujourd’hui, on a un bloc, un état d’esprit qui donne cette solidarité. »
Costaud, Bordeaux ne l’a pas toujours été par le passé : le premier succès de Gasset, qui fait jongler son bloc entre 4-4-2 (phase défensive) et 3-4-3 (phase offensive), soit d’une manière assez proche que celle posée par Paulo Sousa à son époque, est là. Dimanche, les Girondins ont ainsi tenté 48 tacles (61% réussis), dont treize pour le seul Otavio (qui en a réussi neuf), ont intercepté 27 ballons (18 combinés par la paire Koscielny-Baisse) et ont fait 20 fautes. Ces trois éléments symbolisent l’activité défensive des Bordelais alors que les quatre offensifs (Maja, De Préville, Oudin, Hwang) ont taclé 20 fois, ce qui démontre un engagement total du groupe de Gasset pour le projet collectif. De cet après-midi angevine, on pourrait aussi retenir l’énorme performance de Laurent Koscielny, mais c’est bien celle d’Otavio, essentiel à l’équilibre des siens aux côtés de Basic et pilier pour casser les transitions adverses à la source, qui saute d’abord aux mirettes.
Après 59 secondes de jeu, Otavio donne le ton à sa rencontre et vient mordre Santamaria.
Huit minutes plus tard, on le retrouve un cran plus haut pour sauter dans les pieds de Fulgini, dépassé dans la majorité de ses duels dimanche (8 ballons perdus, 20% de duels défensifs et 36% de duels offensifs gagnés seulement).
Nouvelle récupération haute sur Wilfried Kanga : la transition angevine est cassée en deux.
Brillant sans ballon (6 ballons récupérés, dont 2 dans le camp adverse, 80% de duels offensifs remportés, 4 interceptions), Otavio a également été très intéressant dans l’utilisation du ballon. Joueur des Girondins le plus touché (82 ballons), le Brésilien a été, comme toujours, une solution préférentielle pour sortir les ballons.
Il a également su, trop rarement il faut le noter, créer quelques décalages en trouvant des partenaires entre les mailles du SCO.
En confiance, Otavio sort par exemple ici une passe aveugle pour Basic qui élimine trois joueurs du SCO.
Après deux journées, Gasset a dit, dimanche : « Quand vous avez une bonne équipe, logiquement, c’est trois points à la maison et un point à l’extérieur. » Son Bordeaux a fait tout l’inverse, mais a laissé apparaître une solidité rassurante. Le duel face à l’OL, le 11 septembre, sera un bon crash test.
➩ Lorient et les défauts de la gourmandise
Christophe Pélissier tire la tronche et souffle : « On arrive à casser leurs lignes, mais on joue sans grande percussion dans les trente derniers mètres. Il y a des situations où l’on doit être plus cliniques, défensivement et offensivement. On ne s’est pas encore décomplexés à l’extérieur. Il faut vite que ça arrive, il faut vite apprendre. » Une semaine après une belle mise en bouche contre Strasbourg (3-1), les Merlus étaient attendus pour régaler de nouveau les papilles et pour confirmer les quelques belles séquences vues lors de la seconde période face au Racing. Alors ? Alors, Lorient a glissé sur le dancefloor de Saint-Étienne et a plié pour la première fois de la saison (2-0), sans faire un mauvais match dans le Forez. Le promu a même affiché son regard joueur et offensif : celui d’une équipe qui ose et n’a peur de rien. Problème, cette gourmandise a cette fois été punie, et au-delà de quelques belles sorties de balle, Lorient n’a réussi à se procurer qu’une seule grosse occasion à Geoffroy-Guichard (pour Grbić, en début de match).
Une minute permet presque à elle seule de résumer la prestation lorientaise : la 18e.
Encerclé par trois Stéphanois, Lemoine réussit à décaler Le Goff côté gauche.
Le Goff profite de la mauvaise couverture de Debuchy, qui ne ferme pas assez l’accès à Abergel, pour trouver son milieu.
Avec du champ devant lui, Abergel prend le temps de fixer, avant de décaler Le Fée plein axe.
Le Fée profite des espaces laissés dans les couloirs par l’ASSE et lance Boisgard, dont la frappe sera ensuite détournée en corner par Moulin.
À la suite de cette excellente sortie de balle et cette bonne opportunité pour Boisgard, les Merlus vont s’exposer sur un corner en leur faveur.
Sur cette séquence, Lorient compte neuf joueurs dans les trente derniers mètres stéphanois. Seul Mendes est en couverture.
Problème : le centre est intercepté par Moulin, qui lance rapidement Nordin en profondeur.
Le repli défensif lorientais est réalisé, mais les Merlus sont attirés par le ballon : à aucun moment, Le Goff n’incline son corps pour pouvoir anticiper un ballon vers Hamouma. Derrière, l’attaquant stéphanois sort sa merveille.
Le second but stéphanois du jour, lui, va intervenir au bout d’une séquence déjà vue en première période : Lorient est très exposé en cas de perte de balle en phase de construction.
Morel sort balle au pied, mais perd le ballon devant Camara. Derrière, Lorient tient sur un fil.
Situation de 5 contre 4 : au bout, le centre de Bouanga ne sera heureusement pas repris par Aouchiche.
En deuxième période, nouvelle perte de balle plein axe et l’ASSE se retrouve en supériorité numérique à l’intérieur (4v2).
Les latéraux lorientais étant déjà montés, la paire Laporte-Mortel est cuite. Hamouma n’aura plus qu’à finir facilement.
Dimanche, Lorient a avant tout été puni sur des failles déjà visibles contre Strasbourg et notamment pour avoir pêché techniquement en phase de construction, des séquences où Pelissier installe beaucoup de joueurs devant le ballon sans énormément protéger l’intérieur de son bloc. Cette première défaite est aussi un apprentissage. Mais qui reprochera à une équipe de prendre des risques ?
On a aussi entendu…
David Guion ne pas comprendre ce qui lui est arrivé face à Lille (0-1) : « C’est une frappe presque anodine… Je crois que même les Lillois ont été surpris que le ballon rentre. Mais bon, Bamba a pris l’initiative et a eu le mérite de le faire. »
Par Maxime Brigand