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Le Brian Clough derby
Brian Clough, le meilleur coach anglais de l'histoire, a connu deux amours dans sa vie : Derby County et Nottingham Forest. Ça tombe bien, les deux clubs vont se rentrer dans le lard aujourd'hui dans un derby des Midlands au sein de la deuxième division anglaise. Une opposition qui sent bon le football des années 70, une époque où les deux clubs étaient en haut des charts anglais. Le trait d'union ? Brian Clough. Forcément.
À eux deux, Derby County et Nottingham Forest ont gagné trois championnats d’Angleterre (1972 et 1975 pour Derby, 1978 pour Forest). Brian Clough en a gagné un dans chaque club. Ça vous classe immédiatement le bonhomme. Cet après-midi, entre le Forest de Stuart « Psycho » Pearce et les Rams de Steve McLaren, le Brian Clough Trophy (créé en 2007) sera remis en jeu. Un trophée fictif entre deux clubs proches géographiquement et qui se haïssent depuis plus de cent ans. Le fameux trophée est en possession de Derby depuis mars dernier et un cinglant 5-0 avec un triplé de Craig Bryson à la clé. De quoi poser les bases.
« Bâtards de tricheurs »
Au-delà d’être un vrai derby de deuxième division, ce match représente avant tout un pan de l’histoire du football anglais. Une époque où la Premier League n’existait pas encore, où les joueurs buvaient du whisky à la mi-temps des matchs alors que les coachs portaient des bérets et des pantalons de velours. C’était le football des années 70. Celui de Roy McFarland, Bruce Rioch, Peter Shilton, Viv Anderson, Martin O’Neill et John Robertson. À cette époque, le football anglais était dominé par les joueurs locaux. Anglais, Écossais, Irlandais et Nord-Irlandais faisaient la pluie et le beau temps sur l’île. Aujourd’hui, difficile d’imaginer que ces deux équipes régnaient sur l’Empire britannique. Derby a dégainé le premier à la fin des années 60. 1967 exactement. Brian Clough, jeune entraîneur, débarque à Derby avec son fidèle adjoint Peter Taylor. L’équipe est alors en seconde division et Clough impose déjà sa patte basée avant tout sur l’envie. Il faut dire que le mec est du genre mégalo. Lors de son embauche, il n’avait pas eu peur de balancer à Sam Longson, le président de l’époque, qu’il était fait pour le poste : « À vrai dire, je ne suis pas le meilleur dans ce métier, mais je ne vois personne au-dessus de moi. »
En trois ans, les Rams vont remonter en première division avant d’être sacrés pour la première fois en 1972. L’épopée est tellement folle que le club anglais se hisse même dans le dernier carré de la C1 l’année suivante, où la Juventus de Zoff et Bettega est trop forte pour eux. Une demi-finale à l’arbitrage douteux qui ne passe pas du côté de Clough, ce dernier n’hésite pas à traiter les Juventini de « bâtards de tricheurs » . C’est l’âge doré de Derby County qui sera de nouveau champion d’Angleterre en 1975 sous la houlette de Dave Mackay. Un âge d’or renforcé par le fait que le voisin Forest croupi alors en seconde division. Clough décide de quitter County pour Brighton avant d’atterrir à Leeds – où il ne restera que 44 jours – puis de finalement rebondir à Forest, alors en deuxième division, en janvier 1975. Comme à Derby, l’histoire va se répéter.
Le scalp de l’Ajax
Arrivé à la tête d’un club qui pointe à la 20e place de D2, Clough va en faire une véritable machine de guerre. Un an et demi plus tard, revoilà déjà Forest en première division. Clough n’étant pas venu pour enjamber les flaques d’eau, il promet le titre de champion à ses dirigeants et le fait savoir dans la presse. Douze mois plus tard, Nottingham sort du bois et braque son premier et unique titre de champion d’Angleterre. Clough est un génie et le crie haut et fort : « Je savais que j’étais le meilleur, mais j’aurais dû faire profil bas. De toute façon, les gens auraient bien fini par s’en rendre compte par eux-mêmes… » Comme à Derby, l’ancien milieu de terrain amène un club sans palmarès au sommet du football anglais. Maintenant, il va s’attaquer à l’Europe, là où il avait échoué avec County. Et Nottingham ne fait pas semblant. Premier tour de la C1 1979, Forest hérite du tenant du titre Liverpool. Les Reds passent à la trappe (2-0, 0-0). Incroyable. La suite ? Un boulevard jusqu’à la finale sur lequel Athènes, Zurich et Cologne ne résisteront pas aux Anglais. En finale, c’est Malmö qui craque sur un but de Trevo Francis, acheté un million de livres à Birmingham en février (un record en Angleterre à l’époque). En trois ans, Clough a donc mené Forest sur le toit de l’Europe. Mieux, il va réussir à y rester.
Cette fois, les Anglais ne peuvent plus miser sur l’effet de surprise et Clough devient alors ce qu’il est réellement : un maître tacticien. Il faudra attendre le dernier carré pour s’en rendre compte avec le scalp de l’Ajax Amsterdam sur la cheminée de Clough (2-0, 0-1). En finale, c’est pourtant le Hambourg de Kevin Keegan qui part favori, mais ça n’effraie pas le duo Clough-Taylor. Le fidèle adjoint y va même de son pronostic avant la rencontre. « Si je devais parier, je miserais volontiers de l’argent sur une victoire 1-0 de Forest. » Résultat final : 1-0 pour Forest dans un match sans folie qui fera dire au coach vainqueur que « bien défendre est aussi estimable que bien construire » . Mine de rien, Clough pèse deux C1. Il est au top et va vite redescendre, puisque le club ne connaîtra plus les sommets par la suite.
Quoi qu’il arrive, un match entre Derby County et Nottigham Forest sera toujours à part, à cause de Brian Clough évidemment. Logiquement, quand le génie s’éteint en 2004, c’est à Derby qu’il pousse son dernier souffle. Et dire que pour lui, « devenir entraîneur, ça a été un choix par défaut » . Les deux clubs qui vont s’affronter aujourd’hui en deuxième division ne sont pas de cet avis. Car en Angleterre, ce derby de l’East Midlands, le 94e de l’histoire (Forest mène 37 victoires à 34 depuis leur première confrontation en 1892) aura toujours un parfum d’Europe. À jamais.
Par Mathieu Faure