- Ligue Europa – Groupe G – J3 – Standard de Liège/FC Séville
Le bazar au Standard
Performances sportives en berne, entraîneur démissionnaire, supporters en colère, envahissement de terrain et braquage à la kalachnikov : ces jours derniers, le Standard se met (encore) à partir en sucette. Et pour redresser la situation, le controversé président Duchâtelet veut continuer à miser sur la filière… française. Pas forcément la meilleure des stratégies.
L’accalmie à Liège ne dure jamais très longtemps. En l’occurrence, la hache de guerre aura cette fois été enterrée une seule saison, la dernière, l’équipe ayant réussi à obtenir de bons résultats sportifs, du moins au-delà des espérances des supporters (qui n’espéraient rien ou presque, il faut bien le dire…). Retour à l’intersaison 2013 : le président Roland Duchâtelet provoque l’indignation des supporters en décidant de se séparer de l’apprécié entraîneur Mircea Rednic pour le remplacer par l’inconnu et inexpérimenté Guy Luzon. L’Israélien arrive dans un climat de défiance et sous haute tension, mais il réussit contre toute attente une belle première saison régulière, cédant le titre seulement dans le money time face à Anderlecht. Les fans étaient donc calmés, les détracteurs du duo Duchâtelet/Luzon se taisaient, jusqu’à ce début de saison actuelle, où, cette fois-ci, plus rien ne va. Sportivement, les Rouches pointent actuellement à une piteuse onzième place, avec seulement 3 points d’avance sur la zone de relégation. Les mauvaises nouvelles s’accumulent, avec un Mehdi Carcela blessé et une recrue phare, Eyong Enoh, qui a mis longtemps avant de pouvoir jouer (suite à un conflit avec son ancien club, Antalyaspor). Quant aux joueurs en place depuis cet été, ils n’arrivent plus à rien, à l’image du malheureux gardien Eiji Kawashima, qui multiplie les bourdes.
Sièges arrachés et kalachnikov
L’effectif n’est pas bon et rien ne semble avoir été fait pour arranger la situation durant l’intersaison, estime La Famille des Rouches, le principal club des supporters, qui a récemment publié le communiqué suivant : « La façon dont notre dernier mercato a été mené par notre président Roland Duchâtelet nous semble être en parfaite adéquation avec cette nouvelle philosophie instaurée au sein du club : donner la priorité à des recrutements aux coûts financiers limités avec des joueurs en fin de contrat, en prêt ou encore issus de divisions inférieures. » La hache de guerre est donc bel et bien déterrée. Certains supporters en colère, déjà bien remuants lors du dernier déplacement européen à Rotterdam pour y affronter Feyenoord, n’ont pas supporté de voir leur équipe perdre dimanche à Sclessin contre la lanterne rouge Zulte Waregem. La partie a été interrompue au cours de la seconde période, en raison d’une tentative d’envahissement de fans, qui se sont ensuite défoulés sur les sièges du stade. Conséquence : l’entraîneur Guy Luzon a finalement jeté l’éponge en démissionnant. Un choix confirmé par le club, qui aurait déjà prévu de le replacer dans le « réseau Duchâtelet » (le garçon est proprio de six clubs en Europe…). Et comme si ce n’était pas suffisamment le boxon ces temps-ci au Standard, on apprenait lundi matin que trois hommes cagoulés avaient fait main basse sur la caisse du club (le montant n’a pas été dévoilé), menaçant le personnel de la billetterie à la kalachnikov. Bref, c’est dans ce contexte pour le moins orageux que la formation belge va affronter ce soir le FC Séville, avant de se mesurer à Anderlecht dimanche ! Le tout avec un entraîneur intérimaire, l’ancien adjoint Ivan Vukomanović.
Domenech et Baup dans la short list
Pour ce qui est de l’après, Duchâtelet aurait dans l’idée de continuer à creuser la piste du marché français. Pourquoi diable ? Pourquoi, quand l’épineuse question de la succession de Guy Luzon se pose, ce sont les noms de Raymond Domenech, Jean Fernandez et Élie Baup qui reviennent ? Quelle est cette mode de recruter français en Belgique ? Il y a un an et demi déjà, Roland Duchâtelet s’était intéressé au profil de René Girard. Et cet été, le sulfureux président-businessman a recruté pas moins de cinq joueurs venus tout droit de France : Ricardo Faty (Ajaccio), Jeff Louis (Nancy), Adrien Trebel (Nantes), Sylvio Ouassiero (Auxerre) et Damien Dussaut (Valenciennes). Cinq joueurs venus renforcer un effectif déjà pléthorique avec pas moins de 50 joueurs sous contrat. Pour la première fois en 20 ans, le nom d’Éric Gerets ne se pose même plus réellement en successeur crédible à Guy Luzon. Parce que cette fois-ci, personne ne croit l’enfant de la maison assez stupide pour accepter de venir y gâcher sa fin de carrière. Comme tout le monde en Belgique, Gerets connaît la situation sportive catastrophique du club. En France, la donne est un peu différente.
Un navire à la dérive
Roland Duchâtelet le sait et en profite. Personne ne sait en France que si la masse salariale du club est en augmentation constante – de 17 à 24 millions en trois ans – depuis l’arrivée du chef d’entreprise capricieux, cela n’a pas empêché « la Duch » de se verser un dividende de 20 millions d’euros en 2012. Un retour sur investissement logique pour lui, une décision indigne pour les supporters. Un geste qui résume à lui seul la politique d’un homme qui veut faire de l’argent et vite. Et il ne s’en cache d’ailleurs pas. Aujourd’hui, la cellule du département commercial compte six personnes, mais le club évolue sans directeur général depuis plus de deux ans, sans directeur sportif depuis juin dernier. Une manière comme une autre d’afficher ses priorités. Sportivement grillé en Belgique, le Standard n’attire plus personne. Steven Defour aurait sans doute préféré y revenir, plutôt que de signer chez l’ennemi anderlechtois, mais la question ne s’est même pas posée dans la tête de l’ancien capitaine liégeois. Parce le Standard de Duchâtelet est un navire à la dérive. Duchâtelet, roi du cynisme, grand spécialiste du scandale, amoureux du contre-pied, a toujours aimé voyager seul. Comme en décembre 2012 quand, convaincu qu’un championnat belgo-néerlandais serait plus rentable, il menaçait de quitter le championnat belge pour rejoindre la Ligue 1 si son projet ne voyait pas le jour. Le projet n’a pas éclos et Duchâtelet est toujours en Belgique. Mais tout cela pourrait bien ne plus durer très longtemps.
Par Régis Delanoë et Martin Grimberghs