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Le Bomber d’Everton
Alors que Liverpool reçoit Everton samedi pour un derby qui s'annonce brûlant, les Toffees ont une nouvelle fois reçu cette semaine le soutien particulier de Tony Bellew. Voilà comment le champion du monde poids lourds-légers est devenu une gueule de Goodison Park.
À cet instant, il se repasse les bandes. « Sers-toi de ta douleur. De la souffrance, des fils à la patte. Mets-les dans tes poings, et passe-lui au travers. Il va tomber. » Onzième round dans la cocotte minute. Moins de quatre mois plus tôt, David Haye a fait une promesse à Tony Bellew : « Bellew, t’es un gland et tu vas finir K.O. » Un autre scénario était-il possible ? Impossible, Haye, l’ancien champion du monde WBA des lourds, allait marcher sur le fat Scouser, champion WBC des mi-lourds. Ce combat n’est qu’une question d’honneur, mais les deux hommes devaient s’expliquer. Le lieu ? L’O2 Arena de Londres. Et l’histoire. David Haye a déjà mangé deux fois le tapis, sa jambe est raide, son regard perdu. Ses réponses ne sont que des réflexes, son corps, lui, n’est qu’un défouloir. Tony Bellew regarde sa main droite. « Elle fait la taille d’une petite boule de bowling » , expliquera-t-il quelques heures plus tard. En réalité, elle est cassée depuis le deuxième round, mais peu importe, il sait qu’il faut oublier la souffrance pour jouer avec.
Puis, Shane McGuigan jette l’éponge. David Haye vient de passer une nouvelle fois à travers les cordes. De l’autre côté du ring, Bellew ne veut pas exploser. Il écarte ses entraîneurs, l’arbitre et file voir sa victime. Plusieurs fois au cours du combat, il lui a proposé d’arrêter le combat, mais Haye a refusé. Le reste n’est qu’une histoire de larmes. Tony Bellew vient de vaincre son propre corps et de faire exploser le volcan londonien, comme pour s’autoriser maintenant à retourner auprès de Rachael Roberts, sa compagne de toujours. « J’ai réussi à prouver à mes détracteurs qu’ils avaient tort, mais je ne peux pas continuer à infliger ça à mon corps » , lâche-t-il à trente-quatre ans, le regard baissé vers l’écusson placé au centre de son short. Une tour, la Prince Rupert’s Tower, deux couronnes de laurier et une devise : Nil Satis Nisi Optimum ( « Rien n’est satisfaisant si ce n’est l’excellence » ). On ne reverra probablement plus jamais Tony Bellew sur un ring. Alors, il restera les chiffres : trente-deux combats professionnels, vingt-neuf victoires, un nul et deux défaites. Brut.
« Je suis né avec cette passion et je vais crever avec »
Voilà comment au fil des années Tony Bellew est devenu une gueule de Liverpool et même un peu plus que ça. Tout simplement car le boxeur anglais est un repère, une icône et une personnalité qui dégueule plus loin que sur un simple ring. Le mythe s’est fabriqué en plusieurs étapes, mais tire avant tout sa genèse en un lieu de culte : Goodison Park. Quatre murs où Bellew a tué la majorité de ses week-ends et continue de le faire, quatre murs où Bellew a également soulevé sa ceinture de champion du monde des poids lourds-légers en écrasant Ilunga Makabu le 29 mai 2016. Simple, à Goodison Park, Tony Bellew est un dieu, au point de parfois débarquer en hélicoptère. L’homme est comme ça : imprévisible, mais passionné. Ce qu’il aime par-dessus tout, c’est son club de foot : l’Everton F.C. Cela a toujours été comme ça et celui qui a affiché sa gueule dans le récent spin-off de Rocky, Creed, ne changera pas. Voilà ce qu’il expliquait dans les colonnes du Liverpool Echo il y a quelques années : « Je suis né avec cette passion et je vais crever avec. Mon club est plus fort que tout, il me stresse plus que le moindre de mes combats. » Au point de recevoir depuis le début de sa carrière le soutien de tous les joueurs, anciens et actuels, du club, que ce soit Wayne Rooney, Tim Cahill ou Ross Barkley aujourd’hui. Mais aussi, celui de Jamie Carragher, historique de l’ennemi qui était pourtant fan d’Everton étant gosse, avec qui Bellew a effectué plusieurs séances spécifiques au cours de sa carrière.
L’homme est devenu central dans la vie des Toffees. Il suffit de regarder son short, ses tatouages ou même simplement de connaître l’air de Z-Cars sur lequel il entrait systématiquement en combat, comme les joueurs à Goodison Park. Aujourd’hui, Bellew est même devenu un soutien mental aux joueurs de Ronald Koeman comme lorsqu’il a été invité cette semaine à discuter avec certains membres des Toffees à quelques jours d’un derby bouillant qui aura lieu samedi à Anfield face à l’ennemi : le Liverpool FC. Ses mots ? « Il faut aborder ce match comme j’ai abordé mon combat contre David Haye. C’est peut-être l’année des perdants. » Le tableau du week-end est simple à Liverpool, et rarement un derby n’aura autant senti la poudre que cette année, tant les deux institutions sont proches actuellement. Reste le passé. Everton ne s’est plus imposé à Anfield depuis septembre 1999. « J’y étais, racontait Tony Bellew cette semaine. C’est le pire déplacement de la saison, on le sait. On ne ramène jamais rien de là-bas et la chance ne tourne jamais en notre faveur. Sauf que cette fois, on peut les regarder dans les yeux et faire quelque chose. J’en suis persuadé. » Il suffit d’oublier la souffrance pour espérer. Bellew, lui, a décidé pour cette fois de se la jouer autrement. « Je ne suis pas croyant, mais après avoir autant souffert face à Liverpool, je vais essayer de prier. Qui sait, ça peut marcher. »
Par Maxime Brigand