- PAYS-BAS
- EREDIVISIE
- 30E JOURNÉE
- PSV/AJAX AMSTERDAM (2-3)
Le barbecue très réussi de l’Ajax
Quasi sacre de l’Ajax, vainqueur hier à Eindhoven du clash au sommet contre le PSV. Après les chevauchées printanières victorieuses de 2011 et 2012, les Ajacides ont encore remis le couvert cette saison. Après le « Fergie Time » de Sir Alex, le « Franky Time » de De Boer ?
C’est fou ce qu’un rayon de soleil peut inspirer de jolies chansons. « Always the sun » (Stranglers), « Waiting for the sun » (Doors), « Sunny afternoon » (Kinks), « Here comes the sun » (Beatles), « Lazy Sunday afternoon » (Small Faces), « Who loves the sun » (Velvet), « Sunshine of your love » (Cream), « Sun is not Moon » (Franck Annese & his Voitures)… Hier, au Philips Stadion de Eindhoven, c’est sous un soleil radieux que l’Ajax est allé sans doute porter le KO final à une Eredivise assez arrangeante. Prenez ses concurrents les plus dangereux. Samedi soir, Vitesse Arnhem a été assez ballot pour se faire remonter par Roda à la 95e (3-3). Dimanche après-midi, Feyenoord a fait la sieste à Walwijk : un 1-1 consternant qui a rassis ce pauvre Ronald Koeman, façon paralytique ayant perdu aussi l’usage de la parole… La voie était dégagée pour Amsterdam avant même de disputer le dernier match de cette 30e journée à Eindhoven (16h30). Et là, tout s’est très bien passé pour les Ajacides… PSV, 100 ans de solitude…
Un PSV qui doute, c’était déjà la promesse d’un match facile à négocier. C’était le cas avec un Van Bommel qui a failli, incapable d’envoyer du jeu et de guider moralement son équipe comme il avait su si bien le faire pendant les trois premiers quarts du championnat. Les deux autres maillons du milieu à trois ont connu aussi un rendement contrasté : Toivonen en faux 10, nerveux et fantomatique, a bien été mis sous l’éteignoir par Poulsen, délégué spécialement par Frank de Boer pour cette tâche. Quant à Strootman, auteur d’un match correct mais sans plus, il a eu le mérite de presser Eriksen et de faire la passe décisive à Lens sur l’égalisation juste avant la mi-temps (1-1). Or, avec un milieu défaillant, le PSV n’est plus le PSV : en temps normal, c’est son milieu mastoc qui lamine l’adversaire au point de le faire craquer dans le dernier quart d’heure où Eindhoven corse souvent l’addition. Dommage parce que devant, le retour de Mertens, après deux matchs de suspension, et les raids de Lens ont maintenu jusqu’au bout une menace dans l’arrière-garde d’Amsterdam.
Pour faire bonne mesure, il fallait aussi une belle cagade défensive pour plomber les Rood Witten (Rouge et Blanc du PSV) : à 2-2, une balle en profondeur plein axe à 30 mètres de la cage d’Eindhoven était mal négociée par Pieters et son gardien Waterman. Une incompréhension clownesque qui permit à Boerrigter de sceller l’issue de la rencontre et (peut-être) du championnat (2-3, 77ème). Un but consternant qui rassit ce pauvre Dick Advocaat, façon paralytique ayant perdu aussi l’usage de la parole : c’était quasi plié pour le titre… Avec 66 points, l’Ajax faisait un trou de 6 unités sur son hôte. Un retard devenu rédhibitoire. Les célébrations du centenaire du PSV cet été auront un goût de merguez noyées sous la pluie. Eriksen again !
L’Ajax a parfaitement joué le coup. Sa maîtrise collective tactique a contenu un adversaire volontaire et physique mais trop timoré. L’Ajax a frappé quand il le voulait, là où il le voulait. Les Ajacides ont marqué exactement aux moments clefs : en ouvrant la marque par Sightorsson (1-0, 33e), en reprenant l’avantage par Eriksen (2-1, 52e) et en pliant l’affaire par Boerrigter (3-2, 77e). Grand bonhomme de la rencontre, le Danois Christian Eriksen, dont la cote ne cesse de monter : après son but magnifique dimanche dernier contre Heracles, il a récidivé hier en bout de course folle sur un stop-and-go brutal et inouï (un petit arrêt sur place avant de frapper instantanément à ras du poteau). C’est lui aussi qui est à l’origine du premier but sur un mouvement côté droit et enfin lui encore qui lance Boerrigter sur le troisième but ajacide. Tout ça sent les jolis cadeaux d’adieu puisque Eriksen est de plus en plus proche du FC Liverpool qu’il devrait rejoindre dès cet été pour un transfert tournant autour de 20 M d’euros, une aubaine pour le club.
Pour le reste, on notera la grande sérénité de l’Ajax, toujours appliqué, jamais désuni, jamais paniqué dans les tourmentes passagères du Philips Stadion. A l’image du gardien Cillessen, parfait hier en remplaçant du N°1 Kenneth Vermeer. Une équipe capable de déployer son jeu comme il le faut, en mettant ses individualités spontanément au service du collectif, quitte à moins briller en perso (Siem de Jong, Fischer). Les admirateurs de l’Ajax auront également apprécié ce que respect de l’identité de jeu veut dire : Frank de Boer a maintenu sa ligne de trois attaquants quelles que soient les circonstances. Son coaching gagnant avec l’entrée de Boerrigter fut total avec les deux autres remplaçants offensifs Babel et Hoesen ! Combien d’autres coachs auraient cherché à gérer la partie en se renforçant derrière par la sortie d’au moins un attaquant ? Un bémol au beau ballet ajacide : cette incapacité flagrante à jouer correctement les contres. L’Ajax est la seule belle équipe au monde à ne pas savoir se projeter devant et planter dès la récup’, comme le Real, Paris ou tant d’autres savent si bien le faire…
Le fameux finish amstellodamois
Voilà. L’Ajax est désormais bien parti pour être champion, avec 5 points d’avance sur son dauphin Vitesse, et 6 points sur PSV et Feyenoord. A quatre journées de la fin et un rendez-vous important à l’Arena ce week-end face au redoutable Heerenveen de Marco van Basten, le désormais fameux finish amstellodamois ( « Franky Time » ?) ne devrait plus être entravé. L’Ajax fera sans doute un beau champion, mais pas un grand champion : le niveau de l’Eredivisie reste trop en deçà du reste des grands championnats européens. L’Ajax sera aussi en partie champion « par défaut » , avec une concurrence qui s’est vite écroulée (AZ, d’abord, puis FC Twente), ou qui s’est résignée (Feyenoord) ou qui s’est montrée irrégulière (PSV). Le cas Vitesse relève plus du bon outsider pas encore assez outillé pour finir sacré. On peut déplorer que ce sommet d’Eredivisie PSV-Ajax (plutôt un très bon match, hier) ne fasse qu’un faible entrefilet dans L’Equipe d’aujourd’hui. Mais c’est la réalité d’un pays de foot devenu tout petit et dont l’intérêt n’est attiré que par sa sélection nationale et quelques stars éparpillées en Europe. Dommage : en Eredivisie, ça joue encore. En L1, le pauvre Lille-OM d’hier soir a consacré Mandanda. Un gardien.
Par Chérif Ghemmour