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L’Argentine, 7e meilleur championnat du monde, vraiment ?
L’année dernière, l’IFFHS plaçait l’Argentine à la 7e place des meilleurs championnats du monde. Cette année, le pays du tango pourrait faire mieux encore. Pourtant, entre corruption et pauvreté du jeu, le foot argentin va mal. Ce ne sont pas les cinq 0-0 du week-end dernier qui feront dire le contraire.
« Le football argentin est apocalyptique. Il est hystérique, tricheur et arrangé. Ça me rend malade. Mais j’ai toujours dit que quand quelqu’un arrive dans ce championnat, qu’il ne se fasse pas à l’idée que ça change un jour. Si on y entre, on le fait en connaissant les règles du jeu. » Quand Gerardo Martino parle, on l’écoute et on constate les dégâts. Quart de finaliste en Afrique du Sud avec le Paraguay, finaliste de la Copa América l’année dernière, le meilleur joueur de l’histoire de Newell’s Old Boys a fait un retour fracassant au pays. En quelques mois, il a fait passer son équipe de Rosario du fond du classement à la lutte pour le titre et a rapatrié des joueurs comme Heinze et Maxi Rodríguez dans un championnat qu’il n’hésite pas à démonter. Dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas, Martino l’a fait. Et bien fait. Oui, sur le terrain comme dans les tribunes, le football argentin vit une sale période, malgré les classements trompeurs de l’IFFHS.
Tigre, 0 victoire en championnat, demi-finaliste continental
L’année dernière, l’organisation a placé l’Argentine au septième rang des meilleurs championnats nationaux du monde. Entre le Brésil et les Pays-Bas, et devant des pays comme l’Ukraine, la Turquie et le Portugal. Cela fait même dix ans que la Primera est située entre la 3e et la 7e position, du fait des bons résultats de ses meilleurs clubs dans les coupes continentales. Avec Boca Juniors en finale de la Libertadores au mois de juillet dernier et Tigre actuellement en demi-finale de la Sudamericana (l’Europa League d’Amérique du Sud), l’Argentine devrait encore truster les premiers rôles cette année. Pourtant, à y regarder de près, pas de quoi s’enflammer devant les deux champions nationaux. Boca propose un niveau de jeu affligeant – surtout depuis le départ de Riquelme – que les joueurs eux-mêmes reconnaissent, et Tigre est 19e du championnat, sans aucune victoire après 14 journées. « Le résultat dissimule tout le reste. Certains journalistes devraient dire: « Dans un très mauvais match, telle équipe a gagné 2-1 », mais tu vois des titres qui te font croire que ça a été un match de fou. On est tous responsables de ce qui arrive. Je me rends compte que ça joue très mal ici, mais j’ai l’impression que c’est ce qui préoccupe le moins » , expliquait Martino à La Nacion.
« « L’Argentine vit la même réalité que la France : le football pauvre »
Ce week-end, la 14e journée a commencé vendredi avec un 0-0 entre Belgrano et Argentinos Juniors, puis un 0-0 entre Newell’s et Quilmes. Elle a terminé dimanche avec un 0-0 entre San Martin de San Juan et Independiente, un 0-0 entre Colon et Boca et un 0-0 entre Racing et Arsenal. Que du bonheur. Au final, seules 8 des 20 équipes du championnat ont réussi à marquer un but. Tous les week-ends, c’est la même chose sur les pelouses de Primera. Un jeu stéréotypé, sans idée, sans coup de folie, sans génie. « Le football local ne se joue pas, il se dispute. C’est un combat, une lutte » , expliquait Carlos Bianchi dans une excellente interview accordée à la Garganta Poderosa la semaine dernière. Dans l’engagement, il n’y a rien à redire. C’est tout le reste qui manque. « L’Argentine vit la même réalité que la France : le football pauvre. Parce qu’il a besoin de vendre pour survivre. Les meilleurs s’en vont, et il ne nous reste presque que des joueurs en fin de carrière ou des jeunes qui veulent partir, peu expérimentés et d’un niveau moyen » , continue Bianchi. Une réalité beaucoup plus forte en Argentine, quand même, premier pays exportateur de footballeurs et en grande difficulté économique.
Environnement négatif
Alors, oui, il reste la passion. Ces stades à l’ambiance unique, exceptionnelle. Ces frissons à l’entrée des équipes sur le terrain. Mais la fête est régulièrement gâchée par les barras bravas, ces mercenaires qui font la loi dans les tribunes (et parfois même dans les vestiaires) contre une grasse rémunération des dirigeants. Tout le monde le sait, mais les médias ne voient qu’une partie de l’iceberg (les auteurs de la violence et non ceux qui la commandent et la financent) et personne n’agit. Sauf Javier Cantero, président d’Independiente, qui a passé un grand coup de balai et éjecté du stade ceux qui « volaient l’argent du club » . Résultat, Pablo « Bebote » Alvarez, ancien chef de la barra d’El Rojo, est parti vivre dans sa baraque à Ibiza. Tranquillement. Un contexte compliqué, qui ne facilite pas les choses. « Il faut veiller à ce que tout le monde soit payé, que les barras bravas ne viennent pas faire pression sur toi. Ce n’est pas seulement jouer, disputer un match, gagner et t’en aller. Tu as cinq ou six fronts différents. Les conditions ne sont pas réunies pour qu’un joueur ne pense qu’à jouer au football » , regrette Martino. En attendant de voir le jeu s’améliorer, généraliser le travail de Cantero serait déjà une bonne première étape. Histoire d’éviter les fuites d’argent. Et de rendre le football à ses supporters.
Par Léo Ruiz