- Coupe du monde non-officielle
L’autre Coupe du monde
En battant la Corée du Nord, il y a deux jours, aux tirs au but, la Suède a été sacrée championne du monde. Championne du monde ? Mais championne du monde de quoi ? Bah de football, évidemment. Pas de panique, on va vous expliquer.
La nouvelle n’a pas fait la Une des gazettes ou l’ouverture des journaux télévisés. Pourtant, c’est officiel : la Suède est championne du monde. Enfin, pas vraiment officiel, en réalité. La finale de cette Coupe du monde un peu particulière se disputait mercredi, au stade du 700e Anniversaire (c’est le nom du stade) de Chiang Mai, en Thaïlande. Les adversaires : la Suède et la Corée du Nord. Une Suède-bis, pourrait-on dire, puisque Zlatan et toutes les autres stars habituelles de l’équipe étaient absentes. Les Nord-Coréens ont ouvert le score en début de seconde période par Kum-Song Hong, avant que les Suédois ne répliquent par un but de Fejzullahu, attaquant de Djurgården. Séance de tirs au but. Les Suédois ne tremblent pas, à l’inverse des joueurs de Corée du Nord, qui flanchent dès leurs deux premières tentatives (les mauvais élèves se nomment Kuk-Chol Jang et Kuk-Chol Kang, des noms dignes de frères ennemis dans un manga japonais). Chol-Bom Kim sauve l’honneur côté coréen, mais Jansson transforme le dernier tir au but, pour le triomphe suédois. Un triomphe synonyme de titre de champion du monde non-officiel. Bon, maintenant, promis, on vous explique d’où vient ce délire.
De 1872 à aujourd’hui
Pour comprendre ce qu’est la Coupe du monde non-officielle, il faut remonter loin. Très loin, même. En 1967, très exactement. Des fans écossais ont une idée folle. Appliquer les règles de la boxe au football. À savoir : une équipe est sacrée championne du monde jusqu’à ce qu’elle soit battue. L’équipe qui parvient à la battre est sacrée à son tour championne du monde. Et peu importe la nature de la rencontre : il peut s’agir d’un match lors d’une compétition officielle, ou d’un match amical. L’important, c’est que cette rencontre soit reconnue par l’UEFA. Ainsi, ces tarés d’Écossais sont remontés dans les archives, jusqu’au tout premier match officiel entre deux équipes nationales, en 1872. Logiquement, la rencontre oppose l’Angleterre à l’Écosse, et se termine sur le score de 0-0. Un an plus tard, en 1973, la revanche est remportée par les Anglais, 4-2, qui sont donc sacrés, selon les critères de ces Scottish, premiers champions du monde. Le premier passage de témoin a lieu en 1874 date de la première défaite du onze britannique. Les Anglais sont battus par… l’Écosse, à qui revient donc le titre de Champion du monde.
Jusqu’en 1909, le titre se dispute uniquement entre l’Écosse, l’Angleterre, l’Irlande et le Pays de Galles. Les Écossais conservent d’ailleurs leur invincibilité jusqu’en 1879, et un revers contre l’Angleterre. Normal. La première équipe non-britannique à récupérer la ceinture de champion, c’est l’Autriche qui, en 1931, atomise l’Écosse, 5-0. Depuis, le titre est passé entre les mains de nombreuses nations, dont la France, qui en a été notamment le tenant en 1984, avec huit matchs sans défaite, et en 1998, avec neuf matchs d’invincibilité. Mais une question subsiste : dans cette jungle de résultats à travers les époques, comment s’y retrouver ? Simple. Le journaliste britannique Paul Brown, auteur du livre Unofficial Football World Champions a lancé un site Internet (http://www.ufwc.co.uk) où sont répertoriés tous les résultats de cette Coupe du monde non-officielle, avec tous les passages de témoin, et les règnes de chaque équipe. L’Écosse en tête du classement
Du coup, on sait que le Brésil est le recordman de victoires en Coupe du monde officielle, avec cinq étoiles sur le maillot. En est-il de même pour cette Coupe du monde non-officielle ? Pas du tout. L’équipe la plus titrée de tous les temps demeure l’Écosse, avec 86 matchs cumulés où elle a été détentrice du « trophée » , soit 13 000 jours d’invincibilité. Les Écossais se placent juste devant leurs cousins anglais, qui ont été champions du monde pendant 73 rencontres, et l’Argentine, troisième avec 51 matchs. La France, elle, se place à la 10e position, avec 25 matchs disputés en tant que champion en titre. Voilà donc ce qui a mené la Suède, hier, à récupérer ce titre de champion du monde non-officiel. Le titre était détenu depuis novembre 2011 par la Corée du Nord, qui l’avait chipé au Japon (lors de ce fameux match controversé disputé à Pyongyang) avant de le conserver pendant 13 rencontres.
Une curiosité : le 6 juillet 2010, l’Espagne affronte les Pays-Bas en finale de la vraie Coupe du monde, celle disputée en Afrique. Seuls les initiés le savent, mais ce jour-là, les Pays-Bas sont détenteurs de la Coupe du monde non-officielle depuis 22 rencontres, et un succès 3-1 en 2008 face à la Suède. En s’imposant 1-0 grâce au but d’Iniesta, l’Espagne est sacrée championne du monde FIFA pour la première fois de son histoire, mais récupère par la même occasion le titre de champion du monde non-officiel. Un titre virtuel qu’elle ne va conserver que pendant trois rencontres, jusqu’à une raclée reçue deux mois plus tard en Argentine (4-1). Les Argentins seront battus au match suivant par le Japon, qui le cédera à son tour à la Corée du Nord, puis à la Suède, hier. Désormais détenteurs de ce trophée totalement barré inventé par les Écossais, les Suédois vont devoir le défendre dès samedi, avec un amical contre la Finlande, puis mercredi prochain, face à l’Argentine. Désormais, vous le savez aussi : Zlatan, quelque part, est non-officiellement champion du monde. Comme quoi, tout arrive.
Par Eric Maggiori