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Le calvaire des U19 de Pieve di Lota

Par Matthieu Darbas
Le calvaire des U19 de Pieve di Lota

Dans le haut du tableau au moment de voir la Fédération française de football geler toutes les compétitions à la suite de la crise du Covid, les jeunes joueurs de l'ASC Pieve di Lota se sont donné le droit de disputer le championnat des U19 nationaux pour la première fois de leur histoire. Loin d'être préparé à répondre aux exigences sportives et économiques de monde professionnel, le club corse a vécu une saison cauchemardesque. Mais à trop regarder les résultats, on en oublie souvent le principal : le plaisir de jouer.

26 matchs, 26 défaites, 7 buts marqués, 197 encaissés. Avec de tels chiffres, il y a de quoi faire de la saison de l’ASC Pieve di Lota, club situé à quelques kilomètres au nord de Bastia, la pire de l’histoire des U19 nationaux. Mais une fois les résultats mis de côté, il y a deux choses primordiales à savoir sur ce club corse. D’abord qu’on ne prononce pas le « a » à « Lota ». Et ensuite que ces lourdes défaites tout au long de la saison contre plusieurs centres de formation ne sont qu’anecdotiques. Et pour cause : dans la commune de San Martinu di Lota, peuplée d’à peine 3000 âmes, on croit au travail et au plaisir du ballon rond, loin d’un monde qui se veut de plus en plus professionnel.

Dès le début, on savait qu’on allait au casse-pipe.

Saisonniers, magiciens et 15% de possession de balle

12-0 face à Toulouse, 18-0 contre Cannes, 9-0 contre Montpellier… Toute la saison, les week-ends cauchemardesques se sont succédé au nord de l’Île de Beauté. « Au départ, on a été choqués par l’ampleur de ces résultats. Avec les joueurs et les entraîneurs, on s’est tous remis en question. Et une fois qu’on s’est aperçus du gouffre entre nous et les autres équipes, nous avons vite relativisé », confie le président du club Serge Fity. « On savait qu’on allait au casse-pipe, reprend Julien Calendini, entraîneur des U19 nationaux et pensionnaire de Pieve di Lota depuis quinze ans. Dès les premiers entraînements, on voyait que les joueurs n’étaient pas prêts à assumer cette nouvelle exigence. Pour certains, ils avaient seulement connu le niveau 2 régional. Et comme on a perdu beaucoup de joueurs, on s’est retrouvés avec des 2005 dans notre noyau dur. Alors forcément, quand tu es autant surclassé, tu vas dans le mur à coup sûr. » Lucide à l’autre bout du fil, le coach du bon dernier du classement assure aussi avoir vu certaines de ses recrues quitter le bateau en début de saison, réticents à l’idée de faire une heure de route pour se rendre à l’entraînement. Julien n’a pas non plus pu compter sur son groupe, composé d’une bonne partie de saisonniers, pour réaliser une prépa d’envergure.

C’est donc avec des rangs diminués que les Corses ont démarré cet exercice. « L’objectif, c’était de gagner un match et d’aller chercher au moins un nul. On a failli le faire lors de la dernière rencontre face à Istres (1-2) », fixe le président qui avait rassuré son entraîneur dès septembre dernier : « Je leur ai dit que ce ne sont pas des magiciens. Ça, c’est au cinéma, pas dans la réalité. Il ne faut pas se mettre martel en tête et faire en sorte d’aller au bout. » Mais comment faire ? Quelles sont les clés pour garder un groupe motivé et investi ? « Dès le départ, les joueurs ont privilégié le côté plaisir plutôt que celui de la performance. Ils n’étaient même pas les meilleurs au niveau régional, mais ils voulaient juste passer une saison avec leurs potes. C’est un groupe particulier qui a eu le courage de se battre avec ses armes. Et après le coup de sifflet final, ils passaient vite à autre chose. C’est peut-être ça qui les a fait tenir », tente d’expliquer l’entraîneur de 39 ans et professeur d’EPS dans le civil.

Celui-ci a pu compter ensuite sur les valeurs du club pour remobiliser ses troupes au retour des vestiaires, même quand l’addition était déjà très salée (comme en avril dernier et une première période conclue par un 9-0 de l’AS Cannes, NDLR) : « Je leur demande de faire ce qu’ils peuvent et de penser aux dirigeants et à tous les bénévoles qui font le maximum pour qu’ils soient dans de bonnes conditions. De penser à eux, qui se cassent les couilles tous les jours ! » Et pour faire l’avocat du diable, Julien présente ce jour-là six U16 dans son onze pour les récompenser de leur présence à l’entraînement tout au long de la saison. Reste un dernier point à traiter, celui de la tactique. À ce jeu, l’ASC Pieve di Lota avait pour habitude de se regrouper dans ses derniers mètres et de garder un bloc compact. Une tactique défensive poussée à l’extrême. « On ne partait pas à l’abordage. Si on avait 10-15% de possession, c’était déjà beaucoup parce que dès qu’on avait la balle, on la perdait. Il y a même des matchs où on ne tentait même pas une seule fois un tir », assume Julien.

Chez nous, personne n’est indemnisé. On est un petit club de village avec un côté sympathique, familial et humain, loin de « la gagne, la gagne et que la gagne » des pros. C’est avec ça qu’on plaît.

Les résultats qui cachent la forêt

Mais si on s’attarde uniquement sur les résultats, impossible de savoir qu’il y a dix ans, ce petit club comptait seulement 90 licenciés, sans catégorie U18 ni seniors. Comment aussi être tenu au courant de l’incroyable saison des U16, il y a peu, avec autant de matchs que de victoires, une performance toujours inégalée ? « Tout cela est le résultat de nombreuses années de travail. Alors oui, cette année a montré qu’on ne pouvait pas concurrencer les autres clubs à ce niveau, mais on a une très bonne réputation autour de nos catégories jeunes. On arrive à récupérer des profils intéressants venant du Sporting ou des clubs aux alentours qui ont eu des soucis avec les centres de formation », clame Sébastien Lusetti, responsable sportif du club et ancien entraîneur de l’échelon fédéral. En plus d’avoir profité des problèmes économiques des voisins (avec plus de 20 millions d’euros de dettes, le Sporting Club de Bastia n’avait plus les moyens de faire fonctionner son centre de formation, NDLR), ce club si particulier prône des valeurs comme la convivialité pour attirer des joueurs. « Chez nous, personne n’est indemnisé. On est un petit club de village avec un côté sympathique, familial et humain, loin de« la gagne, la gagne et que la gagne »des pros. C’est avec ça qu’on plaît. Par exemple, ça nous est déjà arrivé de faire un barbecue avec le club adverse à la fin d’un match. Nos dirigeants bénévoles s’investissent grandement pour organiser des tournois et trouver des sponsors », lance celui que l’on surnomme « Squillaci » à cause de son prénom.

De ce côté-ci, le club peut compter sur une belle participation de la FFF. « C’est une enveloppe conséquente pour nos déplacements, remercie le président, mais loin d’être suffisante à terme. » La communauté d’agglomérations de Bastia (un groupement de communes) et la collectivité de Corse font le reste du chemin de ce financement multiple. Et même avec toutes ces ficelles, il est très compliqué d’offrir un déplacement digne de l’élite des catégories jeunes au groupe bastiais. « Pour toutes les rencontres sur la côte, les petits se lèvent à 5 heures du matin, puis ils prennent l’avion à 7h, direction Marseille. Et pour finir, ils vont dans le car pour aller au lieu du match. Le match terminé, ils rentrent dans la nuit. Évidemment, on sait qu’il y a un impact sportif », se désole le président. Une différence notable avec les autres écuries du championnat. « Quand on a reçu Monaco (21-0), ils sont venus avec un staff de neuf membres. Ils sont arrivés la veille du match et sont repartis le lendemain. C’est drôle parce que c’est un déplacement qui a dû coûter 7000 ou 8000 euros au club, alors que nous, on fait deux mois avec ce budget. » Malgré tout ça, la grande majorité des joueurs ont assuré au coach que « c’était la plus belle année footballistique de leur vie. Ils ont adoré jouer contre des futurs pros, voyager, voire de belles infrastructures, bref, ils ont eu les étoiles dans les yeux tout au long de la saison. Pour eux, cette année a été un rêve ». Et un retour à la réalité dans la foulée.

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Par Matthieu Darbas

Tous propos recueillis par MD.

Photos : Facebook ASC Pieve di Lota

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