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« Le Ballon d’or reflète le sentiment général du moment »
Cristiano Ronaldo s'est fâché lorsqu'il a vu Sepp Blatter se moquer de lui face à des étudiants. Pour lui, pas de doute, les phrases lâchées par le président de la FIFA expliquent beaucoup de choses, notamment les Ballons d'Or gagnés à la pelle par... Léo Messi. C'est que le Ballon d'Or est souvent sujet à débats....
Sortie le même jour que la liste des nominés pour le Ballon d’Or 2013, la vidéo de Sepp Blatter moquant la démarche de Ronaldo lors d’un colloque informel à l’université d’Oxford n’a pas manqué d’ironie. La réaction de Ronaldo dans la foulée non plus : « Cette vidéo montre clairement le respect et la considération de la FIFA, pour moi, pour mon club et mon pays. Beaucoup de choses s’expliquent désormais… Je souhaite à M. Blatter la santé et une longue vie, avec la certitude qu’il continuera, comme il le mérite, à assister aux succès de ses équipes et joueurs favoris. » En arrière-plan ou plutôt au premier plan, on y voit un message très clair adressé à la FIFA, qui a rejoint le groupe Amaury dans l’organisation du « Ballon d’Or FIFA » depuis… 2010, date depuis laquelle Messi l’a toujours emporté. Cette incartade offre donc l’opportunité de questionner la raison d’être d’une récompense trustée par une seule et même personne depuis des années et qui a donc un peu perdu en magie ces derniers temps.
Une définition ? Quelle définition ?
Depuis 2010 et la fusion avec le trophée FIFA Meilleur footballeur de l’année FIFA pour devenir le « FIFA Ballon d’Or » , le Ballon d’Or France Football a changé de titre mais également de mode de nomination. Si auparavant, seuls les journalistes étaient habilités à voter, le système de notation prévoit désormais un classement établi en fonction du vote des 208 sélectionneurs des pays membres de la FIFA, des 208 capitaines de ses sélections membres ainsi que d’un panel de 208 journalistes représentant ces pays. Anciennement remis au footballeur européen de l’année, puis de 1995 à 2006 au meilleur joueur évoluant dans un championnat européen sans distinction de nationalité, le Ballon d’or est désormais décerné depuis 2007 au meilleur de joueur du monde de l’année selon ses critères : « Les distinctions sont accordées pour les performances sur le terrain et pour le comportement d’ensemble, que ce soit sur le terrain ou en dehors » . Une définition finalement très floue, comme l’explique Dani Hidalgo de As : « La FIFA a longtemps voulu concurrencer le Ballon d’Or mais maintenant que les deux organisations se sont regroupées derrière un trophée, il faudrait que les critères de sélection soient plus précis. On ne sait pas si c’est la qualité du joueur en général qui est regardée, sa performance dans un collectif ou ses titres. De même, on ne sait pas si c’est l’année civile dans sa globalité qui est prise en compte ou bien une saison plus qu’une autre… » .
Dans ce brouillard, le Ballon d’Or FIFA est donc devenu le trophée remis au meilleur joueur du monde : Lionel Messi. Et non forcément au meilleur joueur de l’année. D’où une certaine confusion. Denis Chaumier, ancien directeur de la rédaction de France Football de 2007 à 2011, l’explique : « Avec Messi, c’est le surnaturel qui est récompensé… » . Même s’il reconnait que « l’année 2012 est sujette à débats » , il rappelle que l’histoire du Ballon d’Or est une longue suite d’exemples de ce genre : « En 1974, Johan Cruyff emporte le Ballon d’Or alors que l’Allemagne de Beckenbauer est championne du monde et que le Bayern est champion d’Europe. En 1978, Kevin Keegan l’emporte alors que l’Angleterre ne participe pas à la Coupe du Monde… Dans les années 80, Platini l’a eu trois fois de suite. Comme quoi Messi n’est pas seul. Zidane l’a eu une fois, on pensait le voir régner, on a vu que ça n’a pas été le cas. C’est la même histoire avec Ronaldo, qui ne l’a eu que deux fois. Des très grands joueurs comme Baresi, Maldini ou Puskas ne l’ont jamais eu… L’histoire du Ballon d’Or est faite d’injustices, de règnes, de surprises… Pourquoi changer des règles qui ont fait leur preuve ? C’est un vote démocratique » , avant de préciser : « Il y a toujours une part d’objectivité dans le vote, à savoir les performances individuelles du joueur et la performance de son équipe et une part de subjectivité, à savoir la prime à celui qui marque ou fait marquer des buts qu’on va voir plus… On le voit dans l’histoire, le Ballon d’Or reflète aussi le sentiment général du moment… »
« L’Espagne souffre d’un collectif exceptionnel »
Sauf que pour les Espagnols, le sentiment général du moment a bon dos. Eux qui n’ont eu aucun Ballon d’Or alors qu’ils dominent le foot mondial depuis six ans. Dani Hidalgo le rappelle : « En Espagne, on n’a pas trop compris pourquoi Iniesta ou Casillas n’ont pas eu le Ballon d’Or en 2010 alors qu’ils avaient été champions du monde et que Messi n’avait gagné que le championnat. Même chose en 2012 où Messi gagne le Ballon d’or alors que Casillas emporte l’Euro et le championnat. On se souvient que Cannavaro l’avait gagné en 2006 sur six mois de compétition » . Denis Chaumier propose quelques éléments de réponse : « L’Espagne souffre d’un collectif exceptionnel qui ne fait pas ressortir une individualité et d’un éparpillement des votes entre ses différents très bons joueurs » . Drôle d’histoire que traverse donc la Roja, sans Ballon d’Or parce que trop collective ? Mais finalement, n’est-ce pas complètement absurde de remettre des récompenses individuelles dans un sport collectif ? L’ancien directeur de la rédaction de France Football finit par acquiescer : « Si on prend du recul, oui, bien sûr… » .
Par Antoine Mestres