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L’Atlético Madrid est-il le Dortmund de l’an passé ?
Entre l’Espagne de Rajoy et l’Allemagne de Merkel, peu de comparaisons possibles. Au football, la donne est différente. Car cet Atlético de Madrid actuel partage quelques traits avec le Dortmund de l’an dernier. Reste désormais à savoir si le Barça sera son Bayern.
Simeone, Klopp : des entraîneurs charismatiques
Comme toute hype qui se respecte, l’Atlético 2013-14 et le Borussia de 2012-13 disposent de deux entraîneurs charismatiques. Sur les bancs, deux gueules, deux dégaines. Diego Simeone pour les Colchoneros, Jürgen Klopp pour les Schwarz-Gelben. Élégants au quotidien, les deux hommes sont des fous furieux une fois dans l’arène. Quand certains techniciens optent pour une tranquillité qui n’est qu’apparente, Diego et Jürgen sont des agités. Souvent, voire toujours dans l’exubérance, ils « vivent » leur match. Leurs gestuelles respectives donnent plus dans le Rock in the Casbah que dans le Sunday Morning. Bref, l’un comme l’autre sont des bons clients, des mecs qui n’ont de lisse que leurs smokings. Et, surtout, sont devenus des références du poste dans le monde entier – sauf pour celui de la FIFA, évidemment.
Des styles plus proches qu’il n’y paraît
« Oui, l’Atlético est à l’image de Diego Simeone, tout en hargne et en grinta. Solide, quoi. » « Ah mais le Borussia, qu’est-ce que ça joue bien ! Ça va vite, c’est jeune… » Si les analyses se limitaient à ces discussions de comptoir, l’Atlético de Simeone et le Borussia de Klopp n’auraient rien en commun dans leurs jeux. Faux. Archi-faux. Ces deux équipes préfèrent un jeu de contre, donc de sorties de balle supersoniques après récupération. Pas franchement fan d’une possession stérile, les deux coachs aiment la rapidité. Entre la doublette Götze-Reus et le binôme Arda-Koke, avantage à la vitesse pour les Allemands. Ce qui n’empêche la bande à Simeone d’avoir fait du but en contre sa spécialité. Même si cette saison, plus attendu, l’Atlético du Cholo doit faire face à des défenses plus attentistes. On appelle ça « avoir plusieurs cordes à son arc » .
Lewandowski, Diego Costa : bonjour, au revoir ?
Débarqué anonymement du Lech Poznań en 2010, Robert Lewandowski a explosé avec le BVB. Pour Diego Costa, même combat. Après divers aller-retour dans la péninsule ibérique, il a posé ses valises à l’Atlético en 2012 – il a été recruté par le club en 2007, puis racheté en 2010 avant de connaître un prêt au Rayo Vallecano… Inconnu à leurs arrivées, les deux ont bluffé leur monde. Puissant, agiles, loubards (surtout Diego), ils enfilent les buts. À l’affut, le Bayern l’a dégoté pour peanuts. Histoire de ne pas vivre la même situation, l’Atlético a assorti son contrat d’une clause de sortie de 38 millions d’euros. Il se murmure dans les arcanes de Majahondas que le board matelassier ne serait pas contre une belle plus-value l’été prochain. Jurisprudence Robert Lewandowski oblige.
Heureusement, Koke n’est pas encore Götze
Koke Resurrección et Mario Götze ont plus qu’une année de naissance en commun (1992). Les deux ont été, ou sont toujours, des emblèmes de formation. Avec une première licence à huit ans au Borussia, Mario y a tout appris. Koke, le natif de Madrid, débarque lui du Rayo en 2008, et s’impose illico avec les grands. Pas tout à fait similaires, leurs parcours n’ont empêché leurs aficionados et fans de les ériger en idole du peuple. Sur le terrain, même constat. Plus vifs, Götze est une anguille quand le sens de la passe et la vision de Koke lui servent d’artifice. Quoi qu’il en soit, ces deux joueurs sont attirés vers le but et sont des esthètes dans leurs registres. L’été dernier, le départ (pour 37 millions d’euros) a été un crève-cœur pour le Borussia – la traîtrise aurait été de s’engager pour Schalke. Au mercato prochain, l’Atlético aura également bien du mal à retenir sa progéniture…
Vicente Calderón et Signal Iduna Park : des arènes bouillantes
En terme de tifo, d’ambiance et de folie, le Signal Iduna Park a mis une sacrée baffe à l’Europe du football l’an dernier. Avec son mur jaune et ses 80 000 places, l’antre de Dortmund donne la frousse. Les supporters y sont acharnés, le stade paré de jaune et noir, et les heurts, parfois, violents. Des traits que partage en partie le Vicente Calderón. Cocotte minute sous tension permanente, le stade qui borde le Rio Manzanres est étouffant. Le Frente Atlético, seul groupe ultra du club, est le plus bruyant d’Espagne. L’un des plus redoutés, aussi. Ce samedi, pour la réception du Barça, ce vieux Vicente fera salle comble. Ne vous étonnez pas si cette ambiance vous transporte. Elle le fait en tout cas pour ses poulains colchoneros.
Bayern, Barça : mes que des adversaires
Être la bonne surprise, l’instant fraîcheur, d’une année footballistique, ne suffit pas. Pour atteindre le stade supérieur de l’évolution, faut-il encore avoir un rival monstrueux. Le Bayern l’a été l’an dernier, le Barça a toutes les chances de l’être cette saison. Car pendant que les farfadets de Jürgen Klopp amusaient l’Europe, le Bayern la détruisait. Trop forte, la bande à Francky n’a pas même laissé des miettes au Borussia (deuxième de Bundesliga, éliminé en quart de la Coupe face au Bayern, et une C1 sous l’oreille). L’épouvantail de l’Atlético pourrait lui répondre aux initiales du FCB. Beaucoup mieux depuis l’arrivée du Tata Martino, le Barça peut effrayer. Pas encore à fond, ses réserves offensives semblent inépuisables. Sa profondeur de banc également. Sur le plan domestique comme européen, il se pourrait bien que l’Atlético ait trouvé son Bayern.
Une histoire parallèle, ou presque
Avant de se retrouver au top des charts, Borussia et Atlético ont connu les fonds de bacs. Vainqueurs de la Coupe des coupes en 1962 pour les Colchoneros, en 1966 pour les Schwarz-Gelben, les deux clubs ont un passif européen. Le Borussia, vainqueur de la Ligue des champions en 1997, fait même mieux. Ce qui n’a rendu sa chute que plus terrible. Tombé dans l’anonymat de 2003 à 2008, le club a mis du temps à se remettre de sa politique coûteuse du début du millénaire. L’arrivée de Klopp et de jolis paris plus tard, le Borussia se retrouvait en finale de C1. L’Atlético, lui, est devenu le synonyme de la lose en Espagne. Champions de Liga et de Copa del Rey en 1996, les Indios descendront la saison suivante. Jusqu’à ses deux Europa League (2010 puis 2012), le néant. Depuis l’arrivée du Cholo, tous les espoirs sont permis. Même les plus fous. Surtout les plus fous.
Par Robin Delorme, à Madrid