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Le beau Serge
Il court partout, il met des buts, il rigole : Serge Aurier est le nouveau sourire du TFC. Et le sourire n'est pas prêt de se refermer...
Dans un monde rationalisé jusqu’à l’extrême, où la moindre décision politique, professionnelle ou amoureuse découle d’un calcul coûts-avantages, le football n’y échappe pas. Il ne peut pas y échapper. Il en est devenu l’un des produits. L’influence est nord-américaine et les chiffres prennent le pas sur le ressenti, le regard ou l’émotion pour évaluer une performance. Dans ce monde-là, nul doute que Serge Aurier trouvera une place pour s’exprimer. Il a déjà trouvé une place pour exister et se faire un nom. Pourquoi ? Parce qu’il prend un malin plaisir à noircir les feuilles de statistiques de son équipe, le TFC, à chaque sortie. Et fait parler de lui pour ça. Il est aujourd’hui le « défenseur le plus décisif de Ligue 1 » . Le plus décisif ? Drôle de nomination ! Comprenez par là : il est le défenseur qui cumule le plus de buts (3), de passes décisives (5), de centres (124) et de cartons jaunes (8). Un analyste NBA, le nœud papillon bien serré, le ton grave, évoquerait là un « all around player » à l’impact certain sur le flow de son équipe. En janvier, l’Observatoire du football l’a même classé sixième latéral d’Europe derrière Alaba, Rafinha, Dani Alves, Filipe et Kurzawa.
Alain Casanova quitte le monde libéral pour se projeter dans le futur : « Franchement, j’aimerais bien en avoir un clone. » Car Serge Aurier est le joueur de demain et l’avenir du TFC, qui l’a prolongé jusqu’en 2018. Avant d’être celui de la Premier League ? Serge Aurier est un joueur que l’on se dispute aujourd’hui et que l’on se disputera un moment. « On m’a reproché de ne pas l’avoir pris en Espoirs, mais il n’avait pas de passeport français. Il savait que je voulais le prendre. Je ne suis pas l’homme qui délivre des passeports en France et, malheureusement, il est parti. Il a rejoint une sélection nationale de bon niveau, qui lui permet d’aller à la Coupe du monde » , regrette Willy Sagnol, sélectionneur des espoirs, qui l’a vu filer l’année dernière malgré plusieurs appels du pied. Cette sélection, c’est la Côte d’Ivoire, avec laquelle Serge Aurier s’envolera très certainement au Brésil. « Au moment où Willy Sagnol me voulait, j’étais dans une situation un peu compliquée. J’ai fait un choix. Je suis qualifié pour le Mondial brésilien avec mon pays et cela me permettra de disputer une Coupe du monde, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Je suis très content, et aussi très content pour l’équipe de France. Mes deux équipes de cœur iront au Mondial. On ne peut pas rêver mieux » , confesse-t-il.
Jump Around
Serge Aurier a passé sa vie entre Abidjan et Sevran, en Seine-Saint-Denis, où il débarque à l’adolescence pour retrouver son père – employé municipal – et sa mère. Il suit ensuite une progression linéaire : club de Villepinte, équipes de jeunes du RC Lens avec son petit frère Christopher, puis premier contrat pro en 2009 dans le Nord. À 16 ans tout juste. Djamel Femmami, adjoint au maire de Sevran qui s’occupait du club, déclarait à ce moment-là au Parisien : « Il m’a complètement bluffé ! Je n’avais jamais vu un gamin allier aussi facilement des qualités athlétiques et un jeu au-dessus de la moyenne. Il jouait milieu défensif et se mettait même gardien de but quand il fallait sauver des penalties. » Déjà, Serge Aurier était l’homme à tout faire. Cette saison au TFC, où il a signé en janvier 2012, il joue souvent à droite de la défense à trois, parfois latéral. Peu importe le poste, il fait ce qu’il sait faire : jouer les pistons de service, les bull dogs, mettre des coups, courir beaucoup et peser sur les résultats de son équipe. Avec le sourire. Ses buts contre Évian et Marseille ont été marqués sur corner, là où son explosivité et sa rage font toute la différence. « Dans les un-contre-un, il est très performant, il affectionne les duels. Physiquement, il est vraiment fort, techniquement il a envie de progresser » , confirme Alain Casanova.
Dans un club qui a entamé sa mue en laissant partir ses leaders (Étienne Capoue, Moussa Sissoko, Daniel Congré) et quitté le 4-1-4-1 historique pour un 3-5-2 plus ambitieux, Serge Aurier s’éclate. Il est le joueur de cette transition. Ou plutôt il l’a accompagnée. Il a la solidité des générations précédentes et s’épanouit avec son profil de sprinteur dans ce système plus ouvert. Il a même été nommé vice-capitaine. À 21 ans seulement. Aymen Abdennour parti, l’avenir lui appartient dans la défense toulousaine. Après tout, les supporters haut-garonnais n’ont-ils pas choisi récemment Jump Around d’House of Pain pour célébrer les buts de leur équipe au Stadium ? On peut y avoir un hommage indirect au jeu sur ressort de leur nouvelle idole. Là encore, l’influence est nord-américaine….
Par Antoine Mestres