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Le bilan d’une saison de Ligue 1 plaisante et réussie
La prolongation de Kylian Mbappé au Paris Saint-Germain a volé la vedette à la dernière journée d'une merveilleuse saison de Ligue 1. Si l'attaquant parisien en a été la star absolue, il ne faut pas oublier les autres artistes ni les équipes qui ont contribué au spectacle.
Il n’existait pas de timing parfait, mais l’épilogue du feuilleton consacré à l’avenir de Kylian Mbappé a volé la vedette à une dernière journée de Ligue 1 qui s’annonçait passionnante, et qui l’a été. En officialisant la prolongation de son aventure avec le Paris Saint-Germain près d’une heure avant le coup d’envoi du multiplex dans un Parc des Princes comblé, le champion du monde est définitivement devenu l’attraction d’une soirée rappelant que le foot appartient de plus en plus aux joueurs, ou plutôt aux stars. Le numéro 7 parisien a mérité ce statut après avoir porté un PSG décevant collectivement sur ses épaules en survolant un championnat dont il a terminé meilleur buteur (28 réalisations), meilleur passeur (17 offrandes) et bien sûr meilleur joueur. Mbappé n’est cependant pas l’arbre qui cache une triste forêt, mais plutôt la tête de gondole d’une saison qui n’aura pas seulement été belle grâce à lui.
La prime au spectacle
Ceux qui jugeront la qualité de cette cuvée 2021-2022 en se basant sur le classement et l’écart de points entre le champion et son dauphin marseillais (15) auront tout faux. Personne n’a découvert cette année que le PSG et les autres ne vivaient pas dans le même monde – il suffit de jeter un coup d’œil aux masses salariales -, et qu’un exploit comme celui de Lille la saison dernière n’en appelait pas nécessairement un autre dans la foulée. Cette absence de suspense pour le titre ne doit pas occulter tout le reste, et surtout pas que l’on a assisté à la meilleure saison de Ligue 1 depuis une éternité en matière de jeu et de plaisir. La preuve d’abord par les chiffres avec un total de 1067 buts marqués, le plus élevé depuis l’exercice 1982-1983 (1090 buts) et la troisième fois depuis le début du siècle que la barre des 1000 pions est franchie (1033 en 2017-2018 ; 1049 en 2020-2021). Les mauvaises langues diront que les défenses et les gardiens n’ont pas toujours brillé, les autres répondront que c’est plutôt le fruit d’une évolution philosophique globale salutaire pour notre championnat.
À une époque pas si lointaine, le dimanche soir était un moment presque déprimant, celui de faire le bilan des purges du week-end et de maudire la Ligue 1. Cette saison a bien connu quelques petits creux, mais plus de 48 heures après sa conclusion, il reste surtout cette impression d’avoir assisté à un vrai spectacle avec du beau jeu, des scénarios renversants et des équipes marquantes. Personne n’a réussi à atteindre une moyenne de deux points par match en dehors du PSG (1,87 pour l’OM, 2e), mais ce n’est pas le plus important. Les amateurs de la première division hexagonale ont pris du plaisir ailleurs, dans les matchs, les contenus, les approches. De cette saison, il restera un Stade rennais spectaculaire et record (101 buts toutes compétitions confondues) ; un Olympique de Marseille qui a retrouvé des couleurs et une ferveur ; une AS Monaco moins incontournable, mais quasiment invincible lors des trois derniers mois ; un OGC Nice dont le caractère a offert des retournements de situation dantesques (Angers, Lyon, Saint-Étienne, Reims, etc.) ; un RC Lens et une formation strasbourgeoise dans la peau d’outsiders séduisants et cohérents ; et même un FC Nantes emballant. De la volupté à tous les étages, même en bas, où Clermont et Troyes ont obtenu leur maintien dans l’élite en jouant plutôt qu’en bétonnant, signe d’une évolution des mentalités en France.
Des artistes et des défis
Au sein de ce championnat divertissant où Lyon et Lille, les deux grandes déceptions de la saison, n’ont pas trouvé leur place, il y a aussi eu l’avènement d’esthètes décidés à exister dans l’ombre de Kylian Mbappé. Il est impossible de tous les citer, mais les artistes Dimitri Payet, Lucas Paquetá et Téji Savanier ont eu droit à leurs heures de gloire, notamment en première partie de saison. Seko Fofana a confirmé qu’il n’avait rien à envier au milieu de terrain parisien, Aurélien Tchouaméni aussi. Andy Delort a pris le relais d’Amine Gouiri pour emmener les Aiglons vers l’Europe. Nicolas Pallois a fait taire les quelques moqueries, Wissam Ben Yedder et Martin Terrier ont terrifié les gardiens adverses. La Ligue 1 a également découvert le soyeux Lovro Majer, tout en se délectant des performances de son compère Benjamin Bourigeaud (seul joueur avec Mbappé à avoir réussi un double-double cette saison avec 11 buts et 13 passes décisives). Randal Kolo Muani, Arnaud Kalimuendo, Hugo Ekitike, Franck Honorat ou Adrien Thomasson sont autant de noms faisant saliver les suiveurs de la L1.
Reste maintenant le défi de confirmer cette embellie la saison prochaine, celle devant acter le passage de 20 à 18 équipes avec quatre descentes, ce qui pourrait malheureusement brider les petits. La photographie du paysage actuel incite cependant à l’optimisme, entre les nouveaux revenus apportés par le fonds CVC capital (qui vont de tout de même creuser les inégalités…) et la stabilité espérée chez les locomotives derrière Paris. Si la situation de Christophe Galtier n’est pas claire à Nice et que l’OL et Lille vont devoir opérer d’importants changements pour revenir sur le devant de la scène, l’OM, Rennes, Monaco, Lens, Strasbourg ou encore Nantes vont repartir avec les mêmes entraîneurs la saison prochaine. Le révélateur européen sera également important. Si les clubs français ont connu un automne réjouissant débouchant sur un record de points UEFA (18,416 derrière l’Angleterre et les Pays-Bas), la période hiver-printemps a été moins réjouissante. L’ambition ne doit pas seulement être nationale, mais également continentale sans que tout ne repose sur le PSG. Ce week-end, Vincent Labrune, le président de la LFP, a parlé d’un « changement d’ère » et d’une volonté de « faire de la Ligue 1 un des tops championnats européens ». Pour cela, elle aura besoin de Kylian Mbappé, mais aussi de tous les autres.
Par Clément Gavard