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Le boulot propre de Bayal Sall
Ancien lofteur indésirable poussé vers la sortie par ses dirigeants, le géant vert Mustapha Bayal Sall est aujourd'hui devenu un cadre indispensable, leader de la défense en l'absence de son capitaine et partenaire de charnière centrale, Loïc Perrin. Une mutation spectaculaire pour un garçon au physique pas banal, dont il se sert volontiers pour faire flipper les attaquants adverses.
« Je ne suis pas quelqu’un de méchant. Parfois, quand les gens me croisent dans la rue, ils pensent que je suis méchant parce que je ne souris pas souvent et que j’ai le visage fermé. Faire le clown, ce n’est pas mon truc. Ce visage fermé, c’est une carapace vers l’extérieur, mais si tu m’approches et que tu parles avec moi, tu verras que je suis un bon communicant, quelqu’un de gentil… Oui, je suis discret, mais c’est simplement dans ma nature. » Dans une interview récente accordée à But ! – ouais, But ! – Mustapha Bayal Sall est revenu sur cette réputation qu’il traîne depuis ses débuts professionnels en France. Celle d’un joueur brutal, misant tout sur son physique, l’archétype même de ce que certains observateurs n’aimeraient plus voir sur un terrain de football, alors que la Ligue 1 cherche depuis quelques années à balayer son image de championnat bourrin où les petits gabarits ne peuvent pas s’exprimer. Alors c’est vrai, le Sénégalais est une impressionnante armoire : 1,91m pour 96 kg de barbaque sur laquelle repose une tête de bad guy digne d’une série B. L’allure du mec froid et distant, à qui on ne donne pas la réplique et dont l’obsession est de faire la peau au gentil héros du film à coups de grosses savates et de coups bas. C’est ainsi, il n’y peut rien. Il a beau multiplier les gestes de fidélité envers le club, ses partenaires et les supporters – « Franchement, des ambiances pareilles, c’est impressionnant. On a cette chance ici d’être poussés par un public exceptionnel (…). Nos supporters, c’est une force. On joue à douze quand ils mettent le feu » , après le match de qualification à la C3 face à Karabükspor -, il gardera auprès d’une majorité des suiveurs de la Ligue 1 cette image de grand méchant qui donne envie de changer de trottoir.
À Zlatan : « I fuck you toi aussi ! »
Ses statistiques ont pourtant aussi de quoi démontrer le contraire : 25 jaunes et 2 rouges – le dernier lors de la saison 2008/2009 – dans le championnat français en 145 matchs disputés, et seulement 3 jaunes en 32 matchs la saison passée. Alors oui, certaines de ses interventions dans les pieds ou dans les airs sont parfois à la limite de la sanction, mais c’est plus en raison d’un déficit technique qu’une volonté de faire mal. Et puis bien sûr, à 28 ans, l’un des joueurs les plus expérimentés de la maison verte finit par savoir jouer sur ses qualités. Il fait peur ? Jouons là-dessus pour mater les adversaires, même les plus coriaces. Dans L’Équipe en août dernier, avant un nouvel affrontement face à Zlatan, un joueur qui lui réussissait plutôt bien, il explique son secret face au géant suédois : « Il parle beaucoup et râle tout le temps pour pousser ses partenaires. Et quand il parle à un adversaire, ce n’est pas gentiment… La première fois que je l’ai affronté, il m’a insulté en anglais. Alors, je lui ai répété la même chose : « I fuck you toi aussi. » » La dernière confrontation en date au Parc des Princes s’est, cette fois, soldée par un cuisant échec, avec une victoire 5-0 des Parisiens face à des Stéphanois lessivés et dépassés.
Réminiscence de Mettomo
Bayal Sall, d’ordinaire parmi les meilleurs lors de ces grands rendez-vous, s’est manqué, orphelin qu’il était de son grand compère de la défense, Loïc Perrin, blessé quelques jours plus tôt en Ligue Europa. Depuis, « Mus » s’est mué en leader de la défense par intérim et assure le travail en compagnie de Florentin Pogba. Mais c’est bien avec Perrin que l’entente reste la plus accomplie. Gros récupérateur même si limité dans la relance et le jeu long, Bayal Sall est une réminiscence de Lucien Mettomo, époque Wallemme, Potillon, Kvarme et maillot Dreamcast. Un indispensable artisan de la réussite des Verts l’an passé, parvenu à reléguer le grand espoir Kurt Zouma sur le banc, à la régulière. Cette saison, il est le seul joueur de champ à avoir disputé tous les matchs de L1 de l’équipe dans leur intégralité. Clairement, Bayal Sall est un cadre. Il revient pourtant de très loin. Arrivé dans le Forez en 2006 sur les conseils du sélectionneur du Sénégal de l’époque, Henry Kasperczak, la jeune recrue effectue d’excellents débuts, tant et si bien que l’ASSE s’enflamme un peu et lui offre un généreux contrat en forme de boulet. Une bonne excuse pour le mettre sur la touche lors de la saison 2011/2012, après un gros coup de moins bien. Lofteur du club en compagnie de Boubacar Sanogo et Sylvain Monsoreau, il paraît alors clair que son avenir n’est plus chez les Verts. Mais à l’époque, personne ne veut récupérer le joueur, hormis Nancy, pour un prêt non concluant. À l’été 2012, les dirigeants, le joueur et son agent parviennent en 48 heures à régler un conflit larvé depuis un an : contre une forte diminution de salaire, Bayal Sall prolonge et réintègre le groupe pro. Galtier redécouvre alors un défenseur précieux, investi, motivé, revanchard, qui va vite saisir l’occasion de retrouver une place de titulaire qu’il n’a plus lâchée depuis, au point de prolonger de nouveau son contrat il y a quelques mois. Mustpaha Bayal Sall est désormais lié avec les Verts jusqu’en juin 2017. Il reste donc encore largement le temps pour redécouvrir un défenseur assurément sous-coté de notre championnat.
Par Régis Delanoë