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L’Angleterre est déjà folle de Ross Barkley
Un nom de star hollywoodienne, une gueule marquante et un talent brut. Ross Barkley n’a que vingt ans et met déjà toute l’Angleterre à ses pieds. Étonnant de précocité et de facilité, le gamin de Liverpool est pour beaucoup dans l’excellente première partie de saison d’Everton. Tellement talentueux que le jeune surdoué met en émoi un pays qui n’avait plus connu un tel joyau depuis un certain…Wayne Rooney.
La presse musicale parlerait de « the next big thing » . Le futur gros truc, le groupe qui n’a sorti qu’un single, mais est promis à tout casser. Ross Barkley est un artiste solo et n’a que vingt ans, pourtant il est déjà perçu en Angleterre comme le futur crack attendu depuis des lustres, parce qu’en foot aussi Albion a besoin de frémissement. Son nom n’en finit plus d’émouvoir les médias et les comparaisons toutes plus flatteuses les unes que les autres à son sujet fleurissent. L’Angleterre ne peut s’en empêcher. Quand elle s’éprend d’un talent neuf, celle-ci ne peut se résoudre à le lâcher. Lui mettant une pression immodérée trop difficile à assumer alors que le diamant n’est même pas encore poli. Les exemples servant d’échecs sont légion (Adam Johnson, Downing, Dyer, Wright-Phillips, etc). Mais Barkley n’a pas seulement un blase tout droit sorti d’un film hollywoodien. Le gamin possède ce petit truc en plus qui pourrait le propulser parmi les plus grands. Loin des espoirs trop souvent déchus.
Un talent précoce
Dans son genre, le gamin issu du quartier ouvrier de Wavertree, à Liverpool, est un précoce. Barkley, depuis tout jeune, fait tout plus vite que les autres. Et mieux, aussi. À quatorze piges, il squatte déjà l’équipe d’Angleterre des moins de 16 ans. Sélection avec laquelle il remporta le tournoi de Montaigu en 2009 avec le brassard de capitaine au bras. Sans une double fracture ouverte tibia-péroné en octobre 2010, son ascension aurait été encore plus rapide. Recruté à Everton à l’âge de onze ans, il n’a pas traîné pour impressionner très tôt tout son petit monde. « Quand un joueur est bon des deux pieds et qu’on a du mal à savoir quel est le meilleur, il faut lui faire tirer des penalties. Normalement, il se sert de celui qu’il pense le plus performant. Le jour où j’ai fait le test avec Ross, il a tiré quatre penalties, deux du droit, deux du gauche, et ils les a tous mis » , racontait dernièrement l’émérite Ray Hall, l’homme qui découvrit le joyau et dirigea l’Academy d’Everton durant près de vingt ans. C’est dit, Barkley pue le talent.
Avant de s’imposer aujourd’hui comme un joueur essentiel des Toffees, le bonhomme a dû s’aguerrir à l’étage inférieur. Prendre des coups. S’étoffer physiquement en Championship, un championnat réputé âpre où l’appréhension n’a pas lieu d’être. En prêt à Sheffield Wednesday et Leeds United au cours de la saison 2012/2013, il apprend le métier sagement. Sans doute trop choyé sous David Moyes, qui s’est adonné à le préserver au mieux, l’avènement de Roberto Martínez le propulse sur le devant de la scène. Résultat : 19 rencontres de Premier League cette saison dont 16 en tant que titulaire, 3 pions claqués et une influence notable au sein de la formation britannique. « C’est le messie, s’enthousiasme Ric George, consultant à Canal + et connaisseur averti d’Everton depuis de nombreuses saisons. Il dynamise l’équipe, il offre quelque chose de différent par rapport à la saison dernière où il n’avait pas joué. À 20 ans, l’équipe tourne déjà autour de lui. Il est très clair qu’Everton est une équipe formidable avec Barkley. Sans lui, elle est moins impressionnante. »
Rooney, source d’inspiration et de comparaison
Il n’en fallut pas plus pour que le pays s’emballe et en fasse des caisses. Lorsque ce n’est pas « Bob » Martínez qui avance n’avoir « jamais vu un joueur anglais aussi doué » , c’est le très influent Gary Lineker qui se charge de tresser des lauriers à « une future star, un talent prodigieux, le joueur que l’Angleterre attendait » . Et Ric George de corroborer : « Depuis Rooney, je n’ai jamais vu un joueur anglais aussi talentueux que lui. » Ironie de l’histoire, Barkley est justement comparé la plupart du temps à « Wazza » , son idole. Il faut dire que les points communs avec l’ex-boutonneux de Goodison Park sont nombreux. Même précocité ébouriffante (Rooney a débuté en Premier League à 16 ans), natif de la même ville (Liverpool), même club formateur, tous les deux recrutés par le même homme (Ray Hall), lancés dans le grand bain par David Moyes (Barkley a joué son premier match en Premier League en août 2011) et, pour cultiver un peu plus la ressemblance, deux physiques quelque peu disgracieux. Sur le terrain, Barkley marche également sur les traces de son aîné. Que ce soit derrière l’attaquant, sur les côtés ou en tant que « central winger » – joueur qui s’excentre et vient combiner dans les couloirs – il fait preuve à chaque fois d’une aisance remarquable. Comme Rooney à Manchester United où il a fait étalage de sa polyvalence. « Barkley affiche une maturité époustouflante. Il est fort mentalement, costaud physiquement et techniquement au-dessus de la moyenne. On a l’impression que rien ne peut venir le perturber. Il a vraiment quelque chose de différent. C’est cela qui fait la marque des grands joueurs » , souligne le consultant de la chaîne cryptée.
La tête sur les épaules, humble mais ambitieux, le bijou des Toffees s’inspire de la trajectoire couronnée de succès de son compatriote. « C’est la chose que tout jeune joueur voudrait faire et c’est ce que je veux faire aussi, jouer de la même façon que lui » , confiait-il récemment. Il n’a, en outre, pas les même défauts que « Shrek » en début de carrière, lui dont l’emportement sur le terrain avait tendance à plomber son équipe. Heureusement, tout de même, il garde les bienfaits de l’insouciance de la jeunesse. Le 22 décembre dernier, alors qu’Everton se dirige vers un nul contre Swansea, Barkley se décide, à six minutes du terme, de tirer un coup franc près de la surface à la place de Lukaku alors qu’il n’est pas un spécialiste de l’exercice. Résultat : caresse du ballon et barre transversale rentrante. « J’ai dit à Romelu de me laisser le tirer car j’ai vu les cages et je me suis dit : « Je vais marquer. » Alors que je ne travaille même pas les coups francs à l’entraînement ! » , a-t-il déclaré à l’issue de la rencontre où il termina Man of the match.
Le Brésil, pas qu’un simple rêve
Forcément, un tel talent attise les convoitises. Le jeune homme ne compte que 34 matchs de Premier League dans sa carrière, mais Chelsea et Manchester United lui font déjà la cour. Trop talentueux, trop fort pour Everton à l’époque, Rooney n’avait disputé que deux saisons avant de s’envoler chez les Red Devils. La donne apparaît très clairement différente aujourd’hui. L’escouade de Liverpool ne pointe qu’à cinq longueurs du podium et présente un bilan comme rarement atteint en championnat à ce stade de la saison (2 défaites seulement). De quoi préserver encore quelque temps le jeune surdoué. « Il n’est pas à vendre, même pour 86 millions d’euros (soit le prix du transfert de Gareth Bale au Real Madrid, ndlr).Ross est à un moment de sa carrière où, d’abord, il sait qu’il a besoin de continuer à se développer et c’est l’endroit parfait ici. Puis, c’est un pur Evertonian qui apprécie chaque seconde dans ce club » , lâchait Martinez en décembre.
Reste que, désormais, c’est tout le Royaume qui espère profiter du crack. Et dès cet été à l’occasion de la Coupe du monde, au Brésil, même s’il ne s’est vu offrir sa première sélection par Roy Hodgson qu’en septembre dernier. Déjà pressenti pour intégrer les Three Lions au Mondial, la récente blessure de Theo Walcott, qui le privera de la compétition, lui laisse un boulevard. « Ross, à mon sens, doit absolument être dans l’avion pour le Brésil. S’il continue comme ça, c’est certain qu’il y sera, avançait dernièrement son compère Gareth Barry. Je suis sûr que le sélectionneur d’Angleterre le connaît assez pour savoir qu’il ne peut se passer de lui et qu’il pourrait surprendre beaucoup d’équipes grâce à ses qualités naturelles. » En 2004, Wayne Rooney, alors âgé de dix-huit ans, avait révélé au monde lors de l’Euro le gamin pétri de talent qu’il était. Dix ans plus tard, l’histoire pourrait bien bégayer. Mais c’est à un certain Ross Barkley de l’écrire.
Par Romain Duchâteau