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Laurent Bonnart : « Si j’étais Roberto Carlos, ça aurait été moins problématique »

Propos recueillis par Antoine Donnarieix
10 minutes
Laurent Bonnart : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Si j’étais Roberto Carlos, ça aurait été moins problématique<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Passé pendant deux ans au LOSC et latéral droit de la dernière période dorée de l’Olympique de Marseille, Laurent Bonnart est aujourd’hui fraîchement sorti de sa carrière de footballeur professionnel pour être un papa poule. Il était l’homme à avoir avant ce Lille-OM. Entretien Nord-Sud.

Salut Laurent ! Qu’est-ce que tu deviens ? Déjà, je suis père de famille, et je peux te dire que ça prend du temps (rires) ! Sinon, je suis toujours basé sur Châteauroux, mon dernier club. En fait, on a décidé de rester là avec mon épouse pour permettre une stabilité à mes filles, elles sont scolarisées ici. Derrière ça, vu que je reste assez proche de Paris, j’ai pu m’orienter vers les médias. En ce moment, je suis sur les émissions régulières d’Infosport, Le Talk et Le Journal du Foot. C’est du travail en semaine, et parfois le week-end pour des débriefs ou des avant-matchs, en tant que consultant. Quand tu viens d’arrêter, tu es encore bien connecté au terrain. Discuter avec des mecs que tu as côtoyés, c’est plus simple pour des discussions copain-copain.

Tu parlais aussi de te mettre au triathlon, ça avance ? C’est vrai que j’ai toujours une grosse attirance pour ce sport. Là-dedans, il te faut bien cinq jours d’entraînement par semaine. C’est une activité où tu t’entraînes beaucoup, plus que tu ne fais des compétitions, et niveau timing, c’est compliqué de s’y mettre. Ma femme vient de reprendre le travail, donc j’ai les petites à garder et j’y trouve aussi beaucoup de plaisir. Le triathlon, ce sera pour plus tard. Là, je me mets bien au tennis.

En club ? Oui, pour apprendre les bases, les techniques de frappe, la gestuelle. Je m’entraîne une fois par semaine et je fais de la compétition, parce que mine de rien, tu ressens ce manque quand tu as fait ça toute ta carrière. J’aimerais pouvoir toucher à beaucoup de sports, mais c’est le temps qui manque. Un jour, ça dure 24 heures ! J’ai eu mes enfants assez tard, et ça prend une place énorme. Quand tu t’en occupes, tes journées filent à une vitesse dingue.

Revenons sur ton parcours. Tu signes à Marseille en 2007, et même après avoir fait tes preuves au Mans, tu arrives en tant que remplaçant. Comment se passe ton intégration à l’équipe ? À ce moment, je vois ça comme la situation la plus idéale possible. Vu que j’arrive en tant que doublure, je suis dans l’ombre. Les gens me voient arriver, ils se disent : « C’est qui Laurent Bonnart ? Ah, un mec du Mans. Ouais bon, je ne connais pas trop… » Du coup, les attentes sur moi ne sont pas énormes. Et quand tu arrives dans un club comme Marseille où tu es vite épié, c’est une vraie force. Donc je me suis contenté de faire ce que je savais, sans pression. Au deuxième match, Emon me fait confiance et Habib Beye part quelques jours plus tard à Newcastle. À partir de là, j’ai saisi ma chance.

Il nous fallait un patron, capable de remettre en question tous les joueurs. C’était une remise en cause collective à faire, du management. Albert Emon, c’est un mec super, mais pour le coup, le groupe ne lui correspondait pas.

Mais tu étais arrière gauche… Tu avais déjà fait tes preuves en tant que latéral droit ?Bah non, pas vraiment (rires) ! Je devais être là pour dépanner Taïwo, mais ensuite, on s’est rendu compte que je pouvais faire l’affaire. Lui à gauche et moi à droite, on était assez complémentaires. José Anigo m’avait repéré, il voyait que je faisais de bons matchs à chaque fois que l’OM jouait contre nous. Depuis tout petit, j’avais l’habitude de m’entraîner sur mon deuxième pied, parce que ça peut toujours servir. Avec le travail, tu finis par progresser. Et au MUC, je m’étais tellement habitué que j’ai fini par rester à gauche ! Mais bon, vu que je suis droitier…

L’OM est dix-neuvième du championnat fin septembre, Robert Louis-Dreyfus voit son état s’aggraver, c’est déjà la crise à l’OM… À ce moment-là, tu te poses des questions sur ce choix de carrière ? Quand j’arrive, je sais que j’embarque dans une grosse machine. Clairement, je ne m’attendais pas à ce que l’on soit autant en difficulté. Mais quand tu es en interne, tu comprends les raisons de ce début raté.

C’est-à-dire ?On avait des mecs de qualité. Samir Nasri, Djibril Cissé, Mamadou Niang… Mais à un moment donné, il y avait une certaine suffisance de la part des joueurs, une autogestion. Et quand tu es trop tranquille, ce n’est pas bon. Parfois, il faut savoir taper du poing sur la table. C’était ce dont l’OM avait besoin. En clair, il nous fallait un patron, capable de remettre en question tous les joueurs. C’était une remise en cause collective à faire, du management. Albert Emon, c’est un mec super, mais pour le coup, le groupe ne lui correspondait pas.

Qu’est-ce que tu retiens de Gerets ? Ah lala, j’ai adoré. On était un groupe avec de la qualité, il y avait des choses à régler tactiquement et il était là pour le faire. Mais de Gerets, je retiens surtout l’homme. Dans un groupe, il y a toujours des déçus, des mecs qui vont moins jouer. Lui, il est arrivé à emmener pendant deux ans un groupe et à le souder, le rendre fort. Il était franc, loyal. Quand il nous engueulait, il y allait, mais il aimait ce groupe, il aimait ses joueurs. Chaque joueur le lui rendait en s’investissant à fond, et c’est ce qui nous donnait des résultats. On jouait bien, très bien même.

L’équipe nationale, je ne pouvais pas y penser. Les sélections que je connaissais plus jeune, c’étaient les détections régionales.

Tu parlais d’engueulades. Y avait eu de bons accrochages avec Ziani ou Ben Arfa…C’était des super joueurs, encore une fois. Après, pour les canaliser, il faut toujours parler d’un projet collectif et éviter de parler d’eux. Le fil conducteur, ce doit être l’équipe, comment elle doit jouer, comment réussir ensemble. Les joueurs doivent entrer dans cette logique. Hatem, c’était un personnage à part. Au-delà du joueur, il y a l’insouciance. Et c’est ce qui faisait aussi sa force. Il ne faut pas le voir comme un fauteur de trouble. C’est juste qu’on en fait toujours des caisses avec lui parce que c’est un joueur dans lequel on place beaucoup d’attentes. La moindre erreur qu’il fait, elle est amplifiée chaque fois. Je considérerai toujours Hatem comme un gamin capable de te faire rêver sur un terrain de foot. Il manque parfois d’un peu de conscience, mais c’est aussi ce qui fait son charme.

Tu deviens une référence au poste après ta première saison à l’OM, nommé meilleur arrière droit de Ligue 1 en 2007-2008. Est-ce que tu as pensé un moment à l’équipe de France ? Quand je connais mon parcours, issu de la Ligue 2, puis monté en Ligue 1, j’avais déjà un challenge à Marseille. Une fois titulaire, je voulais surtout que ça continue. Jouer au Vélodrome, jouer la Ligue des champions, c’est déjà dingue. L’équipe nationale, je ne pouvais pas y penser. Les sélections que je connaissais plus jeune, c’étaient les détections régionales. Alors oui, quand tu es nommé meilleur arrière droit de Ligue 1, c’est flatteur. Mais à aucun moment, cette distinction ne devait faire accéder à l’équipe de France. Il y avait Sagnol, Sagna… Bon, je ne devais pas être loin, c’est vrai. Mais je ne peux pas vraiment me plaindre, ma carrière est déjà pleine. En tout cas, j’aurais été honoré de porter ce maillot. Ce doit être extraordinaire…

Ton départ de l’OM s’est fait parce que « ça puait » pour toi. Tu t’es senti pris pour un con par la direction ? En clair, le timing de la dernière année n’avait pas été bon au moment de signer ma prolongation. Les dirigeants reçoivent mon agent au mois de novembre, il me reste encore sept mois de contrat. Là, ils vantent mon apport au sein du club, se disent prêts à faire une proposition sous quinze jours. Moi, sur le coup, j’étais content, prêt à signer. Mais quand, en mars, tu ne trouves toujours pas une proposition de contrat sur la table, tu te poses des questions. Si tu es libre d’ici trois mois et que tu continues à jouer, tu prends de vrais risques. Donc à partir de ce moment, je me suis mis en tête que j’allais partir. Début avril, Marseille me fait une proposition. Sans faire la fine bouche, ils se foutaient de moi. Ce n’était pas une question de courir après l’argent, mais voilà, tu es payé en conséquence de ton apport. La saison se terminait, on allait être champions de France, mais je ne voulais plus jouer. Je n’avais plus envie de travailler avec ces gens-là, le vent était en train de tourner. En fin de championnat, je reçois une dernière proposition qui était plus dans les clous, mais j’avais déjà tourné la page. C’était une question de principe.

Je travaillais à fond, je voulais jouer, mais ce n’était pas suffisant. Quand tu fais ce métier-là, tu ne peux pas te contenter d’être sur le banc. T’es solidaire avec les gars dans le vestiaire, mais tu souhaites plus.

T’as pu profiter du titre, quand même ? (Silence) C’était sympa, j’étais heureux et fier, oui. Mais partir là-dessus, ça laisse une dernière note dégoûtante. Au mois de février, Andrade avait déjà signé sa prolongation. Sans lui faire offense, c’était notre deuxième gardien. Donc je suis allé voir la direction pour des explications. Ils m’ont dit qu’avec lui, c’était plus simple… Ah bon ! Pourtant, je ne pense pas avoir été le dossier le plus compliqué. C’est dommage, mais ça s’est terminé comme ça.

Lille, c’est une autre histoire… Tu reviens en Ligue 1 après être descendu avec Monaco en Ligue 2. C’était quoi, l’objectif ? Retrouver du plaisir avant tout. J’avais déjà eu des contacts avec Rudi Garcia l’année où je signe à Monaco. Malheureusement, ça ne s’est pas fait. J’arrive l’année suivante, le groupe est champion de France. Et là, forcément, il faut aussi faire avec la concurrence déjà en place. C’est compliqué. J’aurais aimé pouvoir m’exprimer un peu plus sur le terrain, mais ce n’était pas possible. Je travaillais à fond, je voulais jouer, mais ce n’était pas suffisant. Quand tu fais ce métier-là, tu ne peux pas te contenter d’être sur le banc. T’es solidaire avec les gars dans le vestiaire, mais tu souhaites plus.

Avec le recul, la marche n’était-elle pas trop haute ? Je voulais tenter l’expérience et en un an, je n’avais pas perdu tout mon football. Et puis bon, Lille m’avait aussi ouvert ses portes, hein, de mon côté j’ai simplement accepté leur proposition. Il y avait du monde aux postes concernés : Mathieu Debuchy, Franck Béria, Lucas Digne… Si j’étais Roberto Carlos, ça aurait été moins problématique. Il fallait prendre son mal en patience et se dire que ça allait finir par payer. Mais quand tu pars à 19 joueurs en déplacement, et que tu te retrouves à regarder le match en tribunes, c’est pas très bon signe.

En deux ans, tu as dû voir comment marchait le club. Bielsa à Lille, ça va matcher d’après toi ?Bielsa, c’est une forte personnalité et à Lille, on est dans un cadre où les gens travaillent de façon très tranquille et posée, avec une certaine ambition. Il peut apporter une grinta qu’il manque et qui pourrait faire beaucoup de bien. J’y étais au moment où il y avait une génération exceptionnelle, mais, dans sa globalité, Lille est un club un peu trop policé. Là, j’ai été surpris de leur recrutement massif cet hiver. On a vu le bon travail de Bielsa à Marseille, il est capable de faire pareil à Lille, ça peut réchauffer le stade. Parce que bon, ce n’est pas non plus le public lensois, hein.

En vérité, il ne te manque qu’une expérience à l’étranger. Dans l’idée, où est-ce que tu aurais aimé jouer ? Ah, il me manque aussi quelques buts (rires) ! En tout cas à la fin de l’OM, mon premier souhait était de partir à l’étranger. L’Angleterre, l’Espagne, l’Allemagne… Je n’avais pas de préférence à vrai dire. C’était une envie, mais dans la vie, on ne peut pas tout avoir.

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Propos recueillis par Antoine Donnarieix

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