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L’amour du foot en extra-large
Parce qu'il est compliqué de porter un maillot de foot qui ne vous boudine pas en cas de surpoids, un homme a décidé de passer à l'action en commercialisant des tuniques allant jusqu'au XXXL. Pour qu'en 2016, il soit possible d'être un mec qui pèse en survêt'.
Il y a sept ans, Jimmy pesait 80 kilos. Employé de l’usine Toyota de Valenciennes, le Lillois se rendait cinq jours par semaine sur sa chaîne de montage, toujours la même depuis cinq ans. Celle des trains avant de Toyota Yaris. Une fois installé à son poste, il enchaînait les mêmes gestes, quatre cents fois par jour. Un quotidien si répétitif qu’il lui a été fatal. En mai 2008, c’est l’accident. Une tendinite à l’épaule force les médecins à rogner sa clavicule de deux centimètres, afin que celle-ci ne cisaille pas ses tendons. Depuis, aucun des bolides sortis des usines du Nord n’a été assemblé par Jimmy, devenu inapte au travail à la chaîne, que Toyota a licencié dans des conditions que la justice a jugé abusives. Soigné à la cortisone, pour calmer des douleurs insupportables, Jimmy prend 50 kilos. « Les médicaments ont créé un problème au niveau de mon foie. Au lieu d’éliminer la graisse, il la stocke » , pose celui qui touche aujourd’hui une pension d’invalidité… et ne parvient plus à afficher sur ses épaules les couleurs du LOSC, son club de cœur. « J’ai cherché un maillot XXXL qui n’existe malheureusement pas » , rembobine le gaillard de 130 kilos, qui se rend rapidement compte qu’il n’est pas le seul dans ce cas. Une situation qu’il est bien décidé à faire évoluer.
JPP en speed-meeting
En parcourant les boutiques en ligne des clubs de Ligue 1, Jimmy se rend compte que contrairement à ce qui se fait en Allemagne, aucune équipe française n’a osé demander à son équipementier de produire des maillots pour personnes de grande taille. Il contacte alors le LOSC, à l’époque équipé par Nike, pour savoir ce qu’il est possible de faire. « Le club n’a pas donné suite, et m’a invité à voir directement avec Nike. L’idée les intéressait au départ, puis du jour au lendemain, ils ont refusé. Pourtant, j’en avais discuté avec Jean-Pierre Papin, lors d’un speed-meeting organisé par la BGE, qui m’avait dit qu’il ferait remonter ma demande. » « JPP » et la liste de personnes qui pourraient être intéressées par des maillots de grande taille, que Jimmy a envoyée à tous les équipementiers sévissant en L1, ne convainquent pas Nike, mais attirent l’attention de Puma. La marque au félin étudie ce qu’il se passe outre-Rhin, où le Borussia Dortmund vend des maillots triple et quadruple XL en bonne quantité, et se rend rapidement compte qu’il y a un souci en France. Avec Kappa, Puma est le premier fabricant à répondre favorablement à la requête de Jimmy. « C’est pas mal, ça me permet d’avoir Arsenal, Dortmund, Wolfsburg, l’Italie… Et je suis en contact avec Umbro, qui pourrait se lancer aussi » , se félicite l’ancien employé de Toyota, qui monte dans la foulée son site, maillots-xls.com, pour faire le bonheur de supporters de tout gabarit. « Aujourd’hui, je suis le seul à faire ça en France » , peut même se vanter le nouvel entrepreneur.
Le maillot de foot, un style de vie
« Aujourd’hui, le maillot de foot se porte dans la vie de tous les jours, par forcément pour faire du sport » , pose Jimmy, en racontant qu’il vient de vendre un survêtement XXL du Borussia Dortmund à un représentant des forces de l’ordre qui en est « ravi » . « C’est une mode qui arrive en France, mais en Allemagne, cela fait des années que les gens n’ont pas honte de se balader en maillot de foot dans la rue. » Cette mode du maillot de foot porté hors des stades, dont Jul est aujourd’hui le porte-étendard, fait du site de Jimmy un business qui tourne à plein régime. Et peu importe si certaines marques se montrent réticentes, comme New Balance, l’équipementier du LOSC, qui a brisé le cœur de Jimmy, en lui signifiant que « faire du XXXL nuirait à [son] image de marque » . Selon notre dealer de maillots, la marque de Boston songerait même à arrêter la production des tailles XL et XXL dès la saison prochaine. En attendant, maillots-xls.com reçoit des commandes des quatre coins de l’Europe. « Angleterre, Allemagne, Italie… On m’a même commandé un maillot du SCO d’Angers en Espagne. » Parce qu’en plus de satisfaire les personnes de grande taille, la petite entreprise a mis en place une politique tarifaire plus qu’avantageuse. Quand la boutique d’Arsenal affiche à 90 livres (120 euros) une liquette vierge de tout flocage, le site de Jimmy propose le même maillot à 75 euros, flocage compris. Ce qu’on appelle un bon plan. Et bien évidemment, pas de discrimination à la taille chez Jimmy. Du S au XXXL, tous les produits valent le même prix. « Je vise un public de supporters, qui ont besoin du maillot de leur équipe, mais qui sont laissés de côté. Et je leur fais plaisir en offrant le flocage, là où les autres le facturent quinze euros. On aime bien avoir son nom et son numéro fétiche sur son maillot, ou même le nom de son joueur favori. Puma m’oblige à afficher des maillots à 80 euros comme partout, mais j’offre des bons de 5 euros. »
Reconnue par l’OMS comme une maladie depuis 1997, l’obésité est en croissance permanente au niveau mondial, selon toutes les études. Des chiffres que Jimmy espère faire baisser, en se faisant une nouvelle fois opérer du foie, dans le but de mettre fin à son calvaire. Et pouvoir courir à nouveau une heure tous les matins dans le parc de son quartier, sans que les vibrations ne lui fassent souffrir le martyre. En attendant, il a prévu de développer son activité en proposant dès la saison prochaine des maillots extérieurs et thirds.
Par Mathias Edwards