- Euro 2012 – Groupe C – Italie/Croatie
L’autre Super Mario
Il est allé au charbon 90 minutes durant face à la rugueuse défense irlandaise sans jamais baisser d’intensité, il a gêné la première relance par un travail de chien, il a couru comme un dératé et marqué deux fois de la tête, contribuant grandement à la victoire 3-1 de sa mère-patrie, la Croatie, dimanche. Lui, c’est Mario Mandžukić, buteur mais pas que.
Plus encore que ses deux coups de crâne décisifs ayant trompé le gardien irlandais Shay Given, une action anodine résume la prestation individuelle de Mario Mandžukić dimanche. Le Croate, à la lutte en bord de touche avec le latéral John O’Shea, vient percuter le sélectionneur italien du Trèfle, Giovanni Trapattoni. Rien d’intentionnel là-dedans, bien sûr. Mais rien d’anormal non plus. Car Mario Mandžukić a beau être attaquant, il n’est pas du genre à rester scotché au gazon des six mètres adverses à attendre qu’un ballon lui arrive dans les pieds, sur le front ou dans la profondeur. Que nenni. Ça, ce serait plus le taf de Nikica Jelavić, l’autre buteur de la sélection au damier. Super Mario, son truc, c’est d’aller au turbin. Bouffer de la tête son défenseur sur les ballons aériens, tacler, gêner, faire chier, tout ça pour récupérer la balle, la passer (76, dimanche, pas mal pour un attaquant) et offrir à son équipe une nouvelle action offensive, quitte à se sacrifier. Il est comme ça et pas autrement, combattant modèle, actif sur tous les fronts, d’un bord de touche à l’autre. Luka Modrić l’adore et on comprend bien pourquoi.
Lorsqu’on fouille dans son enfance, on découvre que le petit Mario a débuté au football au poste de défenseur, ce qui donc n’étonne en rien. C’était pour faire plaisir au daron, Mato, lui-même honnête joueur de devoir des lignes arrières. Nous sommes, à l’époque, au début des années 90 et la famille Mandžukić a fui la Croatie en guerre et la ville de Slavonski Brod, à la frontière avec la Bosnie, où Mario est né en 1986. C’est au Ditzingen TSF, club proche de Stuttgart, où vit une forte diaspora croate, que le gamin enfile ses premières chasubles. De retour au pays en 1996, il poursuit son apprentissage à Marsonia, où commence alors la carrière pro du tout jeune Ivica Olić, le grand absent de la sélection croate à cet Euro 2012. Il y débute lui-même en pro en 2004, avant de signer la saison suivante au NK Zagreb.
Au printemps, il cartonne
Son profil mobile d’attaquant complet et généreux, aussi bon passeur que buteur, est repéré par le grand club de la ville et du pays, le Dinamo, qui jette son dévolu sur lui pour compenser le départ d’Eduardo à Arsenal, en 2007. Associé le plus souvent à Josip Tadić à la pointe de l’attaque, « Mandzo » bénéficie la première saison des caviars de Luka Modrić. Mais c’est surtout après le départ du génial meneur en Angleterre qu’il s’affirme en véritable leader d’équipe, signant au total 20 buts et 17 passes en 46 matchs lors de la saison 2008/2009. Intéressé par la venue du joueur à l’intersaison, le Werder est refroidi par les prétentions des dirigeants croates, qui exigent plus de 10 millions d’euros d’indemnité. Le transfert capote et Mandžukić doit donc rester une saison de plus au pays, la motivation en berne. À l’été 2010, il finit par être libéré, direction finalement Wolfsburg, contre un chèque de plus de 7 millions d’euros.
De retour en Allemagne, le pays d’une partie de son enfance, Mario commence par jouer aux côtés d’Edin Džeko, puis de l’ancien Manceau Grafite, après le départ du premier à Manchester City. En soutien, Diego fait du Modrić et Mandžukić termine très fort la saison, aidant son club à éviter la relégation. Scénario identique cette saison pour le Croate, qui a offert aux Loups une fin d’exercice très intéressante (12 buts, 10 passes au total), associé cette fois à Patrick Helmes. Son entraîneur, Felix Magath, souhaite garder son si précieux numéro 18. Rien n’est moins sûr, cependant : la Fiorentina s’est déjà montrée très intéressée et s’il continue l’Euro sur le même rythme que lors du match face à l’Irlande, d’autres clubs pourraient aussi s’aligner…
Par Régis Delanoë