Lazio-Juve: Affreux, sales et méchants
À gauche, un club capable d'arborer un aigle impérial en guise d'écusson et de placer sur un piédestal des types comme Giorgio Chinaglia ou Paolo Di Canio. À droite, une Vieille Dame qui n'a jamais rechigné à tremper dans la corruption, le dopage et le despotisme. Voici face à face les deux équipes les plus odieuses de la Santiag'.
Lazio Rome-Juventus Turin. Le genre de match dont on aimerait faire semblant de se cogner allègrement. Le genre d’équipe que chaque esthète du football se devrait de haïr. Car autant le dire tout de suite, ces équipes sont méchantes.
Point de romantisme dans le jeu, ni de poésie dans le toucher de balle. Quand la Lazio version 2008-2009 apparaît de plus en plus comme une plate parodie de kick’n’rush à la sauce italienne, la Juventus ressemble toujours à une sorte de machine de guerre programmée pour gagner dans toutes les situations et sous toutes les latitudes.
Le pire, c’est que ça fonctionne. Évidemment. Au matin de la 19ème journée de Serie A, la Lazio est 7ème avec 30 points, la Juve 2ème avec 39 points. À quatre points du leader interiste.
Pourtant, ce dimanche soir, vers 20H30, une force mystérieuse nous poussera à regarder le match, c’est-à-dire vingt-deux mecs s’en mettre plein la gueule. Un irréductible résidu d’irrationalité à cause duquel toute notion de bien et de mal sera inversée.
Alors, quoi qu’on en dise, on allumera la télé. Et l’on se délectera des frasques d’une défense turinoise absolument remaniée, des coups d’épaule bien sentis des improbables attaquants romains, d’un but inscrit de la hanche ou du cul, des transversales hasardeuses. On se délectera aussi et surtout des arabesques de Del Piero, des cabrioles d’Amauri, des accélérations de Zarate. Le pire avec ces deux équipes impliquées jusqu’au coup dans le scandale du Moggiopoli, c’est qu’elles savent taquiner le cuir. Forcément.
Dimanche, il y aura tout de même du nouveau : il faut dire que l’hiver s’est lourdement abattu sur la capitale piémontaise. Chiellini et Camoranesi ne seront pas rétablis, absences auxquelles s’ajoutent celles de Zebina, Knezevic, Grygera et Salihamidzic.
Du nouveau, donc. Il s’appelle Lorenzo Ariaudo, il mesure 1m86 et a une tête d’enfant : pour cause, Lorenzo est né en 1989. Made in Juventus, le bougre sort d’une sacrée prestation en Coupe d’Italie contre le Catania aux côtés de Legrottaglie. Le Mister hésiterait encore avant de le lancer dans le grand bain du championnat. Du coup, on parle de Poulsen en défense centrale, chose qui aurait de la gueule.
Face à une Juve pragmatique et ultra-moderne, la Lazio figure l’équipe d’un autre temps. Pour preuve, la farouche volonté affichée ces derniers jours de recruter Juan Sebastian Veron, une vieille gloire locale dont la carrière commence à sentir le roussi. Embourbé à l’Estudiantes La Plata, le divin chauve n’a désormais de cesse de clamer son amour pour les Biancocelesti dès qu’un micro se tend.
Récemment, en conférence de presse, Ousmane Dabo a résumé l’état d’esprit qu’il allait falloir adopter : « Rythme, agressivité, pressing. De toute façon, nous n’avons rien à perdre » . Tout en restant très prudent et mesuré.
Comme à son habitude, la Juve affiche respect et courtoisie envers son adversaire : le mépris est l’arme des faibles. Un par un, les joueurs de la Juve ont annoncé qu’il ne fallait pas aborder ce match à la légère, que c’était un plaisir de jouer contre une grande équipe dans un si beau stade, qu’il n’y avait pas de raison de douter de l’arbitrage et qu’après tout, l’erreur était humaine.
Mais pas la peine de s’inquiéter : sur le terrain, ces doux agneaux seront redevenus vingt-deux salopards que l’on détestera aimer, mais que l’on aimera quand même. En secret.
Lucas Duvernet-Coppola
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