- Coupe d'Espagne
- Finale
- Atlético Madrid/Real Madrid (1-2)
L’Atlético règne sur Madrid
Des buts, des pleurs, des accrochages, de la joie… Cette finale de Copa del Rey a condensé toute la haine qui oppose les deux clubs madrilènes. Après 120 minutes, c'est finalement l'Atlético qui empoche la mise et envoie ses supporters au paradis. Un éden nommé Bernabéu.
Real Madrid – Atlético de Madrid : 1-2Buts : Ronaldo (14e) pour le Real. Diego Costa (35e) et Miranda (98e) pour l’Atlético.
Le peuple colchonero ne se rattachait qu’à cela. En trois finales de Copa del Rey, jamais il n’avait perdu face à l’omnipotent voisin du Real Madrid. Et il fallait au moins ça pour croire en un exploit attendu depuis si longtemps. Car lors des dix derniers derbis madrileños, jamais l’Atlético de Madrid ne s’est imposé. Pis, il a toujours perdu. Alors pour cette finale de gala dans un Santiago Bernabéu surchauffé, les supporters matelassiers ont fait bien plus qu’y croire. À s’en époumoner le gosier, ils ont hurlé, insulté, épauler leur XI. Bien leur en a pris. Bousculé et harcelé par un Real sans idée mais avec des individualités, l’Atlético rafle sa première Copa del Rey dans ce nouveau millénaire. Après 120 minutes à faire exploser n’importe quel palpitant, le club du Sud de la capitale remercie encore ses poteaux, son Thibaud Courtois auteur d’une ultime parade exceptionnelle et le cœur grand comme ça de ses poulains. José Mourinho a lui fêté de manière bien mortuaire ce qui sera sa dernière. Renvoyé au vestiaire en deuxième mi-temps, il ne verra pas ses joueurs, Ronaldo en tête, expulsé en toute fin de rencontre. Ni Gabi, capitaine courage de l’Atléti, soulever le premier de ses trophées madrilènes.
Cristiano surplombe Neptune
Le Santiago Bernabéu a, le temps d’un avant-match, pris des allures de Vicente Calderón. Scindé de blanc et de rouge, l’arène du Real Madrid ne vocifère pas à la gloire de ses héros habituels. En ce vendredi saint, c’est le peuple du Sud de la capitale, ces Hindias (Indiens en VF), qui en ont le contrôle. Alors que les 22 acteurs d’une pièce en deux actes foulent le pré de Santiago, les deux peuples de la capitale se font face. Imagés par deux tifos, un Conquistador face à Neptune, cette lutte se dissocie par des slogans bien distincts : « Une ville… Une conquête » côté merengue, « Il domine la mer, nous la capitale » côté rojiblanco. Les familiarités d’usage prescrites, la parole descend des tribunes sur le terrain. À ce jeu-là, Cristiano Ronaldo est indéniablement le plus fort. Après un quart d’heure stérile, où les deux équipes passent le plus clair de leur temps à se fixer les orbites, le Portugais abat à lui seul l’armée de Neptune. Sur un corner café-crème, Ronaldo paie l’addition d’un smash. Défiant une énième fois les lois de la pesanteur, il rend à Bernabéu sa teneur blanc meringue. Cette ouverture précoce, à l’instar de la saison merengue, fait resurgir tous les paradoxes du Real. Incapables de dicter le tempo, à la merci d’un éclair ronaldesque, les ouailles de Mourinho s’en remettent à la maladresse des Matelassiers. Guidés par un Arda de retour de blessure, ils insistent sur le côté droit de la défense adverse. Face à un binôme Albiol-Essien sans automatisme, des décalages se créent, mais les occasions se font espérer. C’est d’une fulgurance du tigre Falcao que viendra la libération. Après s’être défait du pressing madrilène, il envoie Diego Costa dans la profondeur qui, d’une frappe croisée, égalise. Malgré une reprise d’Özil sur le poteau, c’est bien au Vicente Bernabéu que la mi-temps est sifflée.
Courtois, ce béni des poteaux
Les gorges de nouveau hydratées, les aficionados du Sud de la capitale remettent le gaz sitôt la reprise. Sur la pelouse, seules les gesticulations et les vociférations d’el Cholo Simeone dans son rectangle provoquent du mouvement. Car entre deux équipes adeptes du jeu de contre, on ne sait que trop faire de la possession. Modrić, encore aligné à la baguette aux côtés de Xabi Alonso, tente bien de dynamiser le jeu du Real, rien n’y fait. Chez l’Atlético, même topo : bien trop heureux d’être revenu au tableau d’affichage, la bande à Gabi ne prend pas de risque et préfère rester solide sur ses fondations. À l’heure de jeu, tout s’accélère. Enfin. Condamné à un rôle plus latéral, Özil, sur un centre vicieux, lobe Courtois qui ne doit sa claquette qu’à son double mètre. Trois minutes s’ensuivent et le Némo teuton est à la réception d’un poteau de Karim Benzema. Après une feinte « casse-rein » , il pense redonner l’avantage aux siens jusqu’à ce que Godín se mue en sauveteur sur sa ligne. Entre-temps, Filipe Luis avait donné des sueurs froides à Diego López sur une frappe rasant son petit filet. En trois minutes, la folie, déjà dans les gradins, s’incruste sur le terrain. Cette tension ne va d’ailleurs plus le quitter quand Cristiano Ronaldo envoie son coup franc s’écraser sur le montant du goéland belge. Pour la troisième fois de la soirée, Courtois est sauvé par ses poteaux… Touché, le navire rojiblanco ne va pas couler. Et est presque à deux doigts de faire sauter un plomber à Sergio Ramos. Excédé, ou juste trop fougueux, l’étalon andalou se la joue Schumacher et s’envoie le cul en avant sur Gabi Battiston. Guerre des tranchées, cette finale connaîtra son premier expulsé à un quart d’heure du terme. Exaspéré par un nouveau coup de sifflet de l’arbitre, José Mourinho est renvoyé aux vestiaires pour sa première sortie de banc. Triste départ qui sonne la fin prématurée de 90 minutes qui en paraissent le triple. La peur au bide, les 22 acteurs décideront du sort de cette finale en prolongation.
Miranda envoie l’Atlético au paradis
Irrespirable, l’atmosphère frise l’asphyxie. Quatre minutes après le début des hostilités, Diego Costa chie mou et foire son face-à-face avec Diego López. Partie remise. Mal en point, le Real ne doit ensuite son salut qu’à un retour in extremis d’Essien qui prolonge l’ouverture en corner. Dans la foulée, le Colchonero de toujours, Koke, remet en deux temps le cuir dans le paquet. Surgit alors Miranda qui, au premier poteau, coupe la trajectoire et les ailes du Real. L’ex de Sochaux envoie par là même son public dans un délire bien à lui. Au milieu des fumis – fait rarissime en Espagne – on retient alors son souffle quand Pipita Higuaín se retrouve seul face à Courtois. Pour son unique parade, le Belge sort le grand jeu et claque la parade idoine. Un arrêt de débutant en comparaison de celui qu’il sort dans ce deuxième acte de prolongation. Seul face à un Özil lancé pleine balle, il se déploie de tout son long pour envoyer le cuir dans la fosse des ultras madridistas. Les dernières minutes ne se résument plus qu’à des règlements de cours de récré. Ronaldo réagit de façon trop virulente à un taquet de Gabi. Rouge. Alors qu’un grand n’importe quoi s’ensuit, Courtois reçoit lui sur le crâne un projectile des intellectuels ultras Sur. Mais qu’importe : pour les Colchoneros, le paradis rime désormais avec Bernabéu.
Par Robin Delorme, à Madrid