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L’Athletic et sa philosophie flexible

Par Robin Delorme, à Madrid
4 minutes
L’Athletic et sa philosophie flexible

Depuis sa création, l'Athletic Bilbao est étiqueté « produit régional ». Une spécificité qui fait son charme, mais dont le club a également dû se jouer. Pour exister à l'échelle nationale, et aujourd'hui continentale, ses principes ont été changés à défaut d'être bafoués. Explications.

« Nous ne souhaitons rien d’autre pour les fils de cette terre que de représenter notre club, et ce faisant, nous nous affirmons comme une entité sportive, et non comme un vulgaire business. Nous souhaitons transformer nos joueurs en hommes, non en simples footballeurs. À chaque fois qu’un joueur issu de la Cantera débute en équipe première, nous avons le sentiment d’avoir atteint l’objectif fixé, en respectant les idées de nos fondateurs et ancêtres. » José María Arrate, président de l’Athletic Bilbao de 1994 à 2001, se la jouait un brin conservateur lors de son intronisation à la tête du club. Un faux-semblant, ou presque. Au fil des années, ce discours identitaire a gagné en flexibilité, en arrangement. Il y a la règle et son application. Aujourd’hui, revêtir le maillot rouge et blanc est un honneur qui n’est plus réservé aux Basques de naissance. Un lointain aïeul, un passage dans un centre de formation ami ou une enfance passée en Euskadi « suffisent » . Retour sur la mutation d’une philosophie qui demeure toujours aujourd’hui unique.

Des finances à l’ère du foot-business

Avec la réception du Napoli, les Leones s’apprêtent à baptiser leur nouvelle cathédrale, leur San Mamés 2.0 (l’an dernier, le stade n’était pas tout à fait terminé). Une enceinte classée catégorie 4 par l’UEFA – pouvant donc recevoir une finale de Ligue des champions, par exemple –, et qui compte de nombreuses loges VIP et Premium. Le tout intégralement financé par la région. Du foot-business dans toute sa splendeur. Pour continuer à exister au plus haut niveau, l’Athletic a su adapter sa structure économique. Il est même un exemple à suivre pour bon nombre de clubs espagnols. Avec des transferts à coup nul (ou presque), sa dette ne s’élève qu’à 17 millions d’euros. Mieux, il ne doit rien à l’État espagnol, ce qui fait de lui un cas unique de l’autre côté des Pyrénées. Pour ce, la direction du club a su revoir à la hausse ses droits télévisuels en recevant la quatrième contribution de la Liga, soit 30 millions d’euros annuels. Même topo pour son centre de Lezama où se trouve sa Cantera. Environ 20 millions d’euros vont être injectés dans sa refonte.

Les jeunes, justement, sont la pierre angulaire de tout le projet plus que centenaire de l’Athletic. À son origine, le club de la capitale basque suit l’idéologie de Sabino Arana Goiri, défenseur d’un nationalisme basque où racisme et xénophobie font bon ménage. En 1919, « La pureté du sang » est un code d’honneur et de recrutement à suivre. Rapidement, les différentes directions du club offrent plus de souplesse à ces règles draconiennes. La première évolution date des années 50. Alors que Real Madrid et FC Barcelone sont déjà dans une course à l’armement (Puskás, Di Stéfano, Kubala…), l’Athletic Bilbao applique la règle des « grands-parents » . En d’autres termes, un joueur peut désormais porter les couleurs des Leones à condition que l’un de ses aïeux soit originaire du Pays basque. Dans les nineties, nouveau changement de cap. Le club s’autorise le droit d’aller puiser dans les centres de formation des clubs voisins. La Real Sociedad et l’Osasuna, essentiellement, sont visés. Le début des contentieux.

L’international de l’Athletic

Le premier litige remonte à 1995 et le recrutement du jeune Joseba Etxeberria en provenance du centre de formation de la Real Sociedad. Cette « prise » n’a fait que détériorer les liens entre les deux clubs voisins. Depuis, les cas se sont répétés. Le plus fameux « détournement de mineur » reste celui de Javi Martínez. Alors pensionnaire de la Cantera d’Osasuna, il prend la direction de Bilbao en échange de six millions d’euros. Le bougre n’avait alors que 17 ans et aucun match de pro dans les jambes. Eric Olhats, recruteur du fanion de San Sebastián, raconte la parade trouvée : « Pour recruter les bons jeunes du coin, il faut faire valoir ses arguments. À partir de 16, 17 ans, au moment de la signature de leur premier contrat chez nous, nous incluons une clause libératoire de 30 millions d’euros. Cela permet d’éviter les mal-entendus qui ont pu exister dans le passé. »

Depuis désormais une quinzaine d’années, cette clause millionnaire permet d’éviter de nouveaux cas à la Etxeberria. De même, il est désormais possible de voir des non-Espagnols sous le maillot de l’Athletic. Déjà dans les années 80, Vicente Biurrun, gardien de son état et brésilien de par sa naissance, avait gardé les cages de San Mamés après avoir connu une formation basque. S’en sont suivis les cas de Fernando Amorebieta, né au Venezuela, Ander Herrera, formé à Saragosse, et dernièrement Aymeric Laporte, évoluant alors au club-partenaire de l’Aviron Bayonnais. Une certaine idée de la mondialisation au niveau régional.

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