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  • 50 ans, 50 histoires

L’année du K

Par Côme Tessier
L’année du K

Le 24 août 2013, la Bundesliga a « officiellement » soufflé ses 50 bougies. Pour l'occasion, voici 50 histoires, petites et grandes, qui ont fait la légende de ce championnat situé outre-Rhin. À déguster avec une bonne bière bien fraîche, bien sûr. 4e de notre classement, la folie du 1. FCK. En 1998, la Bundesliga s'offre un coup d'un soir. Une folie nommée Kaiserslautern, un promu qui devient champion d'Allemagne. La seule et unique fois dans l'histoire qu'un tel exploit est accompli, par la grâce de Rehhagel et d'un groupe mêlant Andreas Brehme à Michael Ballack.

Le 18 mai 1996, le Bayer Leverkusen vient prendre un point à Kaiserslautern. Le match est décisif pour les deux clubs, menacés par la relégation. Pour que sa vedette Rudi Völler puisse partir à la retraite sans perdre la face, le Bayer est prêt à tout. Alors que Kadlec met le ballon en touche volontairement, Leverkusen ne le rend pas, continue de jouer, obtient un coup franc et marque. Sept minutes plus tard, c’est officiel : les Rote Teufel descendent. Un drame pour Kaiserslautern, qui jouera pour la première fois de son histoire à l’étage inférieur, après 33 ans au sein de la Bundesliga, soit 1118 matchs. Un drame pour un autre champion du monde 90, adversaire du soir de Völler : Andreas Brehme. Le joueur blessé lorsque Kadlec frappe en touche.

En 96, le K n’est plus un animal qui fait peur. Seuls restent le Dino, Hambourg et les boucs de Cologne. La faute à une attaque de Lautern en panne toute la saison : 31 buts marqués seulement. La sanction est donc directe, froide, sévère. Arrive alors un homme honni par le Bayern Munich, la même année. Otto Rehhagel n’a pas su garder sa place en Bavière plus de dix mois, malgré un départ canon et un beau parcours en Coupe UEFA. Il trouve refuge dans l’antichambre du pouvoir, dans ce club fraîchement descendu. Là, il décide pourtant de ne rien changer. L’équipe en place est conservée, mise en confiance et revient aussitôt. Le titre de 2. Bundesliga n’est qu’une formalité.

Otto et la nouvelle objectivité

Avec cette saison de transition, Otto fait tout ce qu’il faut à la perfection. Il modèle son équipe pour en faire une machine prête à un exploit qui restera sans équivalent. Rehhagel injecte notamment à son groupe quelques milieux créatifs, comme Ciriaco Sforza, et surtout un état d’esprit irréprochable.

Le groupe est dressé par Rehhagel pour ne faire qu’un. « Nous étions comme une famille. On le constate encore aujourd’hui. Nous sommes une dizaine à être restés en contact, ce qui est très inhabituel » , note Thomas Riedl. Lui a 21 ans cette année-là, tandis qu’Andreas Brehme affiche déjà 37 ans. Mais le constat est le même. Le champion du monde 90 se rappelle une « équipe très compacte, très cool » . Les vieux accompagnent et conseillent, les jeunes s’épanouissent. « La différence d’âge au sein de l’équipe n’était pas un problème, bizarrement. Si Andreas [Brehme] ne jouait pas beaucoup, il apportait quelque chose sur le terrain. Mieux, il était important dans le vestiaire. » Comme un père ? « En quelque sorte. Il avait tant atteint dans sa carrière, déjà, qu’il était un exemple à suivre pour nous, les jeunes. »

Dès l’ouverture de la saison contre le Bayern, champion sortant, les Rote Teufel font leur match. Costaud, solide, affamé et réaliste. L’exploit est déjà en marche. Une victoire 1-0 à l’Olympiastadion et trois points qui feront la différence neuf mois plus tard. « Nous avons gagné beaucoup de matchs 3-2 ou 2-1, en étant menés au score très souvent. Nous cherchions toujours à marquer un but de plus que l’adversaire, avec un jeu très offensif. » L’euphorie gagne les travées du stade et de la Westkurve, la tribune la plus dynamique. Sophie, membre de Generation Luzifer 98, raconte : « Après le début de la saison, tous les matchs à domicile ont été très rapidement à guichets fermés, avec 38 000 places vendues. À domicile, mais également à l’extérieur, l’ambiance était sensationnelle. Le public formait un véritable mur derrière son équipe. Même après une défaite – et la première arrive à la huitième journée –, l’équipe était félicitée comme il se doit. »

En compensation, pour éviter que le FCK ne perde le fil de son parcours, Rehhagel joue au père fouettard, comme il sait si bien le faire. « L’influence d’Otto Rehhagel dans l’équipe était très importante. C’était bien d’avoir un coach aussi expérimenté, qui n’a eu de cesse de nous remettre les pieds sur terre. C’était un des facteurs qui nous ont permis de gagner le championnat » , avoue Brehme. Car parfois, les joueurs du Betzenberg perdent. Mais cette saison-là, tout leur réussit. Lorsque c’est le cas, le Bayern en fait de même. Et ainsi, Lautern passe toute la saison en tête de Bundesliga à partir de la 4e journée.

Otto dit, les autres la ferment

Pourtant, selon Thomas Riedl, les joueurs ne prennent « conscience qu’il est possible de faire quelque chose qu’à l’avant-dernière journée contre Wolfsburg » . La prise de conscience qu’il est vraiment possible d’aller au bout du travail et de faire ce que personne n’a encore fait en Allemagne : enchaîner un titre en 2. Bundesliga avec celui de la première division. Soit revenir du purgatoire et monter au sommet plus vite que Frank Underwood. Pour couronner le tout, c’est un grand spectacle qui est offert au Betzenberg, avec une des rares larges victoires : 4-0. La soirée peut alors s’allonger à tout jamais, et pour tous, du jeune Ballack au vieux Kadlec, encore présent et enfin prêt à repartir dans sa République tchèque originelle. Le K a réussi. Le K l’a fait. Le K est de nouveau un animal dangereux, un squale qu’il ne faut pas croiser.

À la fin de la saison, quand on demande à Otto Rehhagel ce qu’il pense du parcours de son équipe, le Roi exulte autant qu’il exprime du ressentiment : « Si au théâtre, quelqu’un réussit une mise en scène telle que celle que j’ai faite, passant de la 2e division au sommet de la Bundesliga, alors il ne peut se passer qu’une chose dans la salle : les gens ferment leur gueule et applaudissent. » D’autant plus que la pièce ne devrait pas être rejouée de sitôt en Bundesliga, de l’avis de tous.

Les onze (autres) revanchards

Si le titre est une surprise, le gouffre entre la saison de la descente et celle de 98 n’est peut-être pas si béant. Dès 96, lors de la descente, l’équipe n’est même pas blâmée par ses supporters, qui savent qu’ils viennent de boire un cocktail qui a mal tourné jusqu’à la lie : des blessures à répétition, quelques postes qui n’ont pas été comblés lors du mercato et une terrible accumulation de matchs nuls. D’ailleurs, ce sont 30 000 Lauterer qui se déplacent à Berlin quelques jours après l’officialisation de la descente pour voir leur équipe triompher de Karlsruhe et remporter la Coupe d’Allemagne.

Alors l’effectif, similaire, profite de son année d’expérience supplémentaire et de la confiance engrangée à l’étage inférieur. Brehme le dit lui-même : « C’était bien d’avoir gardé toute l’équipe, au final. C’était le plus important. » L’ensemble est homogène, cohérent, combatif. Difficile d’en sortir des individualités, bien que certains joueurs aient un peu plus la cote auprès du Betzenberg : Martin Wagner et Harry Koch, prêts à ne rien lâcher ; Olaf Marschall, bien entendu, pour son rôle de buteur souvent décisif et spectaculaire ; et un petit Brésilien, Ratinho, surnommé « Zaubermaus » (sorte de petite souris magique). « C’était un joueur très technique, proche des gens, qui jouait avec le cœur et donnait ainsi tout ce qu’il avait sur le terrain. » À l’image du reste de l’effectif, Ratinho devient un enfant du coin. Il revient même s’installer, après avoir fini sa carrière de joueur, pour travailler avec les jeunes… et ouvrir « un steakhouse brésilien » . Sophie n’a pas précisé s’il était aussi bon qu’un titre éternel d’Aufsteiger Meister.

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