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Lamine Koné, le miraculé

Par Maxime Brigand
7 minutes
Lamine Koné, le miraculé

En janvier dernier, Lamine Koné est arrivé à Sunderland pour devenir rapidement un titulaire indiscutable et courtisé par quelques gros noms du Royaume. Lui croit au destin. La preuve ? Cette soirée de mars 2008 où le défenseur ivoirien, alors espoir à Châteauroux, a failli tout perdre. Récit.

Lamine Koné aime parler du destin. Mais il aime aussi y croire. Pour lui, c’est une évidence : « Ça devait arriver. » Sa route personnelle devait le conduire jusqu’à Anfield où il était ce week-end, jusqu’à l’Angleterre, un pays pour lequel son football a toujours été fait. Son ancien coéquipier à Châteauroux, Stéphane Kakou, évoque même « un soulagement » de voir son pote sur les pelouses anglaises depuis le 27 janvier dernier. Un jour où le défenseur ivoirien a finalement quitté la France et Lorient, où il était depuis l’été 2010, pour Sunderland. Depuis, Koné n’est plus le même homme. En l’espace de quinze matchs et au bout d’un maintien en Premier League décroché après avoir frappé en quelques semaines Manchester United (2-1), Chelsea (3-2), Everton (3-0) et être allé chercher un nul héroïque à Liverpool (2-2), celui que ses anciens formateurs appellent « la bête » est devenu un colosse courtisé.

À coups de gros chèques même, à l’image de celui posé par Everton sur le bureau des Black Cats en août dernier. Lamine Koné n’aurait jamais pensé « valoir plus de vingt millions d’euros » . Il est finalement resté au Stadium of Light où la situation n’est pas beaucoup plus heureuse – Sunderland est dernier du championnat et n’a remporté que deux matchs depuis le début de saison –, mais lui n’a pas été déboulonné du onze titulaire malgré le changement d’entraîneur. Comme le dernier repère d’une courbe ascendante depuis ses débuts pros à Châteauroux il y a dix ans. À la force du destin, car l’histoire de Lamine Koné aurait pu s’arrêter un soir de novembre sur une route de forêt. Mais cette nuit du 5 mars 2008 devait « aussi arriver » .

L’histoire d’une bête

« Lamine ? On partait de très loin, se souvient aujourd’hui l’ancien directeur du centre de formation de Châteauroux, Frédéric Zago, depuis parti à Valenciennes. J’ai eu envie de lui faire confiance parce qu’avec du travail, je savais où je voulais l’emmener. C’était un gamin attachant, toujours à l’écoute, un peu introverti mais bosseur. Alors, c’est rapidement devenu une bête, un beau bébé, costaud et qui faisait peur sur un terrain. On m’a longtemps demandé pourquoi j’ai recruté ce mec-là, mais je voulais y croire. » Si bien que Lamine Koné a été lancé en pro du haut de ses dix-sept ans. Précoce et monstrueux après une enfance passée dans la banlieue parisienne. « Ma première année au club a été difficile. Avant, j’avais toujours des trucs à faire. Là, j’arrivais en campagne et c’était plus compliqué » , cadre le défenseur de Sunderland.

Puis, l’ado a surpassé le contexte pour la suite que l’on connaît entre une explosion réussie à Lorient et l’honneur de la sélection nationale ivoirienne avec laquelle il a affronté la France à Lens le 15 novembre dernier. Huit ans plus tôt, Koné s’est taillé une réputation à son échelle d’espoir à Châteauroux et rend ses premières copies de joueur professionnel titulaire. Il habite alors dans le centre-ville, à une rue de Stéphane Kakou qui se souvient « d’un mec toujours à l’écoute des autres et avec qui on jouait souvent à la console » . Plus que ça, Kakou et Koné sont devenus très proches au point de partir en vacances ensemble l’an dernier, alors que le premier a été invité par le deuxième à Lens pour le France-Côte d’Ivoire.

« D’habitude, je ne monte jamais derrière »

Ce 5 mars 2008 devait donc être une soirée comme une autre. Un jour où Lamine Koné était allé s’acheter un écran plat et où Stéphane Kakou avait banqué pour un lit au Conforama du coin. Avec eux : Alexandre Laurienté, aujourd’hui à Dudelange, et Simon Loppe, alors joueurs de la réserve. « On est alors allés déposer le lit chez moi, rembobine Kakou. On devait ramener Laurienté au centre de formation. Il avait raté la navette et le couvre-feu était à vingt heures. On le ramène, pas de souci, même si avec Lamine, on voulait aller faire des courses. D’habitude, je ne monte jamais derrière, je n’aime pas ça. Mais là, j’étais fatigué, je voulais dormir un peu. Lamine était à côté de moi, il écoutait de la musique. J’ai commencé à m’endormir, on était sur une route de forêt qui allait à la Tremblère (le centre de formation et d’entraînement de la Berrichonne, ndlr). Sur un virage que Simon avait pris rapidement, je lui dis de ralentir un peu. »

La route est connue dans le département, car peu fréquentée, mais souvent accidentée. Frédéric Zago, lui, est déjà rentré chez lui et parle d’une voie « dangereuse, où il n’y a jamais personne, et où tu peux allumer un peu » . Selon Alexandre Laurienté, un cerf déboule sur la route. Simon Loppe veut l’éviter. Stéphane Kakou se réveille en sursaut, place ses mains devant son visage par réflexe. Lamine Koné, lui, ne se souviendra que « du premier tonneau sinon, plus rien » . Zago a été prévenu d’un accident sur la route, mais ne pense pas à un gamin du club. L’intendant de la Berrichonne est mis au courant et prévient tout le monde. « J’ai retrouvé tout le monde aux urgences. Au départ, le premier diagnostic a été plutôt positif » , replace l’ancien boss de la formation castelroussine.

Le miraculé Kakou

Quelques heures plus tôt, Lamine Koné a été retrouvé au milieu de la route. Le corps inerte. Sa carcasse a été éjectée à plus de vingt mètres de la 206 de Simon Loppe qui, lui, est bloqué sous le volant. Le véhicule a enchaîné les tonneaux. Seul Alexandre Laurienté est plutôt conscient et ne s’en sortira qu’avec quelques points de suture. Stéphane Kakou : « J’avais froid, mais juste mal au cou. Comme un gros torticolis. Alexandre m’a mis un manteau et je me suis endormi dans le fossé en attendant l’arrivée des pompiers. » Au premier regard, les secours n’ont qu’une question : « Il y a combien de morts ? » La voiture est retournée sur le toit, les portes arrière enfoncées et finira à la casse. Direction l’hôpital de Châteauroux où le médecin du club, Xavier Roy, bosse au quotidien.

Le résultat des examens vient de tomber. « Là, ça a été le choc, un moment difficile à encaisser. Heureusement qu’ils ont été éjectés du véhicule, sinon on ne serait pas là à discuter aujourd’hui » , coupe Zago. Stéphane Kakou reprend : « Le scanner n’avait rien révélé. Et là, il y a eu l’IRM. Je ne pouvais que bouger les yeux. Le médecin m’a dit : « On est des hommes, on va se parler comme des hommes. Si tu bouges, tu seras paralysé à vie. » » Face à lui, des membres du club, des joueurs, la famille. Le jeune défenseur qui sort de son premier match pro souffre d’une fracture du rachis cervical et passera les semaines suivantes à l’hôpital de Tours, allongé. Selon les statistiques, une personne sur 100 000 s’en sort sans aucune séquelle dans ce cas. Kakou était celle-ci.

« Comment on a pu s’en sortir ? »

Lamine Koné, lui, a eu un traumatisme crânien et son œdème au cerveau sera résorbé en quelques semaines. « Au réveil, je n’étais pas dans mon état normal. Je ne reconnaissais personne, donc on m’a mis dans le coma artificiel parce que j’étais nerveux. J’avais une tête énorme. Je n’ai repris mes esprits que le lendemain. Ma chance, comme pour Stéphane, a été de ne pas avoir mis ma ceinture de sécurité. » Rapidement, le médecin lui fait comprendre qu’un avenir dans le foot est toujours possible. Il complète : « J’ai passé deux-trois semaines allongé chez moi, je ne pouvais pas rester debout. Il me fallait du temps pour, par exemple, rejouer de la tête, donc j’ai repris complètement en juillet. » La Berrichonne offrira un an de contrat à Stéphane Kakou pour se reconstruire. « Une chance » , comme l’explique celui qui est actuellement à la recherche d’un nouveau projet après avoir participé à l’aventure gâchée de Luzenac. Le destin voulait qu’il en soit ainsi, mais les deux potes se posent toujours la même question : « Comment on a pu s’en sortir ? »

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Par Maxime Brigand

Tous propos recueillis par MB.

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