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Laval recroque à la Ligue 2
Le Stade lavallois est de retour dans l’antichambre de l’élite. Après cinq saisons chaotiques en National marquées par la perte de son statut professionnel, le club mythique, qui fête ses 120 ans cette année, sort enfin la tête de l’eau, et c’est toute la Mayenne qui respire ! Alors que les Tango affrontent le Red Star ce vendredi soir dans un stade Le Basser en fusion, retour sur une saison exceptionnelle, qui pourrait offrir à Laval son premier titre.
« Souriez, c’est du foot, c’est Laval ! » C’est par ce slogan bisounours que Laurent Lairy, actionnaire du club depuis 18 ans, a entamé son mandat à la présidence du Stade lavallois, en avril 2021. Une époque où les Tango souriaient jaune. Alors que l’équipe végétait dans le bas-ventre mou de National et jouait à se faire peur, un communiqué signé par quatre groupes de supporters fustigeait « des projets à la poudre de perlimpinpin et une communication granguignolesque » et déplorait le manque de dialogue avec les dirigeants. Le nouveau prés’ laisse passer l’orage avant de lâcher une punchlineaux « ultras » : « Vous avez le droit d’être ultra-bienveillants, ultra-sympas, mais pas ultra-cons ! » Un an plus tard, tout est pardonné. Laval est en haut du classement et fait la bamboche depuis une semaine et l’officialisation de sa montée en Ligue 2. Analyse d’une pièce en trois actes, conclue par un happy end.
Acte 1 : l’enfer
Saison 2018-2019. Alors que la remontée leur tendait les bras, les Lavallois s’effondrent dans le sprint final et laissent le rival manceau prendre l’ascenseur du bonheur vers la Ligue 2. Double peine : il s’agissait de la deuxième saison consécutive en National, donc le club perd son statut pro par la même occasion. C’est dans ce contexte qu’Olivier Frapolli, huitième entraîneur en trois ans (dont François Ciccolini), est débauché de l’US Boulogne et prend la tête, le 1er juin, d’une équipe constituée de… 0 joueur. « Je n’avais jamais connu ça. Avec la perte du statut pro, on avait l’impression que le club était descendu », se remémore le quinquagénaire. Un budget divisé par deux, un centre de formation vidé de ses meilleurs éléments et tous les contrats des joueurs annulés. Le club repart de zéro.
Lors des deux premières saisons du coach, sous la présidence de Philippe Jan, le Stade lavallois devient le plus grand hall de gare de France, collectionnant joueurs prêtés, à l’essai, contrats d’un an. « On avait le sentiment d’un recrutement anarchique, manquant de préparation, avec des gars venant de championnats exotiques », analyse Michel, fier supporter de Laval depuis ses 13 ans, en 1976, « l’année où le Stade est monté en D1 ». « En cinq ans en National, 107 joueurs sont passés au club », se désole aujourd’hui Laurent Lairy, qui a souhaité mettre fin à cela en offrant des contrats longs aux recrues de l’été dernier. La première pierre d’un pari gagnant.
Acte 2 : la reconstruction
Prolongé par la nouvelle direction pour trois saisons malgré la gronde d’une partie des supporters, Frapolli repart une fois de plus d’une feuille – presque – blanche, avec seulement quatre joueurs de la saison écoulée : Sauvage, Seidou, Carlier et Cros. Mais le fonctionnement du recrutement est chamboulé, les joueurs doivent désormais passer trois entretiens d’embauche, avec le coach et le nouveau secrétaire général, José Ferreira, pour le sportif, puis avec le président, très attaché au « savoir-être ». « On voulait installer les joueurs en Mayenne, qu’ils puissent se projeter ici au-delà de leur carrière, humainement, avec leur famille », explique posément Olivier Frapolli.
Une équipe de bons gars donc, qui se sont aussi avérés être de vrais bons joueurs de foot dans le 3-5-2 du technicien local. Entre Julien Maggiotti, passeur soyeux et nommé parmi les révélations du championnat, et Kader N’Chobi, deuxième meilleur buteur du club avec dix réalisations, le voisin choletais a d’abord cédé deux pépites. Ajoutez à cela Jimmy Roye, patron du milieu de terrain et capitaine de caractère, Marvin Baudry sorti de nulle part, Bryan Goncalves chipé à Versailles en N2 et désormais pressenti en Ligue 1, ou encore Geoffray Durbant auteur de la saison de sa vie, avec 17 cacahuètes et une nomination pour le trophée de meilleur joueur de National, et vous avez un champion en puissance ! Une équipe qui a patiné lors des quatre premières journées, puis a enchaîné 20 victoires en 28 matchs après son « déclic » face à Cholet, début septembre, et qui est désormais invaincue depuis février. Qu’importe si, dans quinze de ces rencontres, Laval n’a marqué qu’un but de plus que l’adversaire, Michel, derrière son écran, apprécie le tempérament mayennais de cette équipe « cohérente, solide et solidaire », mais surtout « cette capacité à fermer boutique » .
Autre choix fort de la présidence Lairy : Thierry Ruffat, illustre journaliste local néo-retraité, 1500 matchs des Tango au compteur dont près d’un millier derrière le micro, et voix du mythique « But à Laval ! », véritable madeleine de Proust des supporters tango, a intégré le comité directeur du club. Sa mission principale étant de donner des cours d’histoire aux p’tits nouveaux. « Certains ne savaient même pas que le Stade lavallois avait joué en Coupe d’Europe », n’en revient toujours pas Ruffat. En parallèle, l’ancien rédacteur en chef de France Bleu Mayenne, qui connaît « 500 joueurs sur les 577 passés pro au Stade », met en place un système de parrainage : un nouveau joueur par ancien pro, histoire de les mater comme il faut. Et pousse pour le recrutement de « joueurs du cru » (Hautbois, Perrot) afin de remettre de l’ADN dans tout ça. La mémoire du club est vite séduite par ses ouailles : « Ça fait quinze ans que je n’ai pas vu une telle ambiance dans le groupe, ils allaient au cinoche ensemble, se faisaient des bouffes régulièrement ! »
Acte 3 : le paradis
20h34, le 2 mai 2022. Après une démonstration face à Chambly, le Stade lavallois est officiellement en Ligue 2. La suite appartient à la légende : cri de guerre sauvage mené par le gardien du même nom avec les supporters, pleurs de Perrot, pause festive pendant les quatre heures de car du retour, barbecue improvisé le lendemain midi et des supporters qui se ruent sur les maillots et la billetterie. « Laval, c’est une ville endormie qui attendait juste de se réveiller. Mais quand le chaudron de Le Basser se met à bouillir… », salive Thomas, supporter de la nouvelle génération.
Si les supporters n’en demandent pas tant, dans les hautes sphères, on ne s’estime pas encore au paradis. « La montée en Ligue 1, ce n’est pas de la science-fiction, mais c’est encore prématuré. Le Basser va d’abord être rénové, une section féminine de haut niveau développée… On se laisse un peu de temps, et après on pourra rêver. Il faut rêver ! », clame le président, sur son nuage. L’historique Ruffat n’est pas dupe, le budget de 9,5 millions d’euros, dont Laval devrait disposer l’année prochaine, ne placera le club qu’entre la 10 et la 15e place de la pyramide financière de Ligue 2. Mais lui non plus ne peut contenir ses douces pensées quand vient la nuit : « Mon rêve serait de revoir le Stade lavallois en Ligue 1 avant de partir pour de bon, le laisser où je l’ai pris… »
Par Fabien Passard
Photos : Nicolas Geslin / Stade lavallois Mayenne FC / IconSport