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Le Bayern, un champion sans saveur ?
En allant gagner à Brême dans la douleur, le Bayern Munich a validé le 30e titre de champion de son histoire, à deux journées de la fin du championnat, et ce, alors que la concurrence semblait plus féroce que jamais, depuis que le Rekordmeister a entamé sa série de sept titres consécutifs. Et cela ne semble pas du tout près de changer.
« De manière générale, on est moins euphorique quand on gagne sans arrêt. Avec le Borussia Dortmund, si on devenait champion sept fois d’affilée, la septième célébration serait forcément moins palpitante que la première. » Manque de pot pour Mats Hummels, trois mois après avoir prononcé ces mots dans les colonnes du magazine 11 Freunde, il faudra attendre encore un an (au moins) pour espérer ne serait-ce qu’enclencher cette série impossible. Impossible ? Pas pour le Bayern. Un seul petit caramel signé Robert Lewandowski, son trentième cette saison, face à Brême, le Rekordmeister n’a pas eu besoin de plus pour valider la trentième gravure de son blase sur le bouclier des champions, la huitième d’affilée. Et ce, alors que l’exercice 2019-2020 semblait être l’occasion rêvée d’enfin exfiltrer le Meisterschale de la verdoyante Bavière. Hélas pour la concurrence, ni la crise interne en début de championnat, résolue par un changement d’entraîneur au mois de novembre, ni la pandémie covidienne ne sont parvenues à faire trembler les murs de la Säbener Straße, laquelle peut s’enorgueillir, une fois de plus, d’être la rue la plus couronnée de succès dans toute la Bundesrepublik.
Masque ta joie
Ceci dit, la célébration risque d’être un peu particulière du côté de la capitale bavaroise. Huis clos oblige, les joueurs pourraient commencer par être titrés au milieu du néant et nul n’a envie de revivre le moment excessivement gênant du couronnement du RB Salzbourg après sa victoire en Coupe d’Autriche. Reste la Marienplatz, en plein centre-ville, où les Munichois ont l’habitude de fêter leurs héros, mais au vu des dispositions post-confinement, là encore, il y a fort à parier que les célébrations risquent d’être assez tièdes. Bref, ce trentième titre, pourtant hautement symbolique, laissera un goût amer, tant dans l’histoire du club qu’aux concurrents du Bayern qui, cette saison, n’ont jamais été aussi nombreux (quatre leaders depuis le début du championnat, du jamais-vu depuis le début de la série). Et pourtant, contre vents et marées, le Rekordmeister est venu rappeler avec autorité à tout le monde qu’il n’a pas hérité de ce surnom par hasard.
Auprès du Deichstube, un portail consacré au Werder Brême, Ailton déclarait récemment que « le Bayern, c’est comme jouer au loto : la plupart du temps, tu ne gagnes rien. » En effet, cette année, Dortmund, le RB Leipzig, Mönchengladbach et Leverkusen, un temps (naïvement) optimistes quant à leurs chances de remporter le titre, se sont cassé les dents un à un. Surtout les taureaux saxons qui, après avoir été sacrés champions d’automne, ont sérieusement imaginé pouvoir décrocher la timbale. Et plus particulièrement quand, un mois plus tôt, le Bayern se retrouvait dans la tourmente après le licenciement sans préavis de Niko Kovač, à la suite de la plus grosse défaite concédée par les Munichois depuis onze ans (5-1 contre l’Eintracht).
Try again
Depuis le parachutage express de Hansi Flick sur le banc de l’Allianz Arena, force est de constater que la tempête s’est calmée petit à petit et que les Bavarois ont su remonter à bord du wagon de la première place (récupérée tranquillou le 9 février dernier et jamais abandonnée depuis). Le tout en remettant aux commandes le taulier Thomas Müller et en prolongeant Manuel Neuer au bout du suspense, preuve s’il en est que la révolution copernicienne tant attendue n’est toujours pas près d’avoir lieu. À la place, le Bayern opère sa mue petit à petit, sans jamais se défaire de son arme principale : un mental à toute épreuve. « D’un point de vue sportif, c’est très excitant d’avoir la pression de se dire que la deuxième place n’est pas acceptable, rembobine Mats Hummels en écho à ses années chez le rival. C’est cela qui a conduit le Bayern à devenir champion pour la septième fois d’affilée (la saison dernière, N.D.L.R.), alors que nous comptions jusqu’à neuf points de retard. À aucun moment quelqu’un ne s’est dit : cette saison, on ne le fera pas. »
Là où d’autres championnats majeurs européens (Angleterre et Italie pour ne citer qu’eux) espèrent encore un champion-surprise en guise de happy end, l’Allemagne s’est déjà décommandée de la petite fête. Il aura suffi d’un coup dur comme le limogeage d’un entraîneur tombé en disgrâce pour que le vieux diesel se transforme tout d’un coup en Formule 1. Et tant pis si l’arrêt aux stands du Covid-19 a fait patienter les monoplaces pendant deux mois dans leurs starting-blocks, cela n’a pas empêché le redémarrage d’être canon : sept matchs, sept victoires, vingt buts marqués contre seulement six encaissés, le vieux lion rugit encore. Et quand les autres poissons de cette petite mare qu’est la Bundesliga commencent à chanceler, le Bayern, lui, trouve toujours le moyen de prendre l’ascendant : qu’importe la manière, seul compte le résultat. Et personne ne pouvait dire qu’il n’avait pas été prévenu : cela fait désormais huit ans que ça dure.
Par Julien Duez