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L’Angleterre promise
Demi-finaliste de la Ligue des nations moins d'un an après avoir atteint le dernier carré du Mondial, l'Angleterre de Southgate, qui se mesure aux Pays-Bas, est au Portugal pour transformer les attentes.
Il y a ceux qui jugent les qualités d’un entraîneur au poids de son armoire à trophées et ceux qui préfèrent regarder ces drôles de types à travers un autre critère : celui de l’émotion et donc de l’esthétisme. Un jour de conférence de presse à Marseille, en août 2014, Marcelo Bielsa avait creusé à sa manière ce fossé : « Ce qui nous unit, c’est la joie de partager l’expression de gestes techniques superbes, surtout quand les joueurs sont de l’équipe que l’on soutient. Malheureusement, au niveau de l’émotivité, ça a été déformé. Le succès écrase tout le reste, au détriment du facteur esthétique. C’est ce qui a éteint un peu la pureté originelle du football.(…)On est dans l’exercice tout bête des tâches quotidiennes parce que c’est la routine, mais on oublie parfois que le foot, c’est la création de l’émotion, captiver des gens qui ne demandent qu’à s’enflammer. » Gareth Southgate, lui, a décidé de dessiner la chose à la manière d’un Allen Johnson, soit en posant des haies à franchir pour « changer » , à terme, « la perception de ce que l’Angleterre est capable de faire » . Voilà maintenant un peu moins de trente-deux mois que l’opération reboot du système a commencé, que Southgate est sorti des starts et que les Three Lions ont entamé leur changement de dégaine.
Assez de temps pour voir le premier entraîneur du pays souffler, il y a quelques mois : « L’été dernier, avec notre demi-finale en Russie, on a franchi de nombreuses barrières. Une première victoire sur un match à élimination directe depuis plus de dix ans (et un Angleterre-Équateur remporté 1-0 lors des huitièmes de finale de la Coupe du monde 2006), une séance de tirs au but remportée pour la première fois depuis l’Euro 96… Ensuite, on devait être capable de rivaliser avec les meilleures nations. Cette équipe est assez courageuse pour ça et l’a prouvé. » Et ce, en changeant d’approche après le Mondial russe, en développant un nouveau système (un 4-3-3 assez classique) et en allant remporter une victoire de prestige en Espagne (2-3) mi-octobre avec le onze de départ aligné le plus jeune depuis 1959. Nouvelle haie : gagner.
« C’est impossible de se relâcher »
Gagner, non seulement pour voir l’Angleterre fêter un truc pour la première fois depuis le sacre de 1966, mais aussi gagner pour consacrer le gros travail effectué depuis le premier jour par Gareth Southgate, qui aura réussi à créer une équipe, une vraie. Une équipe capable de jouer un football libéré, maîtrisé et résolument offensif, de battre quasiment n’importe qui et même de retourner les situations mal embarquées, comme contre la Croatie (2-1) en novembre. Avant de se frotter aux Pays-Bas jeudi soir en demi-finale d’une Ligue des nations qui n’est pas un Euro, mais qui n’a rien d’une coupe de quartiers, les Three Lions sont invaincus depuis le 8 septembre et arrivent au Portugal bourrés de confiance, 48% du groupe convoqué (11 joueurs sur 23) étant composé de joueurs ayant soit remporté la Premier League, soit remporté la Ligue des champions, soit disputé la finale de cette même C1. Cela pousse aussi le staff en place en sélection à faire grimper un peu le curseur, comme l’expliquait cette semaine Steve Holland, l’assistant de Southgate : « Cela nous pousse à être au niveau et à progresser, c’est évident. On était contents de notre parcours à la Coupe du monde, mais on n’était pas rassasiés non plus. Même si on avait remporté la Coupe du monde, cela ne nous aurait pas suffi. C’est impossible de se relâcher parce que le reste des nations travaille et on peut toujours s’améliorer, humainement, tactiquement, sur chaque détail. » Tout n’a pas été parfait, évidemment, et Southgate n’a pas oublié comment ses gars avaient perdu le fil d’une demi-finale qu’ils tenaient entre les mains en Russie.
Aujourd’hui, on se demande si cette Angleterre peut s’offrir cette Ligue des nations, et la réponse est évidemment oui, mais l’objectif est surtout de franchir un nouveau cap à moins d’un an d’un Euro 2020 qui est la réelle cible. En ça, jouer les Pays-Bas est un bon test, les Oranje étant eux aussi en pleine construction et à un virage intéressant de leur projet. Ces deux nations ont une ligne droite et une pente forte devant eux, que Gareth Southgate va attaquer jeudi avec un questionnement semblable à celui qui habitait Pochettino la semaine dernière : que faire d’Harry Kane ? Oui, Kane est indispensable au système des Three Lions, mais sa forme physique actuelle inquiète, assez pour ouvrir la porte à son absence dans le onze, ce qui pourrait être aussi le cas de Jordan Henderson, rincé de son sacre madrilène, alors que l’Angleterre aura une grosse bataille à remporter au milieu. Seule quasi-certitude : pour sa cinquantième cape internationale, Raheem Sterling devrait porter le brassard de capitaine et confirmer son statut d’encadrant. Place à la transformation des attentes.
Par Maxime Brigand