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Lars Elstrup, l’insoumis à nu
Champion d’Europe 92 avec le Danemark, il a lâché le foot du jour au lendemain pour « répondre à des questions ». Naturiste, gourou et maintenant streaker, c’est peu dire que Lars Elstrup en a parcouru du chemin pour trouver des réponses.
Il court, entièrement nu, au milieu des joueurs des Randers et de Silkeborg, vers le rond central. Les gens le regardent, hurlent, rient, mais ne le reconnaissent pas. Il pose d’abord ses deux mains sur la tête, puis fait un poirier sur le rond central et refait un « namasté » . Mais toujours personne qui n’ose le plaquer ou le sortir du terrain. La situation dure une éternité. En réalité, quelques dizaines de secondes avant que deux stadiers ne le prennent par les bras et ne le sortent du terrain. Un streaking tout ce qu’il y a de plus normal. Sauf qu’après examen des photos, l’homme sans vêtement s’avère être Lars Elstrup, soit l’homme qui a éliminé la France de Platini des poules de l’Euro 92 et a amené le Danemark au sommet de son histoire.
Euro 1992’de Danimarka kadrosunda bulunan eski futbolcu Lars Elstrup, Randers-Silkeborg maçında sahaya girdi. pic.twitter.com/86rUxiWBqu
— Takım Oyunu (@takimoyunuorg) 27 août 2016
Ovni et philosophie
Mais ce sommet, avec son passage remarqué à Brøndby et à Luton, marque avant tout le début de la redescente : « Mon corps était fatigué, mon esprit aussi. Et à trente ans, j’avais assez d’argent pour arrêter. » Arrêter pour faire quoi ? Chercher des réponses, toujours. Et un jour, à Odense au Danemark, il a une révélation : « J’ai vu des ovnis sur la place devant mon appartement, une colonne de lumière est apparue de nulle part. J’ai dit à ma copine Charlotte : « Viens ici. » Je savais que les gens allaient dire que j’étais maboule, donc je ne leur ai pas dit. Je ne voulais pas écouter de conneries de personne à ce sujet. » Son biographe parle de spiritualité. Mais vu de l’extérieur, ça a tendance à inquiéter son entourage. Surtout quand il rejoint la « communauté » de l’Oie sauvage, pour ne pas dire secte. Lars Høgh, ancien coéquipier, raconte : « Il cherchait des réponses à des questions. Il aurait pu aller n’importe où, devenir un chrétien pratiquant, essayer le soufisme ou partir faire de l’humanitaire, mais il a croisé la route de ces gens. »
Pendant un an, il suit les pas d’un gourou indien, Sri Ganapathi Sachchidananda, prend le surnom de Darando ( « le fleuve qui se jette dans la mer » , ndlr), s’éloigne de sa copine, de sa famille, et finit par créer sa propre communauté dissidente, Solens Hjerte ( « le cœur du soleil » , ndlr), dans laquelle il vit pendant six ans. Entre-temps, il fait un voyage en Inde, déprime assez salement et tente plusieurs fois de mettre fin à ses jours. Mais pour son biographe, pas question de le faire passer pour ce qu’il n’est pas. Ni illuminé, ni candide au point de ne pas savoir ce qu’il est en train de faire : « C’est quelqu’un de complexe, de très intelligent, mais un peu naïf. Il lit énormément, s’intéresse à la philosophie. Il est plus intelligent que le footballeur lambda, peut-être même trop intelligent. » Son altérité viendrait plutôt d’un traumatisme d’enfance, toujours selon son biographe. Une sorte de contre-culture face à l’austérité et à la rigueur de son père, épicier de Raby, un village du nord du Danemark, et à l’éducation militaire.
Naturisme et prosélytisme doux
Alors voilà, aujourd’hui, Lars garde quelques séquelles. Ou plutôt un mode de vie marginal. Il préfère vivre sa vie comme il l’entend, parfois comme un SDF, « même s’il doit lui rester quelques millions » selon son biographe. Il préfère couler un bronze sur Trafalgar Square pour faire le show, rêver d’un « reverse anal gangbang » s’il gagne à l’Euro Millions, avoir envie de « parler de sa vie ou de ce qu’il se passe dans l’estomac des gens quand ils vont aux toilettes » , se mettre à poil dans la rue ou dans un stade, plutôt que de vivre comme une personne convenue, laisser filer le temps et vivre à travers le football sans jamais essayer de répondre à ses questions. Quitte à ne pas toujours être compris et à passer parfois pour un fou : « Je suis nu, je suis né nu et je n’ai rien à cacher. C’est pour ça que j’ai fait ça, que j’ai couru nu et fait le poirier ce week-end. C’est pour aider les gens. Pour qu’ils prennent soin de leur corps et de leur esprit. Le yoga, la respiration et les étirements sont un moyen d’y arriver. Et si je suis allé sur la pelouse, c’est pour qu’un maximum de gens reçoivent mon message. Je veux que les gens sachent qu’ils peuvent vivre d’une autre manière. » Définitivement pas un streaker comme les autres.
Par Ugo Bocchi
Propos de Lars Høgh et de Carsten Hansen recueillis par Arthur Jeanne, ceux de Lars Elstrup par Arthur Jeanne et Ugo Bocchi