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L’Atlético toujours plus haut ?
L'Atlético n'a jamais été aussi sûr de sa force. Entre un mercato réussi haut la main, des nouveaux venus déjà intégrés et un Cholo toujours aussi excité, les Colchoneros sont sur le point de mettre fin au bipartisme de la Liga.
C’était écrit. Ce 24 mai 2014 sonnait le glas de cet Atlético de Madrid aussi surprenant qu’envoûtant. Un coup de casque de Sergio Ramos dans le temps additionnel de cette finale de Ligue des champions aux odeurs de derbi madrileño était venu à bout de la belle épopée des « pauvres » de la capitale. L’effectif allait être pillé, les supporters désabusés, le Cholo exilé. La Supercoupe d’Espagne montrerait que l’ordre naturel reprendrait ses droits. L’Atlético de Madrid 2013/14 resterait finalement dans les mémoires de supporters, dans les livres d’histoire et dans les photos du musée rojiblanco. « Nada mas ? Mucho mas, » ont répondu en cœur direction du club et aficionados colchoneros. De par un recrutement plus qu’intelligent, des comptes qui tentent d’être assainis et une ferveur toujours aussi dingue, ils ont déjà remporté le premier titre de la saison espagnole. Leur victime, le grand méchant loup du Nord de la capitale, les attend de nouveau pour un derby sentant la poudre. Car, toujours dans la position du chasseur, l’Atlético du Cholo pourrait une énième fois créer la surprise. Enfin, surprise pour qui ?
Les conditions du Cholo
Sitôt la finale de Ligue des champions passée, et perdue, le peuple matelassier attendait un braquage en règle des grosses écuries européennes. Les millionnaires contre les sans-dents, aimaient répéter les socios des bords du Manzanares. Toute une équipe, tout un club, tous ces hinchas ont alors remis leur destin entre les mains de Diego Simeone. Un entraîneur argentin qui avait d’ailleurs passé un pacte avec sa direction : « Je reste à la seule condition que nous ne nous faisions pas piller. » De son groupe champion d’Espagne, « seuls » Diego Costa, Filipe Luís, Thibaut Courtois et David Villa sont partis. Sur les bords de la Tamise, sous les ordres d’un José Mourinho qu’ils avaient humilié en demi-finale de C1, les trois premiers cités ont rapporté gros : 63 millions d’euros. Le départ du Guaje est, lui, dû à son âge vieillissant, un salaire mirobolant et des bonus qui ne seront, donc, jamais reversés au FC Barcelone. Cette manne financière à laquelle s’ajoutent des ambitions sportives toujours aussi élevées ont convaincu le Cholo. Son armée est toujours au pas, seuls quelques soldats ont changé.
Le ravalement de façade estival n’a pas touché à l’essence même de l’Atlético : sa solidité défensive et sa rigueur tactique. Alors que Thibaut Courtois, bon gré mal gré, quittait son Vicente-Calderón, Moyá (de Getafe) et Oblak, gardien le plus cher de Liga, ont été recrutés et mis en concurrence pour le poste de gardien. En défense, Siqueira a remplacé numériquement, et qualitativement, Filipe Luís. Dans l’entrejeu, aucun changement : Koke et Arda ont été retenus, Gabi et Mario Suárez sont fidèles au poste, et Tiago a prolongé. Les grands bouleversements sont offensifs. Mario Mandžukić, Antoine Griezmann, Raúl Jiménez et Alessio Cerci sont venus garnir les rangs d’une attaque qui a coûté la rondelette somme de 80 millions d’euros. En quatre matchs officiels, la recrue star croate a montré que son style tout en puissance et en coups de coude – coucou Sergio Ramos – était fait pour le Vicente-Calderón. De même, son entente avec le Français le plus espagnol, aka Grizzi, devrait faire des étincelles. Le jeune Mexicain et l’ailier italien vont, eux, prendre du plomb dans la tête sous le joug du Cholo pour se révéler plus constants. On exagérerait à peine en disant que le mercato de l’Atléti, entre jeunesse et joueurs confirmés, est le plus excitant de Liga.
Le Podemos de Liga
Tous ces investissements n’empêchent pas l’Atlético d’être l’un des clubs les plus endettés du monde. Aux dernières nouvelles, l’entité doit 540 millions d’euros, dont 200 millions à l’Hacienda, le fisc local. Le fabuleux parcours en C1 lui a garanti des revenus quasi inespérés, mais aucunement salvateurs. « Entre ses revenus et ses dettes, l’Atlético vaut 62,5 millions d’euros selon l’audit effectué par le cabinet Deloitte sur la valeur des actions du club à la date du 7 février 2014 » , relate José Marcos Garcia, journaliste au Pais. Pour les instances du football espagnol, le club du Sud de la capitale est sur le bon chemin, mais loin d’être arrivé à destination. Des données économiques qui, pour le moment, n’ont que peu d’emprise sur le sportif. Et c’est tant mieux. À l’instar du bipartisme qui existe dans la politique espagnol entre le PP et le PSOE, l’Atlético est le « Podemos de Liga » . Aux dernières élections européennes, le parti issu du mouvement des Indignés a changé le visage de la politique de l’autre côté des Pyrénées. Plus petit, moins puissant, mais avec des idées tout aussi riches, l’Atlético est un prétendant des plus crédibles à sa propre succession. Même le Real et le Barça n’y trouvent rien à redire. Déjà une victoire en soi.
Par Robin Delorme, à Madrid