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Laporte, emblème de la mutation de Lezama
Plus que jamais apprécié par-delà les Pyrénées, même si boudé dans l’Hexagone, Aymeric Laporte est l’emblème du renouveau de la formation de l’Athletic. Plus progressistes, mais toujours en adéquation avec leur tradition, les Leones font office d’élève modèle pour former les cracks de demain. Et d’aujourd’hui.
Les environs de l’ancien San Mamés racontent l’histoire si atypique de l’Athletic Bilbao. Sur un mur délabré, à quelques encablures de la Cathédrale, une inscription définit cette particularité : « Dieu n’a créé qu’une équipe parfaite. Pour les autres, il les a remplies d’étrangers. » Un verset, loin d’être biblique, qui rappelle à quel point l’aficion des Leones fait de sa spécificité sa fierté. Pour sûr, les quelque 118 années d’histoire et plus d’une trentaine de titres de l’Athletic valident une philosophie sportive uniquement, ou presque, basée sur la formation de joueurs basques. Depuis l’éviction des derniers footballeurs – car marins – anglais de l’effectif rojiblanco à l’aube du XXe siècle, seuls les joueurs basques, ou formés dans un club du Pays basque, peuvent défendre le maillot rouge et blanc provenant de Southampton. Cette règle reste en vigueur tout ce siècle durant, avant de prendre une tournure progressiste à l’orée des années 2000. Natif d’Agen et peu au fait de son arbre généalogique, Aymeric Laporte en est le parfait exemple. Une exception qui confirme l’évolution du si fascinant Athletic Bilbao.
« Peu importe qu’il soit blanc ou noir »
Bien avant l’arrivée du jeune central français, d’autres cas défraient la chronique de San Mamés. Plus rigide, la règle qui prévaut alors dans le club de la capitale basque est respectée à la lettre. Même si elle ne connaît pas la moindre existence légale, les différentes directions basques, élues par des socios encore plus puissants qu’au FC Barcelone ou au Real Madrid, en font leur ligne directrice. Si bien que lors des années d’après guerre civile, José Eulogio Garate, élevé à Eibar, mais né en Argentine, ou Miguel Jones, formé à Lezama, mais né en Guinée équatoriale, sont contraints de prendre le direction de la capitale espagnole pour y défendre les couleurs du petit frère des Leones, l’Atlético de Madrid. Ces nombreux refus poussent les détracteurs de l’Athletic à le définir comme un club raciste. Ce que Blanchard Moussayou, canterano originaire d’Angola, réfute : « Si un joueur est bon, et basque, il jouera sans aucun doute avec l’équipe première. Peu importe qu’il soit blanc ou noir. » L’éclosion actuelle d’Iñaki Williams, crack en puissance, permet de mesurer le chemin parcouru par la philosophie jusqu’au-boutiste de l’Athletic.
Quant à Aymeric Laporte, son cas diffère d’un iota. Né dans la ville de Montesquieu, il n’aurait des racines basques que par ses arrière-grands-parents. D’abord incompatible avec la philosophie de Lezama, l’Athletic l’envoie alors faire ses classes à l’Aviron bayonnais, club assurément basque, à l’âge de 15 ans. Quelques années suffisent à le ramener de l’autre côté des Pyrénées et à lui octroyer le statut de canterano des Leones. L’exception de Laporte ne saurait pourtant mettre à mal la tradition de San Mamés. Encore aujourd’hui, 44% de l’effectif de l’équipe première menée par Ernesto Valverde sort du centre de formation. Mieux, sur les quelque 284 licenciés du club, 95,8 % des joueurs proviennent des territoires basques ou navarrais, une zone plus communément appelée « Euskal Herria » . Rares sont donc les joueurs comme Aymeric Laporte à venir d’une terre étrangère. Mieux, le Français représente l’évolution d’une philosophie qui respecte, presque à la lettre, la politique éternelle de l’Athletic Bilbao. Les temps changent, le football se mondialise, mais quelques idéaux survivent toujours.
Marcelo Bielsa et une formation en transformation
Alors que sa philosophie de recrutement reste presque inchangée depuis sa naissance, l’Athletic Bilbao n’en a pourtant pas oublié de transformer son modèle de formation. Renommé pour sortir des joueurs rustres et combatifs, Lezama prend un virage à 180 degrés en 2011. Marcelo Bielsa vient tout juste de poser ses valises dans la capitale basque que la direction de Josu Urrutia, lui-même intronisé président quelques mois plus tôt, décide de lancer son projet « Nous construisons notre futur » . Le plan prévoit de refondre le modèle de formation des jeunes cracks qui pullulent sur les prés basques. « Nos scouts et nos entraîneurs devront principalement analyser et travailler la vitesse, la compréhension du jeu, la prise de décision et les recours techniques » , expose alors José Maria Amorrortu, directeur sportif et de la formation, qui insiste sur le premier point : « Nous voulons que nos joueurs pensent rapidement, exécutent rapidement et courent vite. » Autant de qualités qui se retrouvent dans les pieds et la tête d’Aymeric Laporte, central mésestimé dans l’Hexagone, mais admiré outre-Pyrénées. À l’instar de la formation de l’Athletic.
Par Robin Delorme