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Larusso : « Zizou a transformé le foot »
En 1998, Larusso balançait Tu m'oublieras sur les ondes, succès presque aussi probant que la victoire des Bleus. Vingt et un ans plus tard, la supportrice du Paris Saint-Germain revient sur le devant de la scène avec un nouveau single, Crois-moi. L'occasion de recenser ses plus beaux souvenirs de football.
Tes premiers moments de foot ? Avec mon grand-père. Le papa de ma maman était un très, très, très grand fan du PSG. J’ai été élevée à la sauce parisienne. Toute petite, je revois mon grand-père, mon père, mes oncles, cousins, mon frère en train de hurler. Mon grand-père connaissait limite toute la vie de chaque joueur. J’ai grandi là-dedans.
Ton rapport à ce sport ?
J’aime le foot, mais j’ai besoin d’être dans l’ambiance pour regarder. J’ai du mal à le faire seule à la maison. Et puis j’ai l’impression que si je ne les regarde pas, ils vont gagner. (Rires.) Je ne sais pas pourquoi je me suis mis ça en tête. Je regarde les matchs importants, je suis à fond pour le PSG, c’est de famille. Mais j’aime aussi, quand je vais à Marseille, voir l’amour des Marseillais pour leur club. C’est bien plus puissant que nous à Paris. C’est une religion, l’OM. Ils le vivent à 2000%. Ici, tous les Parisiens ne supportent pas le PSG, mais à Marseille, c’est dans le sang.
Des idoles ? Pour les années 1980, tu ne peux pas ne pas parler de Platini. C’était la star du foot. Ensuite, tu ne peux pas ne pas parler de Zidane. Zizou, c’était un cadeau. La France a vraiment eu beaucoup de chance d’avoir un joueur comme lui.
Pourquoi ? Au-delà du côté sportif, c’est un mec avec une très bonne mentalité, qui rassemble, il ne divise pas, ce n’est pas un soliste. Il aime jouer en équipe, partager. Il n’aime pas se mettre en avant. Son humilité, sa timidité m’a bouleversée. Je l’ai rencontré plusieurs fois et il est comme en interview : calme, timide, il n’a peut-être même pas conscience de son potentiel. Il est tellement humble.
Pourquoi Zidane rassemble autant ? Parce qu’il a un message positif. Il est généreux, sain. Il élève ses enfants avec des bons codes. Il parle positivement du foot. C’est ça qu’il dégage. J’ai l’impression que les gens s’identifient beaucoup à lui. Il nous a tous fait vibrer. Il a fait des trucs fabuleux, incroyables, ce type. Et même aujourd’hui en tant qu’entraîneur… il a un truc ! Il est né pour ça. Je suis totalement fan de lui. Sinon j’aime beaucoup Sylvain Wiltord avec qui je suis copine. C’est un mec magique, super joueur. On lui dit merci pour l’Euro parce que c’est grâce à lui. Il ne faut jamais l’oublier.
Il a tourné dans un de tes clips, Pas de ChiChi.
Oui, c’est un gars en or massif, un sportif de haut niveau, un gentil. Il aime la musique. Il est venu dans mon clip vraiment à la coule. Il n’en a rien à foutre que les gens aiment ou pas Larusso. Lui, s’il kiffe, il y va.
Demain, il peut le faire avec un gros rappeur, c’est selon ses envies et son rapport avec la personne. Au-delà de ça, c’est un putain de joueur. De toute façon, toute cette génération de mecs… J’ai rencontré hier Emmanuel Petit… Petit, Dugarry, Djorkaeff… toute cette époque de 1998, on avait une équipe de malades. Les nouveaux sont à tomber, mais eux avaient un truc inexplicable. Leur code, leur mentalité, l’esprit d’équipe… On les sentait humbles, proches des gens. On avait l’impression qu’ils nous ressemblaient. On pouvait s’identifier. Dans les nouveaux, celui qui ressemble le plus à Zidane, c’est Mbappé, dans son caractère. Il est mignon, touchant quand il parle. On sent qu’il aime le foot, qu’il vibre. Il est tellement calme, positif. Et il le dit : il aime faire vibrer les gens. Kylian, je l’aime à en crever, je l’adore. Il me bouleverse, ce mec.
Tu es liée à une chanson comme certains joueurs le sont à un geste. Exactement. Quand tu fais des choses assez fortes, ça te suit toute ta vie. C’est très positif, car ça nous ouvre des portes, les gens nous apprécient, nous aiment et nous suivent, mais de l’autre côté, on peut porter cela comme une croix. Parfois, c’est pesant parce qu’on te lie tout le temps à ça. On ne prend même pas la peine d’écouter ou de regarder ce que tu as à proposer d’autre.
Le football, un art au même titre que la chanson ? Oui. Le foot est un art, les sportifs sont des artistes. Ils rassemblent les peuples, font vibrer les gens, les aident à oublier leur quotidien. Les gens souffrent, vivent très difficilement. Ce n’est pas facile, on voit tout ce qui se passe en ce moment. Le peuple le dit : « On a mal, on n’y arrive pas ! » Il reste qui ? Les artistes, ceux qui font rêver, ceux qui te permettent durant 90 minutes d’oublier tes problèmes. Tu vibres et tu es réuni avec des gens qui ne te ressemblent pas forcément. Que ce soit physiquement ou au niveau de la religion, de la couleur, de l’orientation sexuelle, on n’en a plus rien à foutre de tout ça. On est des êtres humains et on vibre pour la même passion, que ce soit le foot ou la musique. C’est là notre force, notre taf. C’est dommage que ce soit seulement pendant la Coupe du monde que le pays soit uni.
Les joueurs rassemblent avec l’équipe nationale, mais lorsque deux clubs s’affrontent, n’est-ce pas l’inverse ?
Déjà, je pense que ce n’est pas le but des joueurs. Et puis, ce que les gens, ce que les supporters doivent comprendre, et je peux le dire parce que je l’ai vu de mes yeux, c’est que les joueurs de foot entre eux ont beau être de clubs différents et opposés, ce sont des potes, ils se kiffent. Eux-mêmes ne comprennent pas certaines attitudes. Supporter son équipe, c’est mortel. Quand le PSG rencontre Marseille, je ne me focalise pas sur les Marseillais, je supporte Paris… Les gens ont le droit d’être opposés dans leur amour et leur soutien, mais pas dans des trucs scabreux, à se taper. Ça ne sert à rien, les joueurs entre eux sont copains. C’est comme les avocats. Ils plaident l’un contre l’autre et une fois sortis du palais de justice, ils fument une clope ensemble.
Bon, c’est pour quand la Ligue des champions ? (Rires.) Tout le monde est sur les côtes de Paris, tout le temps. J’aimerais qu’on arrête de dire que le PSG gagne ou doit gagner parce qu’il y a des millions. Il y a des très bons joueurs, qui sont bien payés, ils le méritent, mais ces mecs avant de valoir cette somme, ils ne valaient pas un euro. Ce n’est pas l’argent qu’on a mis sur Neymar qui l’a fait devenir un super joueur. Paris a cette chance d’avoir un patron de club avec de la thune, mais il y a le talent de base. Ton esprit, tu choisis où tu le mets : sur le négatif ou le positif. J’aime le club, donc je me concentre sur le positif. Il n’y a rien de certain dans le foot et c’est ça qui est beau.
Quel footballeur aurais-tu aimé être ? Beckham juste pour sa belle gueule et Zizou pour le jeu. Zizou est un magicien, il fait vibrer, Zizou a transformé le foot, ce n’était plus pareil quand il est arrivé. Il a créé un autre football, comme Platini à son époque, ce n’est pas explicable. C’est ce qu’il a dans les pieds, dans la tête, sa manière de mener son équipe, d’être avec eux. Il fait les choses au bon moment. Mais comment fait-il ?
Pour être un grand joueur, ou un grand artiste, faut-il avoir forcément avoir une palette variée ? Je pense qu’il faut être humble et exceller dans ce qu’on sait faire, donc il faut le laisser à sa spécificité. Un gars qui y arrive est un gars passionné.
Tu as parlé d’humilité.L’humilité est amenée par l’éducation. Quand je vois Kylian avec son papa, on voit qu’il a des codes, des valeurs, le gamin. Puis après, c’est ton caractère, si tu es sensible aux autres. Il ne faut jamais se laisser avoir par l’argent, le faste. Tu n’es pas une meilleure personne parce que tu as de l’argent.
Chanteurs, sportifs, sont aujourd’hui moins libres avec l’avènement des réseaux sociaux.
Je suis contente de ne pas avoir grandi avec les réseaux sociaux. Il y avait tout un mystère autour de nous. Quand on rencontrait les gens, c’était un putain d’évènement. Maintenant, on peut se parler, ça démystifie le truc. C’est bien aussi parce que, d’un autre côté, on est bien plus proche des gens, on a tout de suite leur sentiment. Mais on aimait bien aussi l’époque où l’on pouvait ne pas nous voir, ne pas nous croiser comme ça.
Sportifs comme artistes, certains ont peur d’être oubliés, de retomber dans un certain anonymat. Retomber dans l’anonymat, ce n’est pas possible, même pour les joueurs de foot. En marchant dans la rue, il y a toujours des personnes qui te reconnaissent, qui te balancent de l’amour dans la tronche. Après, tu n’es pas né sous les projecteurs. De toute façon, une fois que tu es connu, tu le seras toute ta vie. Mais on parle de quelle reconnaissance ? Monter sur scène, jouer au foot ? J’ai continué à chanter même sans être à la télévision. Pendant 20 ans, j’ai toujours fait ça. Ça ne m’a jamais manqué parce que je ne suis jamais partie.
Propos recueillis par Flavien Bories