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Le Canada est-il devenu l’Angleterre d’Amérique ?
Curiosité en finale de la conférence Est de MLS cette semaine : une confrontation 100% canadienne entre Montréal et Toronto. Une preuve de plus que les clubs de la patrie de Justin Trudeau ont parfaitement réussi leur récente intégration à l’élite du ballon rond nord-américain, grâce à l’apport de nombreux joueurs étrangers. Pendant ce temps en revanche, la sélection reste largement en retrait...
Impact de Montréal contre Toronto FC : c’est l’affiche plutôt inattendue que propose la finale aller de la conférence Est en Major League Soccer. Deux clubs canadiens face à face : la symbolique est forte, d’autant qu’ils sont les deux seuls représentants du Canada à l’Est. Il est d’ailleurs intéressant de constater que Montréal et Toronto ont disposé au tour précédent des ambitieux clubs de New York, les Red Bulls pour l’Impact et City pour le TFC (l’autre TFC). Deux clubs qui avaient respectivement terminé aux première et deuxième places de la saison régulière. C’est là toute la cruauté des play-offs : les deux new-yorkaises se retrouvent éliminées, alors qu’elles ont dominé les débats pendant toute la saison. Ce ne sont pas l’Impact et Toronto qui s’en plaindront.
Giovinco contre Drogba/Piatti
Cette confrontation 100% feuille d’érable est néanmoins à ne pas négliger. Elle montre la belle progression des deux adversaires – et rivaux – arrivés relativement tardivement dans le grand cirque de la MLS. Pour Toronto, c’était en 2007 et il a tout de même fallu un paquet d’années et de déception pour qu’enfin l’équipe se mette à tourner. Après huit éliminations de suite dès la saison régulière, la grande ville de l’Ontario est enfin parvenue à se qualifier en play-offs l’an dernier, avant donc cette année de viser rien de moins qu’un premier titre historique. Son atout majeur, c’est bien évidemment sa star Sebastian Giovinco, une prise remarquable en Amérique du Nord, peut-être la plus belle de l’histoire de la MLS, puisque l’Italien n’est pas arrivé trentenaire comme la plupart des autres stars lorsqu’elles franchissent l’Atlantique. L’Italien est le leader évident d’une formation qui comporte également en son sein deux des meilleurs joueurs américains de la dernière décennie, le milieu Michael Bradley et l’attaquant Jozy Altidore.
Du côté de l’Impact de Montréal, l’ascension a été plus rapide avec une arrivée en MLS seulement en 2012, des play-offs expérimentés dès l’année suivante et cette finale de conférence en 2016 qui vient confirmer une belle progression, après les demi-finales de l’an passé. Les Québécois aussi se sont appuyés sur un leader offensif étranger, en l’occurrence Marco Di Vaio d’abord, puis Didier Drogba à sa suite, assisté de l’excellent argentin Nacho Piatti pour assurer l’animation offensive.
Filière US pour Toronto, internationale pour Montréal
La réussite des clubs canadiens, c’est d’abord la réussite du recrutement de joueurs extérieurs. Dans l’effectif de Toronto, on dénombre neuf Canadiens, dont seulement deux jouent régulièrement titulaires, Osorio et Will Johnson. Chez le voisin montréalais, les proportions sont quasi similaires, avec huit « nationaux » et un seul, l’emblématique Patrice Bernier, incontournable dans le onze. Côté Pacifique, c’est la même chose à Vancouver, Fraser Aird étant le seul des neuf Canadiens du groupe pro à avoir un gros temps de jeu. Petite différence néanmoins : Toronto s’appuie sur une grande majorité de joueurs américains (ils étaient onze voisins US sur les feuilles de match des confrontations face à New York City FC), là où Montréal, comme Vancouver d’ailleurs, privilégie le cosmopolitisme de son vestiaire : français, belge, italien, argentin, ghanéen, camerounais, écossais, costaricien et bien sûr américain.
Ces effectifs très ouverts sur le monde – plus en tout cas que ceux de leurs concurrents américains en MLS – ressemblent du coup pas mal à ce qu’on peut trouver dans la Premier League anglaise. Avec des résultats intéressants non seulement en Major League Soccer, mais également sur la scène continentale : Toronto s’est hissé en demi-finales de la Ligue des champions de la CONCACAF en 2012, Montréal en finale en 2015 (la seule finale impliquant une franchise de MLS sur les cinq dernières années) et Vancouver est encore en lice pour l’actuelle édition.
Le salut de la sélection passe par les centres de formation
La comparaison Angleterre – Canada ne vaut pas seulement pour la solidité de ses clubs et leur popularité (Toronto quatrième affluence de MLS avec plus de 26 000 spectateurs de moyenne ; Montréal, déjà plus de 55 000 billets vendus pour cette finale aller de conférence disputée au stade olympique), elle vaut aussi pour les résultats toujours aussi décevants de l’équipe nationale de ces deux pays. La sélection anglaise, c’est bien connu, souffre depuis longtemps de l’internationalisation massive de la Premier League. S’agissant du Canada, il y a de ça aussi avec finalement très peu de joueurs locaux qui jouent régulièrement dans les trois clubs locaux évoluant en MLS.
Résultat, au sein des « Canucks » , on trouve des joueurs d’Ottawa Fury (qui évolue en USL, un championnat mineur nord-américain) et des aventuriers partis gratter une modeste carrière en Pologne, Hongrie, Écosse, Norvège et même au Japon. Avec pour résultat un bilan sportif pas loin d’être catastrophique pour une sélection qui échoue depuis 1986, année de sa seule participation à un Mondial, à se qualifier dans une zone CONCACAF pourtant pas bien relevée. Pour 2018 d’ailleurs, c’est déjà râpé. Ce constat est-il irrémédiable ? Pas forcément. Si les résultats internationaux restent décevants, y compris chez les sélections de jeunes, la mise en place récente d’équipes réserves pour donner leurs chances aux jeunes espoirs, ainsi que les moyens mis dans la structuration de centres de formation (ce qui n’a rien de naturel en Amérique du Nord) pourraient finir par porter leurs fruits un jour prochain. Que clubs et équipe nationale parviennent à progresser de concert.
Par Régis Delanoë