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L’autre défaite de l’OM
Mercredi soir, l’OM n'a pas seulement mis un terme à sa campagne européenne. Juste après la rencontre, un point de non-retour a peut-être été atteint en coulisses. Résumé des épisodes précédents et décryptage.
Marseille voulait se donner le droit de rêver avec son quart de finale aller de Ligue des champions. On n’est pas loin de l’effet inverse. Ceux qui pensaient que le club ne pouvait pas tomber plus bas ont eu tort. Sur le terrain, les Olympiens se sont battus, mais ils sont tombés sur plus fort qu’eux. Ca arrive, surtout à ce stade de la compétition. Mais au Vélodrome, ce ne fut pas vraiment la joie. Si la grève des supporters n’a pas vraiment pris – des « Aux armes » ont même résonné avant la demi-heure de jeu -, ce fut surtout la mise en lumière des désaccords entre supporters. Les Winners ont déployé sur une banderole leurs sentiments envers Deschamps : « Casse toi, toi et tes joueurs » . Ils ont aussi entonné des « Deschamps démission » . Mais aussitôt, ils ont été repris par les Ultras, juste en-dessous dans le Virage Sud, et par Jean-Bouin, qui ont acclamé l’entraîneur marseillais. Ca n’a pas échappé à ce dernier, qui s’est lâché en conférence de presse. Le correspondant d’RMC – la radio de « Coach Courbis » , pour situer, comme ça – lui demande s’il a vu la banderole.
Il embraye : « Je vois pour qui tu travailles. Vous faîtes venir des gens et vous leur donnez la parole. Tu vas pas en plus me relancer sur des trucs que vous cautionnez aussi. Les gens peuvent faire ce qu’ils veulent. Et c’est à vous de relayer, dans le positif comme dans le négatif. Il y a des gens qui peuvent être agressif, ce n’est pas un souci. Ce n’est pas de l’indifférence, il y a une situation que vous connaissez. La grande majorité était là pour vivre des émotions. Quand on est arrivé avec le bus on a vu que des gens qui sautaient, qui étaient là pour encourager. Alors je vais pas vous mettre en cause mais c’était « oui, on vend pas les places … » . Cherchez le pourquoi du comment. Pourquoi c’est pas vendu ? Vous le savez aussi bien que moi, alors ne trouvez pas de fausses explications. Oui, quand on gagne pas les matchs, c’est difficile. Mais vous le savez, peut-être que vous pouvez pas l’écrire. Je sais très bien la frange minoritaire, qui ils sont, de toute façon, ça ne date pas d’aujourd’hui. Ils ne représentent pas tous les supporters, je les connais, je sais les tenants et les aboutissants. Toutes les places par le club ont été vendues. Pas celles des virages » . Boum, et re-boum.
« Caliméro, ça va 5 minutes »
Pour Deschamps, les Winners, ce sont avant tout les copains de José Anigo*. Alors, dans son esprit, on les aurait peut-être aidés à penser qu’il n’était plus l’entraîneur qu’il fallait au club… C’est déjà ce qu’il avait sorti après le match d’Ajaccio. Ce qui avait fait dire au directeur sportif que « Caliméro, ça va 5 minutes » Les pro-Deschamps et/ou les anti-Anigo sont donc convaincus que l’histoire se répète. A quelques mètres de là, en zone mixte, Vincent Labrune passe avec Margarita Louis-Dreyfus. Il s’arrête et parle de la priorité que représente désormais « la ligue française » . Puis reviennent sur le tapis les histoires de banderoles. Un journaliste du phocéen.fr s’essaie à la remarque désobligeante : « C’est bizarre, que seul l’entraîneur soit incriminé, pas les dirigeants … » . Labrune le fixe, et tourne immédiatement les talons. Quelques minutes plus tard, il revient vers le trublion, alors en discussion avec MBia. Il salue son joueur et lâche calmement au rédacteur : « Tu fais chier avec ta question… en ce moment j’ai vraiment d’autres soucis » . Il confie qu’il est fatigué, qu’il dort très peu depuis cinq jours, que les réunions avec les supporters s’enchaînent. Petit à petit, la foule de journaliste grossit autour de lui. Labrune s’apprête à faire du « off » , un exercice qu’il maîtrise au moins aussi bien que Hollande ou Sarkozy.
Le ton est authentique mais le propos est somme toute maîtrisé. Ca marche tout aussi bien, la quasi-totalité des journalistes locaux sont sous sa coupe. Parmi ces derniers, les relances laissent d’ailleurs deviner qui est pour ou contre le Basque (il y a notamment un savoureux « attends Vincent, il lave notre linge sale devant les yeux de l’Europe, ce n’est pas normal… » ). Au bout d’un quart d’heure, Labrune, comprend la teneur des propos de Deschamps. Alors qu’il soutient son technicien à 100%, il avait déjà mal vécu l’après-match de Dijon, où DD avait rejeté son analyse devant les caméras de Canal. Alors en homme de communication, il rebondit sur autre chose, mais a du mal à cacher sa nervosité. C’est le service de sécurité qui lui ordonnera presque de partir. Comme un vulgaire Sami Nacéri au festival de Cannes. Jeudi, les South Winners font un communiqué expliquant pourquoi ils en veulent à Deschamps. Michel Tonini, des Yankees, Virage Nord, deuxième groupe le plus important, s’enfile les sollicitations médiatiques pour dire qu’il en a marre de la Dèche, lui aussi. Comme au bout du visionnage des quatre premières saisons de LOST, chacun y va de son explication, la plus rationnelle possible. Est-ce que Deschamps a viré à la paranoïa, voyant des complots de partout ? La communication des groupes de supporters le lendemain est-elle juste destinée à assurer qu’ils sont capables de penser par eux-mêmes ? C’est en tout cas une pierre dans le jardin de ceux qui pensaient que la cohabitation des deux hommes forts du sportif pouvait continuer sans encombre.
Par Mario Durante
* Le lien entre Anigo et le plus important groupe de supporters avait été établi dans le numéro 38 de So Foot, en novembre 2006. Réédition : « Le 1er octobre dernier, Christophe Bouchet remet un pied au Vélodrome. Infiltré discrètement derrière les vitres fumées du bus du Toulouse FC pour lequel l’ancien président de l’OM gère désormais la régie publicitaire. Pendant que les joueurs des équipes s’échauffent, Bouchet discute dans les couloirs et croise finalement José Anigo apparemment remonté comme un coucou par la présence de l’ex sur son territoire : « Qu’est-ce que tu fous là ? » . Bouchet présente sa main. « Je ne te dis pas bonjour » .Quelques minutes plus tard, l’ancien président n’a toujours pas montré son museau dans les tribunes mais des « Bouchet, enculé » montent déjà du virage sud des South Winners. « Quelqu’un nous a prévenus » précisera quelques jours plus tard Rachid Zeroual sans préciser le nom de sa gorge profonde » .
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