- Journée mondiale de la douane et de l'éthique
L’amour du maillot
Lorsqu'il a commandé en novembre 2010 le maillot que portait David Trezeguet lors de la finale de la Coupe du monde 98, Olivier Démolis pensait à juste titre avoir acquis l'une des plus belles pièces de sa collection. Problème, plus de quatre ans plus tard, il ne l'a toujours pas reçu, la faute à des douaniers négligents ou malhonnêtes. Depuis son combat est permanent. Procès, lettre au président de la République, livre, rencontre avec Trezegol, rarement un homme aura autant mouillé son maillot pour récupérer celui d'un autre.
David Trezeguet avec un maillot de football, c’est terminé. Les collectionneurs vont donc s’en donner à cœur joie afin de récupérer les précieuses tuniques qu’il a portées. Olivier Démolis, lui, n’a pas attendu la retraite de Trezegol pour le faire entrer dans son musée personnel. Ce Haut-Savoyard de 31 ans a une passion, le football, et en particulier l’équipe de France. Référent du club des Irrésistibles Français de son département, il aime également se procurer les tuniques portées par ses héros et revendique fièrement posséder « un Zidane, un Platini, deux Benzema de l’Euro 2008, et celui que portait Desailly en demi-finale en 98 ! » Quand il aperçoit fin 2010 le maillot porté par David Trezeguet le 12 juillet 1998 en vente sur eBay, son sang de collectionneur ne fait qu’un tour.
Anelka + Gritching = Trezeguet
Pour Olivier Démolis, David Trezeguet a une saveur particulière : « Quand je jouais au foot plus jeune, j’étais attaquant, et Trezeguet était mon modèle. Et j’habite à côté du Nord de l’Italie, donc j’adore la Juve. » Il monte alors le deal absolu pour séduire le vendeur : un maillot d’Anelka de l’EDF, un autre d’Auxerre de Stéphane Gritching (un Suisse dans une grosse transaction, après tout…) et 3350€ en échange du numéro 20 de l’attaquant des Bleus. Imparable. Les enchères sont pliées, et son bien lui est envoyé depuis le Brésil où était basé le vendeur. Une fois son Chronopost arrivé dans sa région, Olivier Démolis n’attend même pas le facteur et il se précipite le matin même au centre de tri postal pour le récupérer directement. Nous sommes le 16 novembre 2010.
Le collectionneur se présente au guichet et donne le numéro de son colis. Mais après plusieurs minutes de recherche, ce dernier est introuvable, et l’employé de La Poste finit par découvrir que les douaniers l’ont saisi. Démolis est sous le choc et demande des explications. On lui demande alors de repasser dans l’après-midi, car personne n’a d’information pour l’instant. Mais quand il revient quelques heures plus tard, on lui confirme que les douaniers ont bien saisi son paquet, en lui présentant le procès verbal. Il appelle donc immédiatement la douane pour demander ce qu’il en est. On lui explique alors que le maillot a été détruit, car les douaniers avaient conclu à une contrefaçon en raison de coutures de mauvaise qualité… Olivier Démolis devient fou, et se refuse à croire à ce qui lui arrive. Il rappelle, écrit, réclame des précisions et reçoit à chaque fois la même réponse : son maillot a été déclaré comme faux et a été détruit.
Les douaniers dans le viseur
Démolis a une hypothèse depuis le départ, celle du douanier voleur. Selon lui, l’histoire est trop louche. Tout d’abord, il est absolument sûr et certain que son maillot était authentique. « Le vendeur qui me l’a vendu est très réputé dans le monde des collectionneurs, il ne vend que des vraies pièces. » Et puis à ceux qui lui expliquent que Trezeguet n’a pas pu porter de maillot le soir de la finale de la Coupe du monde, car il n’a pas joué, il répond : « Tous les joueurs avaient un maillot ce soir-là. Laurent Blanc aussi. Et sur les images, on voit Trezeguet échanger le sien avec un joueur brésilien après le match, ça explique pourquoi il était chez ce vendeur de Rio de Janeiro. » En outre, Olivier Démolis fait des recherches sur les trois douaniers qui ont signé l’acte de saisie de son colis, et découvre que l’un d’eux est passionné de sport. Il demande donc à voir le certificat de destruction de son maillot, mais celui-ci est daté du 18 novembre, alors que la douane lui avait dit dès le 16 que son paquet avait été pulvérisé. De plus, en cas de destruction d’un objet, un échantillon doit être conservé en cas de réclamation. Démolis le demandera, en vain. Le combat commence alors. Avec son avocat, il lance en 2011 une action contre la douane devant le tribunal administratif de Grenoble.
Démolis-ion Man
Mais Olivier Démolis est déterminé, et un procès ne suffit pas. Habité par sa mission, il tente par tous les moyens de donner du poids à son dossier et d’alerter l’opinion. Il écrit beaucoup. À Duchaussoy, à Nicolas Sarkozy même, mais aussi et surtout à David Trezeguet. Démolis va jusqu’à lui rendre visite en Espagne à Alicante, où il le rencontre après un match : « Il me connaissait ! Dès qu’il m’a vu il m’a demandé : « T’en es où avec ton affaire » et il m’a invité à passer chez lui le lendemain ! » Il honorera l’invitation et obtiendra un maillot alicantais dédicacé par le roi David. Démolis mène aussi sa bataille sur plusieurs autres fronts: un site internet dédié à sa cause, une banderole de 10 mètres de long « Trezeguet est grand, son maillot est vrai » qu’il déploie au Stade Gerland lors d’un match, et un livre qu’il vient de terminer, titré Cousue de fil Bleu, pour lequel il a trouvé un éditeur et qu’il espère publier au printemps (un ouvrage préfacé par Arnaud Ramsay, qui a promis de l’inviter sur son plateau pour la promotion).
Mais la justice ne semble pas avoir été séduite par cette débauche d’énergie, et après trois années de procédure, le tribunal administratif de Grenoble s’est déclaré incompétent pour trancher l’affaire. Olivier Démolis et son avocat vont donc devoir lancer une nouvelle procédure, cette fois devant le Tribunal de grande instance de Lyon. Une épopée qui finit par être coûteuse pour le supporter, qui a déjà dépensé 7000€ en frais d’avocats. Une grosse somme pour cet électricien. Mais il ira jusqu’au bout, jusqu’à la restitution du maillot ou au dédommagement financier. Il a fait estimer son maillot par un commissaire priseur spécialiste du sport, « celui qui s’occupe de la collection de Nicollin » , qui l’a évalué à 10 000€. De quoi le tenir motivé donc, même si pour Oliver Démolis, l’essentiel n’est pas là : « Pour moi, c’est la prolongation de la finale de 98 qui se joue. C’est une question d’honneur. »
Par Alexandre Doskov