Le Barça rumine Kazan ?

Voici le scénario rêvé par l’UEFA de Michel Platini, “Grand Protecteur des Petits Clubs de l’Europe d’en Bas”, surtout s’ils viennent de l’Est. Bon OK, Rubin Kazan est un club pas vraiment pauvre et c’est le champion de Russie 2008, donc pas un “petit” championnat. Sauf que Kazan n’a pas le prestige des clubs des villes des Tsars (St-Petersbourg et Moscou), donc ça fait quand même “Europe d’en bas”. Stop-là ! Retour sur le joli scénario… Barça-Rubin. On joue la 15ème minute. Coup franc pour Kazan à 25 mètres des buts de Valdès (Piqué a bousculé Ryazantsev, le remuant milieu dribbleur). L’attaquant argentin Dominguez place une mine du droit en pleine lucarne : 1-0 et surprise au Nou Camp. Quelques Culés applaudissent sportivement. Dix minutes plus tard, longue balle du stoppeur Sharonov vers l’attaquant Boukharov qui dévie aux 25 mètres sur Dominguez. L’Argentin prend de vitesse Keita, élimine dans sa course Alves et Marquez et s’en va fusiller du gauche ce pauvre Valdès : 2-0 et stupeur au Nou Camp ! Guardiola se lève de son banc pour aller réveiller son équipe. Et puis après, tout rendre dans l’ordre : Messi réduit le score juste avant la mi-temps et conforte son Ballon d’Or (43ème), Ibra plante un doublé en 3 minutes (56 et 58ème) puis sort sous les applaudissements, remplacé par Bojan qui arrondit la facture à 4-2. A la fin, les joueurs échangent leurs maillots en se congratulant pendant qu’en tribune d’honneur, les officiels de l’UEFA et Joan Laporta rendent hommage à cette « séduisante équipe de Kazan » . De la jolie beauté. Du foot universel, avec les “ré-émergeants” de l’Est qui se font gentiment taper par les “ténors” de l’Occident, mais dans la beauté universelle du sport, avec beaucoup de joie universelle et de sportivité universelle.

Dans la vérité vraie, on imagine plutôt le Barça gagner 5-1, ce soir, histoire de sécuriser sa place de leader dans ce Groupe F où l’Inter accueille le Dynamo Kiev. Parce qu’a priori, y’a pas photo entre les deux équipes. Bon, Kazan c’est quoi, c’est où ? C’est la capitale du Tatarstan, à 800 km de Moscou. Le Rubin Kazan a été champion de Russie en 2008 grâce à son talent collectif mais aussi selon les mauvaises langues grâce à des « résultats très favorables » à l’extérieur, face à des petites équipes locales parfois un peu “amorphes”. Quoi ?… Des magouilles ??? « Mensonges et calomnies ! » , avait rétorqué le président du Rubin, Alexander Gusev, un ancien du KGB, député de l’assemblée de l’État du Tatarstan et membre du Présidium et vice-président de cet État. L’année dernière, l’ancien directeur sportif du club, Rustem Saymanov, avait été arrêté avec trois accusations de meurtre sur le râble. Heureusement, il a pu compter sur un témoin de moralité hors pair, Maxime Lopukhov, actuel press-relation du Rubin Kazan : « Rustem Saymanov ne donne en aucun cas l’impression d’une personne liée au grand banditisme » . Et toc dans les dents à tous ceux qui assimilent toujours foot, banditisme et corruption en ex-URSS ! Et puis l’entraîneur de Kazan, Gurban Berdiyev, est un musulman pratiquant. Il ponctue souvent ses phrases de sonores “Allah Akbar !”. D’ailleurs, une fois le titre de champion acquis en 2008, il est allé en pèlerinage à la Mecque, remercier le Très Haut… Vous le verrez ce soir, serrant dans ses mains un livre sacré, tout en égrenant nerveusement un long chapelet.

Bon, faut quand même prendre les Rubinovitchs au sérieux. Kazan est en course pour un fameux doublé, vu qu’ils sont en tête du championnat russe à 5 journées de la fin, devançant d’un point les Spartakistes de Moscou. Une affaire qui dure, donc. Sinon, Kazan joue dans un 4-5-1 en apparence très compact, défensivement rugueux (limite agressif) et porté sur le contre. Compact en apparence parce que le secteur défensif est très friable. Il a tendance à se désagréger sur la distance en provoquant des incroyables absences au marquage. Des erreurs de bizuts débarquant en C1 et qui ont régalé les attaquants du Dynamo Kiev (vainqueur 3-1 en Ukraine) et amusé ceux de l’Inter (1-1 au Tatarstan). Le Barça devrait pouvoir se goinfrer ce soir… Ceci dit, Kazan a quelques atouts, entrevus contre l’Inter avec lequel ils ont fait jeu égal. L’atout N°1, c’est l’attaquant argentin Alejandro Dominguez, auteur des deux buts contre Kiev et Milan, en C1. Bon des deux pieds, superbe tireur de coups francs (but contre le Dynamo), il punit les défenses qui sous-estiment son équipe. Dominguez (28 ans) joue un peu en 9 et demi derrière le très bon attaquant de pointe Boukharov. En milieu, notre pote Sergueï de l’Euro 2008 ! Sergueï Semak, passé au PSG, est le capitaine et plaque tournante du Kazan. Pas besoin d’insister sur son talent mais juste préciser qu’il est quasiment l’unique joueur du Kazan à jouer en sélection où il n’est plus titulaire à 100 % (contre l’Allemagne, il est entré comme remplaçant). Ce qui relativise la valeur du Rubin Kazan. Ajoutons aussi le milieu technique et bon dribbleur Ryazantsev et le libéro espagnol Cesar Navas, qui monte souvent placer sa tête, et pas que sur les coups de pied arrêtés, attention ! Gaffe aussi aux longs ballons sur Dominguez et Boukharov, avec appui sur Semak : ça va vite et ça peut faire mouche…

Voilà. En principe Barcelone devrait s’imposer, à condition de respecter les Tatars. L’UEFA souhaite un beau 4-2 pour le Barça. L’UEFA souhaite que le Barça finisse premier de la poule devant l’Inter et devant le Dynamo Kiev, reversé en Europa League. L’UEFA souhaite enfin que Kazan finisse bon dernier du groupe, faut pas déconner, hein ! Quant à Alejandro Dominguez, il se retrouvera la saison prochaine à l’Atletico Madrid, à Getafe, à Catane, à Palerme, à Portsmouth ou au FC Rostov (Russie). L’Europe est tellement grande…

Les équipes probables :

FC BARCELONE : Valdés – Alves, Marquez, Piqué, Maxwell – Yaya Touré, Keita, Xavi – Messi, Ibrahimovic, Iniesta

RUBIN KAZAN : Ryzhikov – Kaleshin, Navas, Sharonov, Salukvadze (ou Ansaldi) – Ryazantsev, Noboa (ou Kasaev), Semak, Karadeniz, Dominguez – Bukharov