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Laurent Boissier : « La politique, c’est la suite logique »
« J’ai surtout envie de répondre sur ma prochaine vie, pas celle d’avant. » Au bout du fil, Laurent Boissier, ex-directeur sportif du Nîmes Olympique limogé en décembre dernier, est d’abord réticent. Mais l’ancien dirigeant nîmois de 48 ans a quand même pris le temps de faire le bilan de son passage chez les Crocos, sans oublier son engagement pour la liste « Choisissons Nîmes » en vue des prochaines élections municipales.
Vous étiez entré au club en 2006 en tant que commercial avant d’en devenir le directeur sportif en 2015. Comment avez-vous vécu ce limogeage en décembre dernier ? Vous avez eu des explications de la part du président Rani Assaf ?Le président m’a dit qu’il n’avait rien à me reprocher, qu’il voulait passer à autre chose. Il voulait changer le système, et je ne suis qu’un employé. J’ai beaucoup d’amitié et de respect pour lui, c’est quelqu’un qui m’a fait travailler, qui m’a fait manger. Je lui ai très bien rendu, je pense. C’est son choix, et je souhaite le meilleur au Nîmes Olympique et à ses supporters.
Vous aviez néanmoins démissionné une première fois, au cœur de l’été 2019.
Au mois de mars, j’avais déjà prévenu que j’avais envie de m’arrêter. C’est dur quand tu bosses tout seul. Au Nîmes Olympique, il n’y avait pas de cellule de recrutement. J’ai travaillé tout seul pendant cinq ans à ce poste-là. À un moment donné, tu es usé, fatigué. J’en avais marre, je voulais rester avec les miens, tranquille. À ce moment-là, le président a tout fait pour que je revienne et je suis revenu. Certainement que l’erreur était là, aussi.
Le timing est surprenant, quand même. Partir en fin de saison, pourquoi pas, mais démissionner au cœur du mois de juillet et du mercato…Quand tu donnes ta vie depuis 14 ans au club, donc cinq ans à ce poste-là, tu penses tout le temps aux autres. Tellement qu’à un moment donné, tu te dis : « J’en ai plein mes couilles (sic), je vais penser à moi. » À moi, mais surtout, à ma famille. Tu donnes beaucoup, mais tu reçois peu quand tu fais ce métier. J’avais assez donné, et amassé assez de crédit pour prendre une décision pour moi.
Comme vous l’avez confié lors de votre engagement officiel au sein de la liste « Choisissons Nîmes » en vue des élections municipales 2020, ça ne marchait plus, même si vous ne l’avez pas nommé directement, entre le coach Bernard Blaquart et vous. C’était pourtant votre choix de le faire venir au club, fin 2015. Qu’est-ce qui s’est passé pour que votre relation s’effrite ?
Dans la vie, je marche à l’amitié et à la confiance. À partir du moment où je perds ça, c’est fini pour moi. C’est ce qu’il s’est passé entre nous. J’ai dit ce que j’avais à dire, je ne veux plus m’exprimer là-dessus. La seule chose que j’ai dite, c’est que je souhaitais le meilleur au club, au président, à ses supporters, mais je ne veux plus parler de lui car c’est quelqu’un pour qui je n’ai plus d’amitié ou quoi que ce soit d’autre. Ça s’arrête là.
Il y a quand même ce dernier mercato estival plus que difficile, où le NO a perdu de nombreux cadres comme Téji Savanier, Denis Bouanga, Sada Thioub, Umut Bozok, Rachid Alioui ou encore Antonin Bobichon. Ça a été la raison de cette cassure entre vous ?
(Il souffle.) Moi, je pars du principe que lorsqu’on est un petit club en Ligue 1 comme le Nîmes Olympique, à un moment donné, quand le travail que tu fais depuis cinq ans marche comme il a marché, tes joueurs sont observés. Obligatoirement, ils ont envie d’aller ailleurs, d’aller gagner plus sportivement ou économiquement et c’est normal ! Je n’entends pas Stéphane Moulin se plaindre chaque année lorsque Angers est pillé de ses meilleurs joueurs. Il faut l’accepter. Aujourd’hui, d’ailleurs, je reste quand même assez dubitatif qu’on soit à un point de la relégation (deux points de retard sur Amiens, en réalité, N.D.L.R.) avec un match en moins et dix-sept joueurs dans l’équipe que j’ai recrutés. Je me dis quelque part qu’il y a des choses difficilement compréhensibles.
Cette cassure est-elle liée au fait d’entendre « du matin au soir qu’il n’y a pas d’équipe » comme vous le confiez précédemment ? Ce n’est pas à moi de le dire, je ne suis pas propriétaire du club ! Mais quand tu entends que tu n’as pas d’équipe, que tu n’as pas de joueurs, que tu es fatigué, que tu as envie de t’arrêter… Bref, à un moment donné, ça fait beaucoup. Je trouve ça super drôle d’entendre ça quand tu as dans ton effectif Zinedine Ferhat, Paul Bernardoni, Romain Philippoteaux, Lucas Deaux, Pablo Martinez, Haris Duljevic… Si c’est ça ne pas avoir de joueurs ou pas d’équipe, OK, bah on n’avait pas d’équipe alors !
C’est une aventure inachevée ?
Non, ce n’est pas inachevé. Le souvenir des Costières et de cette communion pendant quatre ans restera gravé à vie. S’il faut faire le bilan du travail de Laurent Boissier au Nîmes Olympique, même jusqu’à aujourd’hui, c’est quand même bizarre que le président ne veuille plus de toi alors que ça marchait à merveille depuis cinq ans, que tu as fait pratiquement 20 millions d’euros de vente avec des joueurs que je suis allé chercher gratuitement. Téji Savanier, Sada Thioub, je peux tous les citer, mais c’est moi qui suis allé les chercher. S’il faut s’asseoir autour d’une table pour faire un bilan, je pense que je risque d’en sortir la tête haute.
Vous avez échangé avec votre successeur, Reda Hammache ?Non, pas du tout. Je lui souhaite bonne chance. Je sais que c’est quelqu’un qui bosse bien.
Comment est-ce que vous voyez sportivement la deuxième partie de saison de Nîmes, après le succès face à Reims (2-0) aux Costières ce samedi ? Je la vois comme je la voyais déjà depuis six mois. Si on remet les choses dans le bon sens, le NO n’a rien à envier aux six autres équipes qui vont se battre avec lui pour le maintien. Je ne suis pas inquiet du tout. Quand tu es capable en première partie de saison de faire nul à Monaco, d’en mettre trois à Brest, de faire nul à Reims ou de battre Toulouse, il y a des choses qui te font dire qu’il y a quelque chose à faire.
Après quatre ans en tant que directeur sportif, vous avez donc rejoint la liste du maire sortant Jean-Paul Fournier (LR) en vue des municipales. Comment vivez-vous ce nouveau challenge ?C’est quelque chose de nouveau pour moi. Ce n’était pas préparé. Dans ta vie, lorsque tu as la chance d’être en contact avec le maire, que tu échanges régulièrement avec lui et qu’il te propose de le rejoindre, il ne faut pas hésiter. Tous les ingrédients étaient réunis et je me voyais mal refuser dans l’état actuel des choses. J’en avais envie.
Pourquoi ce choix ?Je suis amoureux du Nîmes Olympique, amoureux de ma ville. La politique, c’est la suite logique. J’ai une certaine franchise, je ne suis pas quelqu’un qui triche. Je me dis que je peux apporter des choses dans ma cité, encore plus que ce que je lui ai apporté grâce au football.
Quelle est votre ambition dans cette liste ? Un poste vous a été promis ?Quand on te met dans les dix premiers de la liste, ça veut dire que tu vas avoir un rôle important à jouer. Ma prédilection reste le sport. Mais avant de penser à un poste, il faut gagner l’élection. Il faut rester humble, et l’important, c’est de vivre l’aventure et d’aller au bout. Il y a tellement de choses à faire pour développer la ville, l’embellir, rendre les gens heureux… Il faut tout faire pour que les gens qui nous feront confiance soient fiers d’habiter à Nîmes et d’être nîmois.
Propos recueillis par Andrea Chazy