- Mondial 2023
- Australie
Australie : la mécanique des cœurs
Au crépuscule de cette Coupe du monde, l’Australie repart avec la médaille en chocolat, mais a gagné l’amour inconditionnel de toute une nation. Dans un pays qui ne jure que par le rugby et le football australien, le parcours des Matildas risque bien de faire entrer le soccer australien dans une nouvelle ère.
Des enfants avec des étoiles dans les yeux, des adultes qui chantent en tribunes ou dans les rues à l’unisson. Des scènes de liesse observables dans l’immensité de l’île australienne, de Brisbane à Adélaïde, en passant par Sydney, sur terre comme dans les airs. L’entièreté du pays semblait avoir les yeux rivés sur la séance de tirs au but entre la France et l’Australie. Lorsque Cortnee Vine, l’une des seules joueuses de l’effectif qui évolue encore dans le championnat local au Sydney FC, a inscrit le penalty décisif, les scènes de liesse étaient légion jusque dans les stades de footy, l’un des sports les plus populaires du pays. Aucun doute, l’ambiance autour du football féminin a changé durant ce mois de compétition.
Goosebumps.
From all corners of the country 🫶🇦🇺#Matildas #FIFAWWC #TilitsDone pic.twitter.com/ERIusC7HEZ
— CommBank Matildas (@TheMatildas) August 13, 2023
Un parcours honorifique
Pour sa huitième participation en Coupe du monde, l’Australie a réalisé sur son sol la meilleure performance de son histoire dans la compétition. Une quatrième place pour une équipe qui n’était jamais allée au-delà des quarts de finale (2011 et 2015) mais dotée d’une génération dorée incarnée par Sam Kerr. Si au préalable, les Australiennes ne faisaient pas figure de favorites incontestables, les Matildas avaient déjà pesé sur l’édition 2021 des Jeux olympiques où elles avaient déjà terminé quatrièmes. Pour Isobel Cootes, journaliste pour Optus Sport, l’enthousiasme des Australiens est d’abord fortement lié au parcours des Aussies : « Si les Matildas n’avaient pas connu un tel succès, l’histoire aurait été bien différente. L’engouement a envahi le pays lorsque nous avons battu le Canada 4-0 et ne s’est jamais estompé. L’atmosphère autour des matchs des Matildas était électrique, les Australiens ont adhéré à tous les aspects du tournoi. »
Il faut dire qu’avant ce mois d’émerveillement, le soccer féminin ou masculin n’attirait pas les foules, comme le confie Isobel Cootes : « Jusqu’à ce tournoi, 15 à 20 000 personnes dans un stade étaient considérées comme une affluence importante. » Des données qui ont pris une tout autre ampleur durant ce mois de compétition, aussi bien en matière d’affluence que d’audimat. Les records d’affluence ont été battus, près de deux millions de personnes ont assisté à au moins un match en tribune, et le match d’ouverture entre l’Australie et l’Irlande a vu 75 784 spectateurs affluer dans les gradins de l’Olympic Stadium de Sydney. Lors de la qualification historique des Matildas face à la France, Seven West Media (équivalent de Médiamétrie en France, NDLR) indique que 4,17 millions de téléspectateurs en moyenne ont regardé le match (pour une population globale de 26 millions d’habitants), un record pour l’année 2023. Des chiffres qui dépassent largement les audiences observées pour les matchs de football australien ou de rugby à XIII selon le média australien ABC News. Record battu par la demi-finale face à l’Angleterre où plus de 11 millions de personnes ont regardé le match à la télévision. Un succès sur lequel la Fédération australienne compte bien capitaliser.
🚨 la demi-finale entre l'Angleterre et l'Australie est devenue l'événement le plus regardé de l'histoire de l'Australie ! 😳
Avec 11,15 millions de téléspectateurs sur Channel 7 les Matildas ont détruit le livre des records ! 42% de la population était devant sa télévision 🔥 pic.twitter.com/yL7PArtDrC
— PiedsCarrés-Féminin (@PiedsCarresFem) August 17, 2023
La compétition du changement
L’amour des Australiens pour leur sélection féminine s’est confirmé dans tous les secteurs, des tribunes au merchandising. Une employée du magasin Nike de Sydney confiait au média espagnol Relevo qu’ils avaient vendu plus de maillots de l’équipe féminine que masculine tout au long de la compétition et que près de 200 000 maillots, toutes équipes confondues, avaient été achetés dans la boutique. Du jamais-vu. Des faits qui ne doivent rien au hasard selon James Johnson, directeur général de la Fédération australienne de football. Le boss du football australien expliquait dans une réunion d’information que des plans avaient été mis en place pour impliquer le public : « Nous avons essayé de mettre en place deux stratégies parallèles : pour la Coupe du monde et pour les Matildas. » Un plan basé sur le succès des Aussies pour que naisse l’intérêt de la nation pour l’évènement, pari réussi. James Johnson ajoute même : « Les Matildas sont aujourd’hui le produit sportif le plus apprécié sur le marché. Nous avons beaucoup travaillé sur le développement de la marque, et nous pensons que c’est directement lié au succès du tournoi. » Dans un pays qui comptait en 2017 un peu plus d’un million de licenciés, dont environ 250 000 licenciées, le but est désormais de continuer le travail. En février 2021, la Fédération a mis en place un plan nommé Legacy’23 pour capitaliser sur l’organisation de cette Coupe du monde et investir en conséquence dans le football féminin. Ce projet prévoit notamment d’atteindre la parité entre hommes et femmes en 2027. Un projet qu’est venu compléter le gouvernement fédéral australien qui a promis d’investir 200 millions de dollars dans le sport féminin.
.@TheMatildas have inspired the nation.
And they’ve inspired a generation of young Australians to get into sport.
That’s why we’re launching our $200m Play Our Way program to improve sporting facilities & equipment specifically for women and girls, right across the country. pic.twitter.com/lSYA0YljPM
— Anthony Albanese (@AlboMP) August 18, 2023
Un geste salué par le sélectionneur Tony Gustavsson en conférence de presse : « Il faut maintenant des investissements à long terme pour s’assurer que nous profitions vraiment de cette période charnière pour le football féminin dans ce pays. » Le technicien suédois avait évoqué l’exploit de ses joueuses de faire partie du dernier carré compte tenu du budget australien : « Si l’on compare les ressources financières des équipes du top 10, en matière de retour sur investissement, arriver à se hisser dans le top 4 est remarquable. » Dans tous les cas, comme l’a indiqué Caitlin Foord, attaquante des Matildas, sur ses réseaux sociaux : « Nous avons uni tout le pays, inspiré la nouvelle génération, marqué l’histoire, changé la façon dont le football est perçu ici en Australie, mais surtout, nous avons rendu fiers de nombreux Australiens. Notre principal objectif était de laisser un héritage, et je pense que l’on peut dire que nous y sommes parvenus. » Aucun doute, l’Australie n’a pas remporté le Mondial, mais elle a marqué une trace indélébile dans l’histoire du football féminin mondial.
Par Léna Bernard
Propos de Isobel Cootes recueillis par LB.