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Le Bayern, jamais aussi fort ?
En comparant le Bayern à du « jazz », Xabi Alonso a parfaitement résumé l'état du Bayern actuel. Une machine soyeuse et puissante, mais aussi imprévisible. Et si Pep Guardiola était en train de réussir son pari ?
Lorsque Guardiola est arrivé au Bayern, le challenge ne paraissait pas des plus difficiles. Le Catalan récupérait une équipe performante, huilée, sacrée en Bundesliga dès le 6 avril, ayant écrasé le maître-étalon blaugrana en demi-finale de Ligue des champions avant de mater les outrecuidants Schwarzgelben du BVB. En plus, Mario Götze changeait de camp et il avait le droit de ramener son chouchou Thiago. La seule question était de savoir dans quelle mesure allait-il implanter ses principes de jeu. Il faut dire qu’on a eu très peur. Malgré un statut de rouleau compresseur incontestable en Buli, marquant plus et encaissant moins, le Bayern était devenu pénible à regarder, manquant d’idées par moment, s’en sortant avec des exploits individuels ou en retombant sur des schémas heynckesiens.
Pire, il était aussi devenu prévisible, souffrant des mêmes maux que la précédente création guardiolesque, la contre-attaque, comme l’a prouvé un Real un peu trop foudroyant fin avril. L’été venu, Pep n’a rien changé et a perduré dans son idée : adieu la tête de Mandžukić, bonjour les pieds de Lewandowski, expérimentation continue autour de la défense à trois, Alaba nouveau laboratoire tactique. Et à l’orée de la nouvelle saison, celle de la confirmation, cela ressemblait à un beau bordel. Surtout avec la défaite en Supercoupe d’Allemagne face au BVB, et des internationaux allemands pas forcément fringants.
« Je déteste le tiki-taka »
« Nous ne sommes pas dans une situation optimale, concédait d’ailleurs Guardiola. Donc nous devons trouver une autre solution. Cette solution s’appelle courir. Et jouer simple. Et courir, courir. Les deux prochains mois vont être dangereux et très compliqués. Mais si nous arrivons à gérer ça d’ici la trêve hivernale, alors ça devrait aller. » Jouer simple et courir ? Bah oui. Parce que, contrairement aux idées reçues, Pep n’a pas « révolutionné » le Bayern. Van Gaal avait déjà importé le concept de possession, et le système d’Heynckes n’en était que la continuité. Pep a certes rendu le jeu bavarois moins direct, mais il n’a pas instauré de force le tiki-taka. Une idée dont il ne serait pas forcément fan, si l’on en croit le livre Pep Confidential de Marti Perarnau, sur les coulisses de sa première année en Allemagne.
« Toutes ces passes juste pour le plaisir, tout ce tiki-taka, ça me fait rire. C’est n’importe quoi et ça n’a aucun but. Vous devez passer le ballon avec une intention nette, dans le but de viser le but adverse, et non passer pour le plaisir de le faire. » Avant de compléter son analyse devant ses propres joueurs : « Je déteste le tiki-taka. […] Le Barça n’a jamais fait de tiki-taka. Les gens ont inventé cela. N’en croyez pas un mot. Dans tous les sports d’équipe, le secret est de surcharger un côté du terrain pour que l’adversaire soit dans l’obligation de basculer sa propre défense pour faire face. Vous surchargez sur un côté et vous les attirez là afin qu’ils laissent l’autre côté vulnérable. Et quand cela est fait, nous attaquons et marquons de ce côté. C’est pourquoi vous devez passer le ballon, mais seulement si vous le faites avec une intention nette. »
Sophisticated Lady
Après la démonstration réalisée samedi contre le Werder, le Bayern trône tranquillement en tête de Bundesliga avec 20 points en 8 matchs, avec un bilan de 21 buts pour, et 2 contre. Surtout, les joueurs semblent avoir parfaitement compris où il voulait en venir. Dans un schéma à géométrie variable, asymétrique, Alaba oscille entre latéral et numéro 10. Un poste déjà inventé par et pour Lahm, qu’il commence à maîtriser à la perfection, preuve en est son premier doublé. Götze, autrefois perdu lorsqu’il fallait remplacer Ribéry, est le meilleur buteur de Bundesliga, dans un rôle proche du sien au BVB.
Et Robben s’éclate en soliste, avec deux joueurs derrière lui pour boucler son couloir. Si la formation de base ressemble à un 4-3-3, l’animation est totalement fluide. Presque du Total Football. « La construction du jeu est très différente [ici], commentait d’ailleurs dimanche Xabi Alonso. Au Real, tout est plus rapide, plus direct… Le Bayern est plus comme du jazz, alors que le Real est plus comme du rock’n’roll. » Finalement, le Bayern de Guardiola a toujours été conçu pour un chef d’orchestre. Cela devait être Thiago, qui s’est encore blessé. C’est finalement un autre milieu espagnol, impérial avec sa barbe et son numéro 3, qui endosse la tenue de maestro. Le Barça n’était peut-être qu’un prototype, et le Bayern un aboutissement. Si c’est le cas, ça promet.
Par Charles Alf Lafon