Première partie de l’interview de Laurent Robert
Ensuite, ta carrière a été plus chaotique, tu as enchaîné avec Portsmouth, Benfica, Levante, Derby County, Toronto et Larissa…
Je ne dirais pas chaotique. Je quitte Newcastle pour Portsmouth car il y avait eu un changement d’entraîneur. Un mec arrive, il a ses têtes, c’était comme avec Luis à Paris. On tombe sur des personnes qui s’en foutent du football. Ils sont là pour prendre de la thune. J’étais en négociations pour prolonger avec Newcastle, mais cela ne s’est pas fait… Il y avait Alain Perrin à Portsmouth, c’est pourquoi j’y suis allé. Ça ne s’est pas trop mal passé, mais il n’y avait rien là-bas, quoi. J’aurais dû rester à Newcastle, ça a été un mauvais choix de ma part. Même si le club me mettait la pression pour partir, j’aurais dû rester. Je rebondis quand même à Benfica par la suite. Ils m’appellent, sont encore qualifiés en Champions League, donc je pars là-bas et joue les 8es de finale contre Liverpool, puis les quarts contre le Barça. J’ai mis mon petit but contre Porto et on gagne 1-0. Puis vient Levante où il y avait beaucoup de Français. Kapo, Luyindula, Courtois, Déhu, Berson… Le président voulait des Français, mais pas l’entraîneur, donc c’était compliqué de bosser dans de telles conditions. Le mec, on ne savait même pas d’où il venait, ce qu’il avait fait dans sa carrière. Il nous a clairement cassé les couilles. Je suis donc reparti en Angleterre à Derby County durant trois mois et j’ai eu une proposition de Toronto où le coach adjoint de Newcastle, John Carver, entraînait. C’était mon voisin en plus à Newcastle, donc on est très proches. Je pensais mettre un terme à ma carrière après cette expérience, mais mon pote grec Níkos Dabízas m’a proposé de venir à Larissa. Je suis allé faire une petite pige là-bas. Deux ans de contrat, mais je pars au bout de même pas un an. Ils ne payaient pas, je suis d’ailleurs encore en procès avec eux. En gros, c’était des mecs qui pensaient qu’en prenant Laurent Robert, tu allais gagner tous les matchs. Mais si tu n’as personne autour…
Regrettes-tu cette fin de parcours ?
Pas du tout. Ça m’a permis de connaître plusieurs pays. C’est vrai que j’aurais voulu terminer mieux que ça, mais j’étais prêt ! Apprendre de nouvelles cultures, c’est ce qui m’a guidé aussi. Mes enfants sont trilingues, c’est magnifique. Ils parlent français, anglais et espagnol. Je me dis qu’un petit Réunionnais qui arrive de 13 000 kilomètres de la Métropole, de faire ce parcours, d’être le premier Réunionnais international, c’était quand même une chance.
Tu as aussi été l’un des premiers Français à tenter l’aventure en Major League Soccer. À quel niveau la situes-tu ?
J’étais l’un des premiers Français à me lancer là-bas. Toronto, c’est une superbe ville. C’est le petit New York, quoi. J’ai beaucoup aimé parce qu’il y avait beaucoup d’Hispaniques, de Portugais. Notre stade était blindé tout le temps, tous les week-ends. C’était énorme. On jouait devant 35, 40 000 spectateurs quand même. On a joué contre le Galaxy de Beckham, on les a battus chez eux et chez nous. Le football est beaucoup moins fort que chez nous. Je dirais que c’est une D2, mais beaucoup plus technique, car il y a beaucoup de Latinos qui tripotent le ballon. Chez nous, la D2 est très physique. Une vraie expérience de fou.
Mon pied droit, c’est juste pour servir d’appui
On a souvent pointé ton mauvais caractère. Avec du recul, est-ce que tu penses que cette réputation était surfaite ou cela a vraiment joué en ta défaveur parfois ?
C’est très français. Quand un joueur a un peu de caractère… C’est facile de balancer des choses sur quelqu’un, de mettre des étiquettes. La presse t’encense, puis elle te fracasse. Il faut être très costaud dans sa tête. Combien de joueurs ont été traumatisés par ça ? C’est pour ça qu’aujourd’hui, j’en jubile. Quand je vois un Zlatan qui joue au PSG et ce qu’il fait. Je me dis, putain, j’ai bien fait d’avoir du caractère à mon époque. J’ai du caractère parce que je n’aime pas perdre ? C’était ça, mon truc. Les personnes qui n’arrivaient pas à me comprendre, ils disaient que j’avais un sale caractère ou je sais pas quoi. Je me suis toujours expliqué avec mon entraîneur et mes partenaires car, merde, j’étais là pour gagner. On est là pour avoir des résultats et être des champions. Encore aujourd’hui, si tu me mets sur le terrain, je suis là pour gagner. Heureusement que je l’ai eu, ce caractère, car j’aurais pu me faire marcher dessus… Désormais, des joueurs ont beaucoup plus de caractère que moi et la presse française les suce, ça me fait rigoler. Je me dis : « Putain Laurent, tu as bien fait. » À un moment donné, si tu n’as pas de personnalité… Car c’est un milieu très dur et spécial. Un milieu de putes. Et si tu n’as pas de caractère, tu te fais niquer.
Avec l’équipe de France, tu comptes 9 sélections et as remporté la Coupe des confédérations en 2001. Ça reste l’un des moments les plus forts dans ta carrière ?
On avait une très belle équipe. Ça a été un passage magnifique. Tu portes les couleurs de l’équipe de France, c’est un privilège pour moi, ma famille, mes enfants. Je n’ai pas pu faire davantage de sélections, car je n’ai plus été appelé en équipe de France. On m’a un peu saqué… Il faut le dire aussi. J’ai mis le pied dedans et j’ai quand même gagné quelque chose. J’ai fini meilleur passeur en Angleterre et je n’étais pas appelé, tu ne comprends pas, il y a un problème… Le problème, je l’ai su et je le savais. C’était beaucoup de joueurs, c’était un clan, c’était France 98. On ne pouvait pas les bouger. Quand tu avais ta place, c’est frustrant.
N’as-tu pas l’impression qu’avec ton profil de gaucher, ce qui était peu fréquent à ton époque, tu as raté quelque chose en Bleus ?
En 2002, quand ils se font éliminer dès le premier tour, je me suis dit que j’aurais pu apporter quelque chose. J’étais vraiment au top de ma carrière à cette période-là. Les choix ont été faits, on ne peut plus revenir en arrière. On peut en reparler des milliards de fois. Les sélectionneurs ont fait leurs choix. Il n’y avait pas de pur gaucher. Après Pascal Vahirua, il y avait moi. Bernard Diomède, également, mais il ne jouait pas du tout à Liverpool. Sur le côté gauche, il n’y avait personne… Dommage pour moi.
Cette frappe lourde du gauche qui te caractérisait, tu l’as longtemps travaillé ou c’était quelque chose de presque inné ?
Inné, oui, peut-être. Mais surtout du travail, beaucoup de travail. Mon père était footballeur, il était avant-centre. La frappe du gauche que j’ai, il l’avait des deux pieds ! Mon pied droit, c’est juste pour servir d’appui (rires). Mais j’en ai mis quand même pas mal du droit, hein. Ça vient de mon père. Tout dépend de tes appuis. Je me disais : « Allez, putain, je vais rentrer dedans, je vais fracasser tout le monde avec ma frappe. » Mon but, à chaque fois, c’était de faire mal et que le gardien le sente. Comme ça, il évitera le prochain ballon… (rires) Ma frappe, mes coups de pied arrêtés, mes centres, c’étaient mes points forts. À l’époque, on avait de véritables ailiers. Aujourd’hui, ce sont plutôt des milieux offensifs car ça joue différemment.
Est-ce que tu t’es inspiré d’un joueur en particulier, notamment pour tes coups francs ?
Non, personne. Depuis tout petit, j’ai toujours frappé les coups de pied arrêtés. J’ai toujours souhaité faire des passes et donner du plaisir à mes coéquipiers. Pour frapper, je pensais à mettre de l’effet et, surtout, cadrer. Avec de la puissance et contourner le mur. Avec les nouveaux ballons, je pourrai me faire plaisir. Je les ai essayé et ça vole pas mal (rires).
Au gré de tes pérégrinations, si tu devais retenir un joueur qui t’a marqué, ce serait qui ?
Un joueur qui m’a marqué… Le seul, c’était vraiment Shearer. Son sens du but, c’était un très grand buteur. C’était impressionnant. Un mec que j’ai beaucoup apprécié.
La Ligue 1, une saison déjà pliée ?