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Le Cameroun n’est pas au bout de ses peines

Par Alexis Billebault
Le Cameroun n’est pas au bout de ses peines

Le Cameroun a choisi le Portugais Toni pour succéder à Clarence Seedorf. Un choix du ministre des Sports, peut-être sur instruction de Paul Biya comme le pensent certains, et que personne, ou presque, n’avait vu venir au pays de Roger Milla. Mais là-bas, on n’en est plus à une surprise près...

« Au départ, quand j’ai lu que c’était Toni qui venait d’être nommé sélectionneur des Lions indomptables, j’ai cru qu’il s’agissait de celui qui avait entraîné Bordeaux(1994-1995) » , se marre André Kana-Biyik, l’ancien milieu de terrain des Lions. Raté. C’était l’autre. Remarquez, Kana-Biyik n’était pas tombé loin. Le moustachu désormais septuagénaire (72 ans) s’appelle Antonio José Conceição Oliveira, quand son cadet de quinze ans s’appelle… Antonio Conceição Da Silva Oliveira. Pour faire simple, ils ont effectué leur carrière de joueur et d’entraîneur sous le pseudo de Toni, et ils affichent quelques points commun, comme ceux d’avoir été internationaux portugais (33 fois pour le premier, une fois pour le second), d’avoir joué dans un des deux plus grands clubs du pays (Benfica et FC Porto), et d’avoir entraîné tous les deux au Portugal bien sûr, mais aussi en Arabie saoudite.

Succès à Cluj

Toni, celui qui intéresse le Cameroun, et dont la nomination reste une énigme, a aussi bossé chez lui (Braga, Naval, Estrela Amadora, Setúbal, Belenenses, Trofense, Moreirense, Penafiel), à Chypre (Nea Salamina), en Arabie saoudite donc (Al-Faisaly), et pas mal en Roumanie (Brasov, Astra Ploiesti, CFR Cluj). C’est d’ailleurs avec le club de la ville universitaire roumaine qu’il a remporté en tant qu’entraîneur ses trois seuls titres, et plus exactement deux Coupes (2009, 2016) et une Supercoupe (2016). Voilà pour le CV de celui qui est, après le désopilant Artur Jorge (2004-2006), le deuxième Portugais à prendre les commandes des Lions.

« J’avoue que j’ai été surpris, très surpris, même, quand je me suis renseigné sur son parcours. Je ne suis pas le seul Camerounais, je peux vous l’assurer, à ne pas avoir tout compris. Mais au Cameroun, on a appris à ne plus s’étonner de rien » , poursuit Kana-Biyik. Depuis le licenciement de Clarence Seedorf et de son adjoint (et ami) Patrick Kluivert (qui se partageait 96 000 € par mois), après l’élimination en huitièmes de finale de la CAN par le Nigeria (2-3), sur décision de Narcisse Mouelle Kombi, le ministre des Sports, les supporters des Lions attendaient la suite du feuilleton. Ils n’ont pas été déçus.

Un ministre, des babouches et une FECAFOOT aux ordres

Kombi, qui semble prendre goût à sa fonction et n’hésite pas à la dépasser sans trop s’encombrer de précautions, a lui-même annoncé le vendredi 20 septembre la nomination de Toni. « Normal, puisque c’est lui qui l’a choisi » , rigole un agent, qui préfère toutefois rester anonyme. Seydou Mbomba Njoya, le président de la Fédération camerounaise de Football (FECAFOOT), déjà mis devant le fait accompli dans le dossier Seedorf, n’était même pas présent à Yaoundé le jour où les Camerounais ont appris le nom du nouveau patron technique des Lions. « Là-aussi, Njoya a juste eu le droit de fermer sa gueule. Ce n’est pas lui qui paye le salaire, c’est l’État. Le ministre avait officiellement associé au processus de nomination des membres de la FECAFOOT, dont le secrétaire général et le DTN, mais c’était pour le décorum, histoire de ne pas s’attirer les foudres de la FIFA, qui déteste l’ingérence politique » , poursuit, hilare, cet agent.

Des photos montrant le ministre et Toni, en train de signer son contrat, dans la chambre d’hôtel du Portugais au Hilton de Yaoundé, ont aussi beaucoup fait parler, ce dernier ayant reçu Mouelle Kombi en babouches… Parmi les noms qui circulaient pour succéder au duo Seedorf-Kluivert, on retrouvait ceux d’Antoine Kombouaré, Gustavo Poyet, et de plusieurs Camerounais, dont Patrick Mboma, Rigobert Song, Jean-Paul Akono et François Omam-Biyik, lequel a été bombardé, avec Jacques Songo’o, adjoint du lusitanien. « Au pays, beaucoup souhaitaient la nomination d’un Camerounais, car ils estimaient que c’était le moment » , reprend Kana-Biyik.

Quand Toni remercie Biya

Plusieurs hypothèses fleurissent depuis près d’une semaine, dont celle d’une instruction venue directement du Palais Présidentiel, où ce bon vieux Paul Biya, quand il ne s’occupe pas personnellement du sort de ses opposants, trouve toujours le temps de mettre son nez dans les affaires du football. Le chef de l’État, confronté à une grave crise politique, notamment dans la partie anglophone du pays, aurait conseillé à son ministre des Sports de choisir un étranger. « Oui, j’en ai aussi entendu parler. Choisir un local, dans le contexte actuel, aurait été risqué. Mais on dit beaucoup de choses au Cameroun » , poursuit Kana-Biyik. Lors de son premier rendez-vous médiatique et dans un français très hésitant, l’ex coach du CFR Cluj a produit son petit effet en « remerciant Paul Biya de lui offrir la possibilité de venir travailler au Cameroun » , une déclaration qui un peu plus renforcée les convictions de ceux qui voient derrière cette opération l’influence des plus hauts sommets de l’État.

Il y aussi l’hypothèse d’éloigner le plus possible Samuel Eto’o du processus de nomination. « Cela me semble assez crédible. Eto’o avait joué un rôle lors de la venue de Seedorf. Mais comme Samuel n’a pas de très bonnes relations avec le ministre, celui-ci a tout fait pour le tenir à l’écart. De toute manière, ici, un coup c’est le clan Eto’o qui est influent, un coup c’est le clan Roger Milla. Ce qui est certain, c’est que les supporters de la sélection sont soit surpris, soit en colère » , résume un journaliste camerounais, qui souhaite lui aussi conserver l’anonymat. Le Vieux Lion a d’ailleurs publiquement souhaité la bienvenue à Toni.

Dingomé, blessé, dans la liste pour affronter la Tunisie

De son côté, Patrick Mboma, un temps considéré comme le favori pour succéder à Seedorf, est déjà passé à autre chose. « Que voulez-vous que je vous dise… Plus rien ne me surprend. Maintenant, je souhaite à Toni de réussir, car je reste avant tout supporter des Lions. J’espère qu’il aura des résultats. » Le Portugais dirigera son premier match le 12 octobre prochain en amical, face à la Tunisie à Radès. Le 25 septembre, il divulgué la liste des joueurs retenus pour affronter les Aigles de Carthage. Tristan Dingomé, le milieu de terrain de Reims, y figure pour la première fois. Problème, l’ex Troyen, blessé, est indisponible au moins jusqu’à la fin du mois d’octobre. Le ministre des Sports n’avait sans doute pas eu le temps de le dire à Toni…

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Par Alexis Billebault

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